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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

L’apiculture aujourd’hui…

...Vincent Michaud

Vincent Michaud est un passionné. Producteur de miel depuis de nombreuses années, on ne se lasse pas de l’écouter tant son amour de la nature et des abeilles est communicatif.

L’utilisation massive de pesticides depuis ces 20 dernières années a eu pour conséquence de décimer une quantité énorme d’animaux dont insectes et oiseaux. Les abeilles ne sont, bien sûr, pas épargnées ce qui met en danger les équilibres naturels de la faune et de la flore mais aussi la survie des apiculteurs durement touchés par ce désastre écologique.

Vincent Michaud se démène aujourd’hui pour sauver ces merveilleux insectes et le fruit de leur travail : les produits de la ruche.

Rencontre avec ce spécialiste

Quel est l’impact de l’agriculture sur les abeilles ?

Le nombre d’abeilles a diminué de façon considérable.
C’est dramatique, car on a impéra­tivement besoin d’elles pour assurer la pollinisation des fleurs et donc la reproduction des plantes. Le para­doxe est que les abeilles servent l’agriculture alors que cette dernière les tue par l’utilisation massive de pesticides qui entraîne une véritable catastrophe écologique.

Quelle est la situation en Europe et plus particulièrement en France ?

En France, comme dans certaines zones du monde, on est à la limite de l’irréversible. Il y a 20 ans, on produisait plus de 30 000 tonnes de miel par an. Aujourd’hui, la production est sys­té­ma­tiquement inférieure à 15 000 tonnes. Certaines études, comme celle éta­blie récemment par le Docteur Jean-Marc Bonmatin du CNRS, mettent en évidence la disparition d’un grand nombre d’animaux, une véritable extinction massive des espèces vivantes.

La France est de loin le pays le plus touché, car c’est un pays fortement agricole. Il est le troisième plus gros utilisateur mondial de pesticides en valeur absolue et le premier par hectare cultivé. Les dégâts éco­logiques sont donc encore plus graves dans notre pays qu’ailleurs.

Il y a 25 ans, la France produisait plus de miel que l’Espagne. Aujourd’hui, l’Espagne est devenue le plus gros producteur de miel européen avec plus de 30 000 tonnes par an.

La production de miel dans des pays comme la Hongrie, la Bulgarie ou la Roumanie s’est également développée, alors qu’en France elle s’est effondrée. La disparition des abeilles n’est donc pas une fatalité partout dans le monde.

La France consomme à peu près 40 000 tonnes de miel par an et n’en produit plus que 15 000 les meilleures années. On importe donc plus de la moitié des besoins.

Est-ce que la dégradation environnementale a eu des conséquences sur la qualité du miel ?

Oui bien sûr ! Les apiculteurs pro­duisent de moins en moins de miel. Celui-ci prend donc de plus en plus de valeur marchande. Cette augmentation de valeur encourage les fraudes et contribue à l’utilisation massive de sirops de nourrissement.

L’apiculteur récolte la quasi-totalité du miel qui est fabriqué par les abeilles. Or, celles-ci fabriquent leur miel pendant l’été pour se nourrir durant l’hiver.

La succession de mauvaises miellées entraîne les apiculteurs à utiliser comme palliatif des sirops de nour­rissement, notamment à la fin de l’hiver et au début du printemps.

D’autant qu’on s’est aperçu qu’en utilisant ces sirops, la reine pondait davantage et les colonies devenaient donc plus importantes. Mais le problème est qu’on retrouve de plus en plus fréquemment ce sirop dans les miels.

De quoi est composé le sirop de nourrissement ? Existe-t-il un moyen de le repérer ?

Il est indétectable au goût parce qu’il est composé des deux principaux sucres qui se trouvent dans le miel, à savoir le fructose et le glucose. Très proche du miel en apparence, il est uniquement détectable par l’analyse. Le consommateur n’a donc aucun moyen de voir s’il y a du sirop…

Alors comment savoir vraiment ce qu’il y a dans le miel ?

On a mis au point une technologie très avancée d’identification par résonance magnétique nucléaire (IRMN) qui permet de scanner toute la matière et de détecter toutes les substances exogènes, dont les sirops de sucre. Même quand il n’y a que 5 % de sirop dans un miel, nous pouvons le détecter.

Nous pouvons aujourd’hui certifier si un miel est totalement pur ou s’il a été contaminé par des substances exogènes.

Quelles sont les qualités nutritionnelles du miel ?

On ne peut pas dire que le miel soit exceptionnellement riche en quel­que chose de particulier. C’est la combinaison et la synergie de ses composants qui font sa richesse. Sa concentration en fructose, glu­cose, la présence d’inhibine et les traces de propolis qu’on y trouve, font que le miel a un pouvoir cicatrisant extraordinaire. Cela a toujours été reconnu par l’humanité.

