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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Le retour du loup

Mes premiers moutons - Épisode 5

Il y a peu de chance que, dans mon jardin francilien, mes brebis Ella et Bianca soient attaquées par des loups. En décembre dernier, toutefois, un loup aurait été aperçu dans l’Essonne, de quoi piquer ma curiosité et m’inciter à plonger dans un débat sensible qui cristallise des points de vue bien tranchés entre éleveurs et défenseurs des loups.

En janvier, le musée de l’Homme à Paris organisait un cycle de quatre conférences sous le titre Le Loup et l’Agneau, en référence à la célèbre fable de la Fontaine. Avec des scientifiques de tous poils, sociologues, archéologues, psychanalystes, éthologues, bergers ou protecteurs du loup, les interventions étaient variées, mais visaient plutôt à montrer en quoi, dans notre imaginaire populaire occidental, la peur du méchant loup aimante encore les peurs dès la plus tendre enfance, malgré une population de plus en plus citadine, qui n’a jamais eu à côtoyer la bête. Le loup a toujours été l’ennemi des éleveurs et la déforestation accélérée, au XIXe siècle, avait peu à peu conduit à sa quasi-disparition des paysages français au début du XXe siècle. Entre 1937 (date officielle de son éradication) et 1992 (date officielle de son « retour »), le prédateur a toutefois régulièrement marqué le territoire, et des loups ont été abattus dans de nombreux départements. Protégé par la Convention de Berne en 1979 et la directive européenne Habitat Faune Flore en 1992, le loup revient en France au début des années 1990 par les Alpes italiennes.
D’après l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage), on évalue en 2016 à 292 le nombre de loups sur le territoire. Mais ce chiffre est régulièrement remis en cause, certains estiment que la population des loups se situe autour de 380 individus en 2016, et dépasserait 440 en 2017.

UN ANIMAL SAUVAGE
Ni gentil ni méchant, le loup est un animal sauvage. Il faut bien prendre garde, en luttant contre sa diabolisation, à ne pas tomber dans l’excès inverse, qui consisterait à créer le mythe d’un gentil petit loup.
Le loup n’est pas un chien, même si, comme nous en informent les préhistoriens, la domestication très ancienne des loups au paléolithique a donné les chiens. La sélection s’est faite sur les individus les moins agressifs à travers des lignées qui se sont différenciées sur des millénaires.
En tant qu’animal sauvage, le comportement du loup est défini au sein d’une meute dans laquelle s’établissent des rapports hiérarchiques très précis, ou en solitaire quand un jeune loup mâle peut parcourir plusieurs milliers de kilomètres en vue de trouver une femelle pour créer une nouvelle meute. Une fois la meute installée, le territoire des loups s’étend sur 400 km² environ. La meute se compose en général d’une famille et regroupe, autour d’un mâle et d’une femelle alpha (= dominants), leur progéniture dans un espace organisé autour d’une tanière et des terrains de chasse avec des zones d’exercices et d’apprentissage pour élever les louveteaux.

LA SOCIABILITÉ DES LOUPS
L’intelligence du loup n’est pas un mythe ; l’animal, très sociable, s’adapte à tous les environnements et aux paysages humanisés, en apprenant du comportement des hommes qui influence à son tour son propre comportement. En principe, le loup ne s’attaque pas aux humains. Entre 1580 et 1880, 5 700 victimes d’attaques de Canis lupus ont été recensées, soit 19 personnes par an, ce qui n’est rien comparé aux attaques de chiens, par exemple. Théoriquement, la meute puise le gibier sauvage dans son territoire naturel si celui-ci est abondant. En revanche, si, sur le territoire d’une meute, s’aventurent des troupeaux, le loup ne fera pas la différence entre un mouflon et une brebis, d’autant que l’animal domestiqué sera une proie plus facile que le gibier sauvage.

Plus bas dans les vallées, les décharges publiques constituent une source de nourriture encore plus accessible… De même, le comportement du loup vis-à-vis des humains est hérité d’une méfiance historique née de sa persécution. Pourchassés, les loups ont appris à éviter les humains. Ils restent néanmoins de grands prédateurs et certains éthologues mettent en garde sur les effets de la surprotection de l’espèce qui peut faire évoluer les comportements vers une plus grande proximité, avec une double conséquence : l’augmentation de l’agressivité des loups d’une part, qui, moins peureux vis-à-vis des hommes, se rapprochent des habitations et des troupeaux et, d’autre part, une facilité de braconnage accrue du fait de la familiarité entre les loups et les humains.

LA VALLÉE DES LOUPS
Un documentaire sur la nature sauvage
Jean-Michel Bertrand est un réalisateur de documentaires animaliers passionné et amoureux de la nature. En 2010, après cinq ans passés à observer les aigles dans la vallée des Alpes de son enfance, il sortait son premier documentaire, Vertige d’une rencontre. Depuis, il s’est lancé sur la piste des loups, réapparus il y a une vingtaine d’années dans la même vallée. On ne saurait trop recommander ce film, La Vallée des loups, sorti le 4 janvier dernier qui met en scène l’attente à travers les repérages et l’observation obstinée. Les documentaires animaliers spectaculaires ne rendent souvent pas aussi bien compte de la difficulté d’approcher cette nature sauvage, comme cet hiver où Jean-Michel guette les loups sans les voir, renseigné par de simples traces dans la neige, en maigres indices d’une meute fantôme insaisissable. Lorsqu’enfin les loups se montrent, c’est la rencontre réciproque d’animaux qui se laissent voir, et la conscience d’un guetteur qui choisit de partir lorsque la relation pourrait devenir trop étroite et menacer les loups, en les trompant sur la nature des humains. Un documentaire exemplaire, dans une vallée secrète et protégée qui reste aussi une exception, car si Jean-Michel Bertrand a choisi ce lieu, c’est justement parce que la meute n’y était pas au contact des humains et des troupeaux.

JEAN VEYMONT, LE BERGER INDIGNÉ
Jean Veymont, c’est le nom de plume du berger Patrice Marie, un homme en résistance, en hommage au Grand Veymont dans le massif du Vercors, où il mène son troupeau en pâture. Entre coups de gueule rimés et poèmes d’amour à son troupeau, d’un verbe franc, Patrice chante son quotidien maquisard et fissure l’image d’Épinal du berger serein et contemplatif, pour donner de la voix à ses revendications humanistes et sociales. Contre les stratégies libérales du monde agroalimentaire, pour la défense d’un modèle humain, auprès de ses chiens et de ses brebis, il témoigne de son travail et aborde évidemment la problématique du loup, notamment à travers une sorte de journal saisonnier, intitulé « Tenez vos loups en laisse, moi je garde mes brebis » qui rapporte, mois par mois, le prix des attaques, indiquant un prélèvement total de 10 % sur son troupeau en une saison. Une bonne manière de comprendre la pénibilité de la protection des bêtes face au harcèlement des prédateurs en prenant en compte l’atteinte affective lors de la perte de certaines bêtes qui faisaient l’identité du troupeau. La mort de Lulu Berlue, par exemple, est une tragédie. De plus, les indemnités ne sont pas systématiques, puisqu’il faut retrouver les cadavres et ce, avant que les charognards n’y touchent, pour prouver qu’il s’agit bien des loups. Entraîné par la verve de ce berger rebelle, il faut lire ce pamphlet édifiant sur la condition pastorale actuelle.
Le berger Jean Veymont, conteur indigné, Patrice Marie, Cardère, 92 pages, 10 €

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