Agrocarburants : l’arnaque écologique ?
Les carburants d’origine agricole connaissent un développement sans précédent. Sont-ils pour autant aussi écologiques que leurs partisans le prétendent ? Pas si sûr…
Par Emmanuel Thévenon
Selon leurs partisans, les agrocarburants cumulent les vertus : ils participent à la lutte contre le réchauffement climatique, ils offrent de nouveaux débouchés aux agriculteurs et de réelles opportunités économiques pour les pays du Sud.
DE « BIO » en « AGRO »
Pourtant, les agrocarburants ne font pas l’unanimité. Des économistes s’alarment de leur développement rapide au détriment des cultures alimentaires. Au Mexique, par exemple, la farine de maïs, qui sert à confectionner les tortillas, l’aliment de base des plus pauvres, a vu son prix doubler en raison de l’augmentation des surfaces de maïs dédiées à la fabrication de carburant. Plus globalement, affirme un rapport récent de la FAO et l’OCDE, cette concurrence territoriale va se traduire par une hausse des prix mondiaux de nombreux produits agricoles.
Les organisations de défense de l’environnement récusent quant à elles le caractère écologique de ces combustibles. D’ailleurs, vous l’avez remarqué, le terme “agrocarburant” a pris le pas sur celui de “biocarburant” jusque-là employé. Les ONG relativisent le principal argument des tenants des carburants d’origine végétale selon lequel la quantité de CO2 que ce combustible produit lorsqu’il est brûlé est équilibrée par la quantité absorbée pendant la croissance des plantes. « Comment expliquer alors que le Brésil reste le 4ème plus gros producteur d’émissions de carbone au monde, malgré son rôle dominant dans les biocarburants ? » s’étonne Daniel Howden dans les colonnes du quotidien britannique The Guardian. La réponse est simple : l’expansion de la canne à sucre et du soja pousse les élevages vers l’Amazonie, aggravant les menaces de déforestation. Outre une perte définitive de diversité biologique, la coupe de bois tropicaux est à l’origine du largage massif de CO2 dans l’atmosphère. Au niveau mondial, la destruction des forêts produit davantage de CO2 (25 %) que les transports (14 %) ! En Asie, l’avancée des plantations de palmiers à huile est si rapide qu’elle signe la mort annoncée de la forêt tropicale.
L’URGENCE EST AILLEURS
Les scientifiques David Pimentel et Tad Patzek de l’université de Cornell et de Berkeley vont encore plus loin. Ils estiment « qu’il n’y a aucun bénéfice énergétique à utiliser la biomasse des plantes pour fabriquer du carburant ». Selon leurs travaux, la fabrication d’éthanol à partir de maïs exigerait en effet 29 % d’énergie de plus que celle que l’éthanol peut produire comme carburant, et celle du bois 57 % de plus. Les résultats du biodiesel apparaissent du même ordre avec un besoin en énergie pour le produire 27 % plus important que l’énergie dégagée en tant que carburant pour le soja, et 118 % pour le tournesol.
De toute façon, quel que soit l’intérêt (relatif) des biocarburants, leur usage ne pourra jamais couvrir plus de 15 à 20 % maximum des besoins actuels de la planète en carburants, compétition avec les cultures agroalimentaires oblige. L’urgence est donc ailleurs. Dans la nécessité absolue d’économiser les 80 à 85 % restants. Bref, d’apprendre la sobriété en remettant en question notre mode de développement.
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