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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

De l’usage du bouleau…

M. B. qui avait eu la gentillesse de nous raconter l’histoire des chaussettes russes (Belle-Santé n° 103) nous a à nouveau écrit. Avant de «fermer son parapluie» (je le cite), il lui serait agréable de fédérer les gens de son espèce. Il souhaiterait que notre revue puisse plancher sur la question suivante : «Que faire d’un savoir qui disparaîtra inéluctablement avant que les avantages ne soient reconnus ?»

J’appartiens à cette lignée de gens du petit peuple qui étaient trop pauvres pour se permettre la consultation d’un docteur. Il y avait ainsi dans chaque village, voire dans chaque hameau, le père ou la mère qui connaissait la «chose» des plantes, leurs vertus, leurs limites mais aussi le mode d’emploi et, dans le passé déjà lointain, la petite prière qui devait l’accompagner. Je voudrais vous parler du bouleau que j’utilise depuis une bonne quarantaine d’années. La renommée du bouleau est authentifiée par un long usage qui se perd dans la nuit des temps.

Mes parents et grands-parents du côté maternel vivaient une partie de l’hiver dans la forêt de Rennes. La mémoire collective des forestiers privilégiait le bouleau pour se protéger de la foudre. Jamais, disaient-ils, la foudre n’était tombée sur cet arbre, je ne l’ai jamais remarqué non plus. Dans la parcelle domaniale attribuée, le forestier cherchait le bouleau pour se protéger de la foudre, s’y reposer, voire y dormir.
À cette lointaine époque, on y récoltait les bourgeons, et les feuilles, une fois séchées, étaient utilisées pour faire un bon matelas pour le grand-père ou le nouveau-né. Le rhumatisant recherchait les feuilles sèches préalablement bassinées : c’était un remède très apprécié par les gens du peuple.

Le hasard de ma longue vie m’a mis en relation avec une autre utilisation du bouleau : il s’agit de sa sève. C’est juste le moment de faire l’opération suivante (Louis nous a écrit le 20 mars, NDLR). Il s’agit de percer le tronc du bouleau avec une perceuse ou une tarière juste avant le développement des feuilles. Il va en sortir une grande quantité de liquide que l’on va recueillir de la façon suivante : prenez une grande bouteille de 5 litres ou de 2 litres, introduisez dans le trou percé une paille qu’utilisent les enfants pour boire les jus de fruits. Percez aussi le bouchon à la dimension correspondant au trou. Il va s’échapper une grande quantité de sève ; c’est une mine inépuisable de santé.

Toujours par le hasard des correspondances, j’avais un ami tailleur de pierres en Ukraine, son voisin venait de Sibérie où le bouleau prospère. Il disait que les Sibériennes étaient les plus belles, because elles se passaient de la sève sur le visage qui rend la peau plus douce, plus belle et ôte les taches du visage. «Tu devrais, disait-il, essayer pour les jeunes filles de France».

La sève du bouleau est aussi fermentescible et peut donner, selon son bon vouloir, un vin appelé le sang de bouleau ou un vinaigre qui jouit aussi de nombreuses propriétés, par exemple diurétiques. Je n’ai pas de petits fûts en chêne ou en châtaignier, c’est la raison pour laquelle je n’ai pas essayé de faire le sang du bouleau. Mais ce n’est pas plus compliqué que les autres recettes avec chaptalisation. Le «barricot» rempli, on y ajoute sucre ou miel, thym, sauge, sarriette, romarin, on laisse le tout fermenter 40 jours, on additionne de quelques clous de girofle, un peu de cannelle et le tour est joué. Il n’y a plus qu’à soutirer et à mettre en bouteilles capsulées. Ce serait bien si un lecteur de Belle-Santé nous donnait sa façon de procéder.

Il y a une bonne soixantaine d’années, j’ai fait connaissance des Moyes. Ils vivent le plus souvent nus sur les hauts plateaux de Dalat. Moyes ou Mons veut dire sauvage en vietnamien. C’est un peuple extraordinaire qui vit au plus près de la nature. «Nous sommes, disent-ils, une partie de la nature et si nous ne nous intégrons pas à cette nature généreuse, nous perdons notre identité». C’est la raison pour laquelle ils demandent à la plante la permission d’utiliser une partie ou la totalité de celle-ci. Notre égocentrisme et l’importance démesurée que nous apportons à notre Moi nous coupent de la source de la vie. Elle nous coupe aussi de la nature, c’est le «règne du paraître» et de l’ «avoir toujours plus». Le résultat, c’est le n’importe quoi de la biture express, du cannabis. Coupé du plus profond de son être, l’homme est à la dérive à cause de ses repères perdus.

Je ne vous aurais pas raconté cette histoire lointaine entièrement si je ne vous disais pas le fond de mon comportement envers mon bouleau, celui que je «possède» (je n’aime pas ce terme-là). Avant de percer le trou, je lui demande de bien vouloir excuser mon geste, lui indiquant que je ne prendrai que le nécessaire et que je reboucherai le trou avec un petit morceau de bois de la bonne dimension.
Je sais très bien la réaction du lecteur qui va me trouver un peu fêlé sur les bords et, pourtant, au plus profond de mon être, la méthode ou plutôt la pratique de la demande, du remerciement, crée l’harmonie. L’homme d’aujourd’hui n’est plus relié à sa source, je ne parle pas de celle des églises ou autres sectes, je parle de celle qui nous relie à la nature, aux oiseaux, aux bêtes et quelquefois — je dois dire rarement — aux hommes de notre temps.

Ma mère était une «Coupel», ma grand-mère ne savait ni lire ni écrire mais c’était un puits de science sur l’utilisation des simples. Il me serait agréable de signer ce papier de Coupel Barbot en mémoire de toutes les femmes qui ont oeuvré et diffusé, toujours gratuitement, les conseils et les petits secrets qui alimentaient un savoir en voie de disparition.»
M. Coupel Barbot des Côtes-d’Armor

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