Dans l’Antiquité, les Égyptiens utilisaient déjà le miel et les produits de la ruche pour soigner toutes sortes de maladies.

Le pouvoir cicatrisant du miel est tel qu’aucune recherche scientifique pour le remplacer n’a pu donner de résultats équivalents. Et, à chaque fois qu’il y a des comparatifs entre les médicaments les plus puissants et le miel, c’est le miel qui l’emporte pour soigner les brûlures et favori­ser la cicatrisation.

Face au désastre écologique, de quelle manière le consommateur peut-il participer au maintien de la biodiversité ?

En consommant du miel. On contribue ainsi au développement de l’apiculture.
Et puis il est important de se faire entendre des pouvoirs publics. On apprend régulièrement dans les médias que tel ou tel néonicotinoïde va être interdit, mais à chaque fois que le pouvoir politique prend une telle décision, nous apprenons ensuite rapidement qu’une nouvelle molécule qui remplace la précédente vient d’être mise sur le marché, et cette dernière se révèle être pire encore par son action agressive et toxique.

N’oublions pas que la seule mission d’un pesticide est de tuer, de supprimer la vie. Quand le premier pesticide massivement utilisé a été inventé, le DDT, il y avait encore du bon sens : le traitement des végétaux pendant la floraison était interdit.

Mais c’est justement au moment de la floraison et de la fructification que les « nuisibles » sont les plus présents. C’est ainsi qu’ont été conçus les pesticides systémiques : ce sont des pesticides présents en permanence dans toutes les parties de la plante, y compris pendant la floraison et la fructification.

Consommer bio pour tous les actes du quotidien permet donc de ne pas cautionner cette pratique… ?

Oui, absolument.

Dans le domaine du miel, c’est un peu particulier. Produire bio revient à une obligation de moyens. Le cahier des charges du miel bio consiste à suivre des règles de pratiques apicoles biologiques respectueuses des abeilles et de l’environnement. Mais il ne faut pas oublier que l’abeille butine dans un rayon de 3,5 km autour de la ruche, soit environ 40 km². Or il n’existe pas de surface en France de 40 km² vierge de traitements chimiques.

Même dans les zones de montagne, il y a partout des cultures, des industries, des décharges ou des zones de stockage ouvertes. Il faut donc être prudent par rapport au bio. Le cahier des charges bio ne suffit pas et il faut quand même procéder à une analyse du miel pour contrôler le résultat.

Vous avez créé une fondation dans le but de défendre la biodiversité. Est-ce que vous pouvez m’en parler et notamment de son rôle par rapport aux abeilles ?

Nous avons par exemple financé un dossier auprès de l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation (ITSAP). De nombreuses substances potentiellement toxiques pour les abeilles sont retrouvées dans les cires des ruches. Ce projet cire vise donc à établir des indicateurs de référence éco- toxicologiques afin de définir à partir de quel seuil une substance donnée devient toxique pour l’abeille.

Un autre dossier a été financé auprès de l’ITSAP en vue de finaliser le processus de validation internationale de la méthode d’évaluation des effets des pesticides sur le retour à la ruche des abeilles buti­neuses. L’objectif est de déposer un document guide auprès de l’OCDE, l’organisation de développement et de coordination économique.

Nous finançons aussi un projet de formation professionnelle qualifiante et modulaire dans un lycée agricole, ceci pour répondre au plan national de relance de l’apiculture et de s’adapter aux spécificités locales de l’abeille noire.

L’abeille noire était l’abeille d’origine en France, un écotype local. Elle est rustique et très résistante, mais elle produit moins de miel que d’autres races.

Elle consomme aussi beaucoup moins de miel. Ces dernières années, elle avait été partiellement remplacée par d’autres races d’abeille, l’abeille italienne notamment, qui produit beaucoup plus de miel, mais qui en consomme également beaucoup plus.

Quand il y a des variations de climat importantes, l’abeille italienne a besoin d’être nourrie avec des sirops alors que l’abeille noire n’a pas besoin de supplémentation.

En ce moment, on entend beaucoup parler des ruches dans les villes pour justement éviter les pesticides, qu’en pensez-vous ?

Des organisations ont monté des opérations pour expliquer aux po-pulations que les abeilles mouraient quand les ruches étaient situées dans des zones où il y a beaucoup de fleurs de culture traitées avec des pesticides systémiques, les néonicotinoïdes.

Les apiculteurs ont décidé de mettre des ruches dans des zones où il n’y a pas de culture pour voir comment les abeilles réagissent, comme les villes, et ont constaté que ces ru­ches donnaient plus de miel que celles qui se trouvent dans les zones riches en fleurs cultivées.

