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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Dr Nicole Delépine – Son combat pour une cancérologie à visage humain

Pédiatre oncologue depuis une trentaine d’années, Nicole Delépine pratique une cancérologie individualisée, plus efficace et mieux tolérée.

Une pratique « hors norme » qui lui vaut les foudres du système et de multiples bâtons dans les roues. Au point que la survie de son service, pourtant unique en France, est menacée.

Comment et pourquoi en êtes-vous arrivée à faire autrement que les autres en cancérologie pédiatrique ?
Dès les années 80, mon mari, qui est chirurgien orthopédiste, s’est mis à faire de la chirurgie conservatrice des sarcomes osseux, ce qui permet d’éviter l’amputation. Je me suis aussi intéressée à cette époque-là à ces tumeurs et aux autres tumeurs solides de l’enfant. A l’époque, on nous disait qu’il fallait inclure les patients dans les essais thérapeutiques et on le faisait.
Il s’agissait donc de tirer au sort les patients et de donner à certains un traitement standard déterminé par des sociétés savantes, selon le type de tumeur. Seulement, après avoir inclus quelques dizaines de patients entre 1982 et 1984, on a fait le bilan de nos résultats et on s’est rendu compte qu’il n’y avait que 40 % de guérisons à court terme pour ces tumeurs osseuses. Après des recherches dans la littérature et des congrès internationaux, nous avons rencontré le cancérologue Gerald Rosen, du Sloan Kettering Memorial Hospital de New York qui, lui, obtenait plutôt des taux de guérison de 80% pour ces types de tumeurs.
Quand mon mari et moi avons voulu qu’on passe aux protocoles de chimiothérapie plus performants de Rosen avec nos patients français, on s’est heurté à une terrible résistance. On a prétendu que Rosen mentait, on a mis des bâtons dans les roues à mon mari pour ne pas qu’il publie.
En 1986, lors d’un congrès en Hongrie, un confrère m’a désignée comme « celle qui faisait de l’oncologie pédiatrique clandestine ». C’est alors que j’ai vraiment compris à quel point refuser la systématisation des essais thérapeutiques et avoir finalement de meilleurs taux de guérison constituait étonnamment un crime de lèse majesté.

Pourquoi une telle résistance alors que le but devrait être de guérir le plus de malades possible ?
Un patron de cancérologie de Lyon me l’a expliqué : « De toute façon, on sait bien que tu les guéris, tes ostéosarcomes, mais tu ne publies pas et on ne t’emmerde pas. Si tu publies, on t’emmerde. »
En fait, si on publie, les gens ne voudront plus entrer dans les essais thérapeutiques qui sont une machine à fric. Quand on sait que le médecin qui inclut les gens dans ces essais touche parfois plus de 7000 € par patient pour lui ou son service, que l’investigateur qui conçoit l’essai touche souvent plus de 200 00 €, on comprend que c’est aussi un business. Ce que je conteste pour ma part, ce ne sont pas les essais thérapeutiques en eux-mêmes, mais l’inclusion systématique des patients pour lesquels un traitement éprouvé et efficace existe déjà. À la fin des années 90, après révision de toute la littérature internationale, on a démontré et publié à différents endroits que les essais randomisés avaient fait perdre 20 % de chances de survie et plus de 20 % de chances d’éviter l’amputation aux patients atteints d’ostéosarcomes. Cela a fort déplu au Pr Tursz, directeur d’alors de l’Institut Gustave Roussy, qui a sorti une lettre très diffamatoire à mon égard, m’accusant de fraude, de manipuler les parents et même de ne pas disposer des diplômes ! Le faible nombre de cancers annuels chez les enfants (2000 dont 1600 tumeurs solides) est utilisé comme prétexte pour les inclure tous dans les essais thérapeutiques destinés à évaluer ces « thérapies innovantes ». Or celles-ci peuvent parfois être un progrès, mais sont souvent peu ou pas efficaces et font courir des risques inutiles aux patients. Certains malades peuvent alors échapper à un traitement plus ancien qui avait fait ses preuves et qui aurait pu les sauver.

À LIRE :
Le Cancer, un fléau qui rapporte, du Dr Nicole Delépine. Éditions Michalon. 19 €

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