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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

507 jours hors du temps

Si la banquise m’était contée

C’est le récit de l’aventure d’un bateau hors du commun au service de l’écologie de la planète. Pour mieux répondre aux interrogations concernant l’avenir de l’humanité sur la terre, une goélette s’est lancée à l’assaut des glaces polaires. En route pour l’Arctique !

LE VOILIER DE L’EXTRÊME
Le rêve du docteur Jean-Louis Étienne, amoureux inconditionnel des pôles, prit naissance, il y a vingt ans, sous la houlette conceptuelle de son ami Michel Franco, ingénieur passionné. S’inspirant de la forme naturelle de l’œuf, il répondit à la vision de Jean-Louis Étienne en élaborant la silhouette oblongue de la future goélette qui offrirait ainsi le moins de prise possible aux intempéries. Baptisée Antarctica, puis Slamaster et finalement Tara, le bateau fut taillé pour les extrêmes géographiques.
Noël 1987 donne le départ de la première expédition, sous la commande de Jean-Louis Étienne. D’autres suivront jusqu’en 1999 où le voilier est racheté par Sir Peter Blake, vainqueur de nombreuses compétitions nautiques. L’objectif de Sir Blake est de sensibiliser l’opinion publique internationale aux enjeux environnementaux et principalement au problème du réchauffement climatique. En 2000 et 2001, il effectue plusieurs missions à cet effet en Antarctique, puis en Amazonie pour y étudier les conséquences des rejets industriels sur la faune et la flore. C’est pendant cette expédition que Sir Peter Blake est assassiné par des pirates, mais l’élan humaniste et généreux de ce pionnier scelle pour toujours le destin du bateau.

Du 3 septembre 2006 au 21 janvier 2008, Tara et son équipage ont parcouru 5 200 kilomètres de dérive. Vingt hommes et femmes ont vécu 230 jours dans la nuit complète et 230 jours dans le jour permanent par une température allant de – 41 °C à + 9 °C. Deux cents litres d’eau par 24 heures leur étaient nécessaires, la neige fondue servait à la boisson et ils durent casser la glace et la faire fondre pour se laver et nettoyer le bateau. Limités initialement à l’éclairage par diodes électroluminescentes, ils eurent recours à deux grosses ampoules de 200 watts dans l’espace réservé aux échanges conviviaux, pour améliorer un moral fragilisé par le manque de lumière du jour. Des groupes électrogènes et des panneaux solaires l’été couvraient leur consommation d’énergie. Les déchets furent traités, compactés suivant les matières ou rapportés pour être réutilisés en Norvège ou en France ; les déchets organiques, les déchets de verre ou de métal ont été concassés, broyés et jetés dans l’Océan. Avec le temps, le métal rouille et se décompose et le verre se transforme en silice. Les papiers étaient brûlés pour éviter de transformer les alentours de l’embarcation en poubelle. Les gaz à effet de serre émis par la combustion restaient cependant moindres qu’un stockage en vue du voyage de retour. Depuis, l’installation d’un incinérateur pour papiers est envisagée dans le but d’en récupérer le dégagement de chaleur. Quant aux toilettes, ils creusèrent un trou dans la glace surmonté d’une petite tente… Vingt personnes, donc, de sept nationalités différentes composaient l’équipage trié sur le volet.

L’expédition se déroulant dans un milieu hostile continu, ils devaient être, avant tout, marins et posséder des compétences polyvalentes. Ils ont tous fait l’objet d’une investigation médicale poussée au regard de généralistes, dentistes, et médecins psy spécialisés dans la vie au sein des territoires arctiques et antarctiques. Les scientifiques ont été choisis parmi les 48 laboratoires impliqués dans l’aventure. Au bout du compte, le comportement et la résistance exemplaires de tous les membres de l’équipage ont eu raison des peurs de ceux qui restaient à terre. S’aventurer un an et demi dans un monde inconnu relève d’une expérience unique et fascinante. Dans les moments d’inquiétude et d’anxiété, protégés, par une simple coque, de l’hostilité du monde extérieur, il y a de quoi se sentir aussi vulnérable qu’un poussin dans son œuf. Mais contempler l’aurore boréale et ses fusées d’arcs-en-ciel projetés dans l’espace infini, c’est accéder au mystère de l’univers et toucher du doigt la divinité. Les vingt témoins de la vie à l’état pur ont tous rapporté dans leur cœur une flamme de bonheur indestructible. Bruno Vienne, le caméraman de bord lors du premier hivernage, garde de sa nuit polaire un souvenir inoubliable : “J’ai appris à respecter le temps, c’est un luxe dont j’avais perdu la saveur. Pour moi, c’est aussi ça le cadeau de la banquise.” Tous ont appris, au travers de leur aventure, à apprécier les vraies valeurs, celles du temps qui passe et de la force des échanges humains dans la fragilité d’un monde dénué de toute vie, au centre duquel ils se sont trouvé réunis.
PREMIER BILAN SCIENTIFIQUE
Au terme de l’exploration, certains faits majeurs peuvent être signalés : retrait considérable de la banquise au cours de l’été 2007 et ce, contre toute attente prévisionnelle. Un million de km2 de surface de glace perdu, soit trois fois la surface de la France. En été 1979, l’étendue de la banquise arctique était de 7 millions de km2. Elle se retrouve, en été 2007, réduite à 4 millions de km2. Jean-Claude Gascard explique : “La dérive a entraîné Tara à une vitesse deux à trois fois plus élevée que ce que nous avions prévu, sur la base de données statistiques fiables, déduites de vingt années d’observation à partir de bouées dérivantes en Arctique. En fait, le système, étant entré dans une phase d’évolution très rapide, rend caduques ces informations et ceci pose un très sérieux problème au climatologue qui a perdu ses repères habituels. Tara, qui devait dériver pendant deux années, est sortie de l’océan arctique avec sept mois d’avance. Cette accélération peut être due aux vents qui sont les principaux moteurs de la dérive, et à la glace qui, devenant plus mince, est aussi plus mobile. Nous avons constaté un amincissement de 50 % des glaces de mer en 20 ans. L’effet de serre occupe la première place responsable de l’emballement auquel nous assistons actuellement en Arctique.
Cent quarante classes ont travaillé sous la conduite de partenaires éducatifs à l’élaboration de projets scientifiques originaux autour de l’expédition Tara Arctique. Cette aventure éducative s’ouvre sur un développement de responsabilisation majeure, grâce en partie au soutien du conseil régional d’Ile-de-France. Des animations régulières sont proposées dans le cadre du “Club des jeunes amis de Tara”. Des outils et supports pédagogiques sont distribués, qui permettent d’exercer la créativité et d’élargir la compréhension de la nature.

TARA, UN PROGRAMME POUR TOUS
Due au réchauffement climatique, la fonte de la banquise annonce des phénomènes destructeurs pour la planète. Les ours polaires voient leur espace réduit d’année en année. Et les scientifiques s’accordent à dire :

La fonte accélérée des glaces du Groenland pourrait faire monter le niveau des océans d’un mètre d’ici à la fin du siècle, privant d’oxygène les écosystèmes marins. De considérables quantités de méthane actuellement enfouies sous la Sibérie pourraient, en se libérant, augmenter la production de dioxyde de carbone, entraînant alors d’importantes dégradations. Si le monde d’aujourd’hui est tel que nous l’avons fait, le monde de demain sera ce que nous en ferons ».

Pour plus de renseignements :
Tara Expéditions : www.taraexpeditions.org
Club des jeunes amis de Tara : tara@explorations1901.eu

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