Mais on oublie de dire que, dans Paris, les fleurs sont des géraniums, des pétunias, des roses, etc. qui ne sont pas des fleurs mellifères. Ces fleurs d’ornement ne produisent pas de nectar.

En revanche, dans les grandes villes sur les trottoirs et dans les poubelles, il y a beaucoup de résidus sucrés. Et les abeilles récupèrent ces substances.

Si ces miels des grandes villes sont vendus très cher, personnellement, pour rien au monde je ne voudrais en consommer. Je préfère un miel de fleurs à un miel de résidus.

Il faudrait alors planter des plantes mellifères sur les toits parisiens !

Mais pour faire 1 kg de miel, rappelons-le, il faut 800 000 fleurs. Sur un toit, ça fait beaucoup !

Et vous, mangez-vous du miel ?

Je mange beaucoup de miel et suis très difficile. Je consomme beaucoup de miel d’arbres et peu de miel de culture. J’aime beaucoup le miel de châtaignier (les châtaigniers ne sont pas traités) et le miel d’acacia qui est un arbre sauvage. Le meilleur miel d’acacia vient de Hongrie et est réputé dans le monde entier. Il y a aussi un miel de grande culture que j’apprécie beaucoup qui est le miel de lavande de Provence. C’est une lavande bien particulière plantée sur les plateaux de Valen­sole et d’Albion. Ce sont les deux principales zones où l’on cultive le lavandin, une plante hybride très demandée par les parfumeurs de Grasse. Le lavandin est un hybride de lavande très aromatique et qui donne, à mon goût, le meilleur miel du monde.

La qualité nutritionnelle du miel vient donc aussi des plantes sur lesquelles ont butiné les abeilles…

Oui. Et il faut savoir qu’il y a deux sortes de miel : le miel de nectar et le miel de miellat.

Le miel de nectar vient des fleurs et le miellat vient des pucerons qui habitent les grands arbres tels que les sapins. Les pucerons se nourrissent de la sève du sapin et rejettent des excréments sucrés (le miellat). Celui-ci est prélevé par les abeilles qui en font un miel extraordinaire, le plus riche en oligo-éléments et en substances bénéfiques pour nous. C’est le miel de sapin très foncé et très fort.

Pourriez-vous me parler des vertus de la propolis et de la gelée royale ?

Au printemps, quand les bourgeons éclosent, les abeilles récupèrent la matière collante qui les recouvre et l’apportent à la ruche, y incorporent des substances qui leur sont propres et ce mélange donne la propolis.

La propolis est la substance naturelle qui a le plus grand pouvoir antibactérien connu. L’abeille l’utilise pour colmater la ruche et éviter le développement microbien. Par exemple, si un mulot rentre dans la ruche, les abeilles le piquent pour le tuer et le recouvrent de propolis pour éviter toute prolifération bactérienne.

C’est d’ailleurs de cette manière que les Égyptiens ont embaumé les pharaons et c’est pour cette raison qu’on a retrouvé des corps en bon état 4000 ans plus tard ! C’est aussi un produit très connu des chanteurs ou comédiens car il est le meilleur remède instantané à une extinction de voix.

Qu’en est-il de la gelée royale ?

C’est une substance produite par l’abeille ouvrière entre le cinquième et le onzième jour de sa vie et qui vient d’une glande positionnée sur son front. La gelée royale est utilisée pour nourrir les larves pendant les trois premiers jours qui suivent l’éclosion des œufs. Les larves sont ensuite nourries par un mélange de miel et pollen, sauf celles qui sont destinées à devenir les larves royales. La future reine sera exclusivement nourrie à la gelée royale jusqu’à sa taille adulte et pendant toute sa vie.

L’abeille ouvrière va mettre 20 jours à se former alors que la reine sera adulte en seulement 16 jours. Pourtant, c’est le même œuf. La larve de la reine va évoluer beaucoup plus vite et va donner naissance à un insecte qui sera une fois et demi plus gros que l’abeille ouvrière.

C’est un peu comme un super lait maternel… ?

Oui, c’est un peu ça. En plus, l’abeille ouvrière ne sera pas totalement formée au niveau des organes génitaux alors que la reine, elle, pourra déjà se reproduire.

L’ouvrière vit 30 à 40 jours alors que la reine vit entre trois et cinq ans. Pourtant, au départ, c’est le même œuf et le même insecte. La puissance de la reine est telle qu’elle parvient à pondre jusqu’à 2000 œufs par jour, soit une fois et demi son propre poids, avec pour seul carburant la gelée royale !

Pour terminer, avez-vous une recette à base de miel à nous communiquer ?

Oui, elle est toute simple : il s’agit simplement de mélanger du miel de châtaigner à un fromage frais de chèvre ou brebis. C’est un véritable délice…

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