Coriolus versicolor : les dessous d’une interdiction
Avec d’autres, j’ai contribué à faire connaître en France le Coriolus versicolor, un champignon médicinal aux propriétés immunomodulantes et anticancéreuses bien établies.
Ce champignon a déjà bénéficié d’au moins 500 publications scientifiques et son principal actif, le polysaccharide K ou PSK, est couramment intégré dans les protocoles de chimiothérapie mis en œuvre dans les hôpitaux chinois et japonais depuis une quarantaine d’années. Une culture biologique de Coriolus se développait même en France depuis une bonne dizaine d’années. Tout semblait donc aller pour le mieux, du moins jusqu’à cette soudaine « interdiction » faite aux fabricants français de compléments alimentaires de vendre du Coriolus.
En réalité, cette interdiction n’est pas liée à l’éventuelle dangerosité du champignon, mais à son « statut » administratif au niveau européen.
En effet, une directive européenne datant de 1997 (Règlement (CE) N° 258/97) a instauré un distingo entre aliments traditionnels et nouveaux aliments ou ingrédients alimentaires (Novel Food). Une longue liste d’aliments ou ingrédients alimentaires a priori considérés comme « nouveaux » sur le territoire de l’Union Européenne, a été établie. Y figurent un certain nombre de champignons. Pour le shiitaké, par exemple, il n’a pas été difficile de démontrer son emploi dans l’alimentation avant la promulgation de la directive européenne, soit avant 1997. Il a donc été classé « vert ». Quand la situation apparaît moins clair, le champignon se retrouve classé « orange », voire « rouge » : Héricium, un champignon fort utile en cas de douleurs neuropathiques périphériques (voir Rebelle-Santé n° 161), est ainsi classé « orange », tandis que Coriolus versicolor, lui, est carrément classé « rouge » !
La France vient donc de s’appuyer sur cette directive européenne pour suspendre jusqu’à nouvel ordre la commercialisation du Coriolus, non pas parce que son éventuelle dangerosité aurait été mise en évidence ou même simplement suspectée, mais parce qu’il ne dispose pas à ce jour de l’autorisation administrative d’être commercialisé en tant que « nouvel » aliment !
Pour sortir de cet étau administratif dans les délais les plus brefs, il y a une solution imparable, à savoir démontrer que Coriolus était déjà consommé en France avant 1997. Mais là, avouons-le, c’est très très loin d’être gagné ! Le Coriolus est un champignon coriace qui a toujours été très peu utilisé dans un cadre culinaire, même en Extrême-Orient.
À l’avenir, le fabricant français de compléments alimentaires désireux de mettre des extraits de Coriolus versicolor sur le marché n’aura par conséquent pas d’autre choix que de soumettre un dossier de demande d’autorisation aux autorités sanitaires, sauf que les sommes à investir pour la confection d’un tel dossier sont considérables – de l’ordre de 300 000 € ! De quoi très vite tempérer les ardeurs…
Comme il n’est pas question d’espérer faire fortune avec ce champignon, les petits labos français vont certainement préférer jeter l’éponge, et il n’y aura donc plus d’autre choix que de s’approvisionner à l’étranger.