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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

L’anesthésie

Les racines folles de la médecine moderne

L'invention de l’anesthésie moderne a permis la révolution de la chirurgie et des traitements de la douleur. Si les risques ont considérablement diminué ces dernières décennies, l’histoire de cette discipline entachée d'expériences ratées jongle entre le sommeil et la mort, en flirtant philosophiquement avec les états de conscience, et en révélant l’empirisme des premières techniques à l’origine d'angoisses toujours actuelles.

Selon la Genèse, si Ève est condamnée à enfanter dans la douleur, lorsque Dieu prélève une côte à Adam, « il le plongea dans un profond sommeil ». Est-ce à dire que Dieu, en plus d’être sexiste, serait le premier anesthésiste ? Cette anecdote biblique permet de comprendre pourquoi l’anesthésiste sert souvent d’archétype au savant fou, imitateur du divin, en marge d’une chrétienté qui entretient une mystique de la douleur, assimilant la souffrance à la pénitence du pêcheur. L’anesthésiste est celui qui endort et réveille, l’un n’allant pas sans l’autre, opérant à la frontière ténue qui sépare le sommeil de la mort. En Europe, l’invention de l’anesthésie moderne au milieu du XIXe siècle correspond au grand tournant de la médecine occidentale, consécutif du développement de la chirurgie et des découvertes de la chimie, qui dessinent peu à peu les contours d’une pharmacologie complexe et affinée au fil du temps.
Les pratiques anesthésiques plus anciennes restent rudimentaires, échouant à réunir les effets qui définissent l’anesthésie actuelle, à savoir l’immobilité, l’amnésie et l’inconscience. C’est pourquoi le chirurgien Velpeau, connu pour ses bandes, ne croyait pas en ce « Graal » médical, et écrivait encore en 1839 : « Éviter la douleur dans les opérations est une chimère qu’il n’est pas possible de poursuivre aujourd’hui ».

LES PREMIÈRES PRATIQUES ANALGÉSIQUES
Pour soulager la douleur lors des amputations, Aristote préconisait la compression artérielle au moyen d’un garrot.
Ambroise Paré, au XVIe siècle, perfectionne l’outil pour compresser aussi les nerfs, endormant mécaniquement la sensation.
On utilisait le froid également lors des opérations dans les armées napoléoniennes, tandis que le médecin arabe, Ibn al-Baytar, au XIIIe siècle, le préconisait pour les douleurs dentaires.
D’autres pratiques ont été mises au point, comme l’acupuncture dans la médecine chinoise.
Le mesmérisme, sur les thèses de Franz Anton Mesmer, à la fin du XVIIIe siècle, envisage le magnétisme et l’hypnose.

Parallèlement, l’usage des plantes est attesté depuis des millénaires, comme le pavot ou le cannabis en Chine (mentionnés dans l’herbier de Shen Nung, vers 2700 avant J.-C.), mais aussi la feuille de coca en Amérique du Sud, ou encore la ciguë, des solanacées comme la datura et la belladone, la mandragore, la laitue ou la jusquiame. Ces plantes toxiques, bien dosées et administrées sous la forme de breuvages ou inhalées, pouvaient se révéler plus efficaces que l’alcool, autre palliatif commun.

DE L’ALCHIMIE À LA CHIMIE, L’ANESTHÉSIE PAR ASPHYXIE
L’anesthésie moderne est née de la chimie. Dès l’Antiquité, les alchimistes ont distillé les premières liqueurs volatiles, en particulier l’alcool et sans doute l’éther, mais sans transmettre la formule.
Ce n’est que Paracelse, au XVIe siècle, qui donne la recette de l’éther en mélangeant du vitriol (acide sulfurique) avec de l’alcool. La chimie reste toutefois en dehors des opérations médicales.
Il faut attendre Michael Faraday, en 1818, pour envisager la valeur narcotique de l’éther. Le chloroforme est, quant à lui, mis au point au début du XIXe siècle, époque où Henry Hill Hickman, complètement fourvoyé, expérimente l’anesthésie au dioxyde de carbone et asphyxie ainsi de nombreux animaux.

En 1847, en Angleterre, James Young Simpson réalise la première anesthésie au chloroforme pour l’accouchement de la Reine Victoria, initiant la méthode dite d’« anesthésie à la reine ».
Les risques de ces anesthésies par inhalation sont très élevés, d’autant que la nécessité d’apporter de l’oxygène est dans un premier temps ignorée. Les premiers morts concomitants de cette invention ouvrent les débats de la fin du XIXe siècle au début du XXe siècle, autour des trois principaux gaz. Seul le protoxyde d’azote est toujours utilisé aujourd’hui.

L’INVENTION DE L’ANESTHÉSIE BALANCÉE
Les anesthésies générales intraveineuses ne se développent qu’à partir des années 1940 par la mise au point de barbituriques purifiés et à action rapide. Claude Bernard préfigure toutefois, dès 1860, les bases de « l’anesthésie balancée », associant la morphine et le chloroforme, une méthode révolutionnaire qui consiste à combiner et diversifier les produits pour minimiser les effets secondaires grâce à la diminution des doses de chacun (une méthode toujours valide aujourd’hui, même si on n’utilise plus les mêmes produits).

L’ANESTHÉSIE INTRAVEINEUSE ET LOCORÉGIONALE
À la fin du XIXe siècle, l’anesthésie locorégionale se développe à partir de nouvelles molécules.
En 1859, Albert Niemann extrait la cocaïne, dont les vertus anesthésiantes conduisent Vassily von Anrep, en 1880, à proposer son emploi comme anesthésique local.
Les anesthésies péridurales et rachidiennes sont mises au point à partir de la fin du XIXe siècle.

TROIS GRANDES PROPRIÉTÉS DE MÉDICAMENTS ANESTHÉSIANTS
> Les hypnotiques, ou narcotiques, entraînent la perte de conscience.
> Les analgésiques, ou morphiniques, diminuent la perception de la douleur.
> Les curares, quant à eux, présentent l’avantage d’entraîner la paralysie musculaire, induisant le confort et la précision du geste chirurgical.

ET DEMAIN…
Tributaire de la médecine moléculaire, le ralentissement de la création de nouvelles molécules ne limite pourtant pas les perspectives de recherches en anesthésie qui doit toujours optimiser et mieux comprendre la posologie et les effets de toute la palette de produits dont elle dispose déjà. De plus, engagée auprès des neurosciences, l’anesthésie prolonge son projet clinique et philosophique toujours « fou » de maîtriser la conscience, en imaginant de nouvelles gammes de neuromédiateurs pour l’avenir.

Cet article s’appuie sur les données du CHAR (Club d’histoire de l’anesthésie et de la réanimation), www.char-fr.net

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