communauteSans
Communauté
boutiqueSans
Boutique
Image décorative. En cliquant dessus, on découvre les différents abonnements proposés par Rebelle-Santé
S’ABONNER

La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Les plantes à savon…

Vous connaissez ?

Souvent présentes dans nos jardins, leurs propriétés nettoyantes sont peu connues ou oubliées. Curiosité ou envie de « fabriquer » votre lessive, redécouvrez-les !

Le lavage, depuis longtemps, préoccupe les sociétés humaines (1). À partir de 1930, se développent les lessives « modernes » devenues au fil du temps des produits très sophistiqués qui répondent à des représentations « modernes » de ce qu’est la propreté, notamment en assurant un blanc « plus lumineux » (2) avec des produits dont l’impact sur l’environnement est à interroger. Peut-on aujourd’hui laver son linge autrement pour revenir à la simple idée de propreté, c’est-à-dire de linge débarrassé des souillures ou salissures (3) ? Tentez l’expérience en fabriquant votre savon selon les conseils de Moune (page 68), mais aussi en vous intéressant aux plantes à savon que je vous présente ici.

Le principe

Le principe du lavage est de séparer les salissures (4) d’un support, que ce soit vos mains, le sol ou le linge. Il faut donc que la salissure soit « attirée et retenue » hors de la fibre ou du support pour ensuite être évacuée au loin, en principe par l’eau. Le lavage est le résultat complexe des divers mécanismes physico-chimiques dont le déroulement dépend de la température, du pH, de la dureté de l’eau, du type de salissure, des frottements, de l’agitation du bain… Pour résumer : le lavage est assuré par des molécules aux propriétés particulières appelées agents tensioactifs qui ont un effet mouillant ; ils détachent les salissures et ensuite empêchent leur redéposition. Les salissures se répartissent alors dans l’eau de lavage sous forme d’une émulsion qui sera éliminée lors de la vidange.

Où trouver des tensioactifs naturels pour faire sa lessive ?

Regardons du côté des usages traditionnels. Les cendres riches en soude, par une réaction chimique de saponification, forment des sels de sodium ou savon. Ce composé est un tensioactif ! Donc, ça marche.

Quant aux plantes, elles sont nombreuses à contenir en proportion et nature variables des molécules connues comme tensioactives, molécules que l’on a appelées « saponines » ! On peut donc utiliser certaines plantes pour fabriquer du savon ou de la lessive.

Un peu de chimie

Il y a deux mécanismes à l’œuvre dans cette affaire :

La saponification

C’est le chimiste angevin Chevreul qui au XIXe siècle proposera la réaction chimique qui décrit ce qui se passe et nous permet de comprendre ; écrivons l’équation sans utiliser le vocabulaire du chimiste :

Graisse + base → savon + alcool

Vous mettez la soude – c’est une base (5) – en présence d’un corps gras : vous obtenez du savon, et puis un alcool (6) qui est en principe un glycérol (voir l’article de Moune qui nous rappelle que trop de soude peut donner un savon « agressif »).
Quand vous utilisez directement des cendres de bois riches en soude pour laver le linge, la soude qu’elles contiennent réagit avec les acides gras des taches organiques et forment de petites particules de sels de savon qui sont entraînées par l’eau et vont être éliminées au cours des rinçages.
Particularité du savon, c’est un tensioactif !

Les agents tensioactifs

Il y a donc le savon, mais aussi les saponines présentes dans les plantes dites à savon et bien d’autres molécules encore, naturelles ou non.

Comment ça marche ?

=> Premier effet sur le lavage : l’augmentation du pouvoir mouillant de l’eau. L’agent tensioactif, en empêchant les molécules d’eau de se regrouper, favorise leur pénétration dans les fibres du tissu ou favorise leur répartition sur la surface lavée (c’est pour cela que l’on met du savon dans les préparations de produit à pulvériser sur les plantes !).

=> Les autres effets sur le lavage : capture et éloignement des salissures. Les molécules de savon comportent deux parties, l’une attirée par les graisses ou salissures (lipophile) et l’autre par l’eau (hydrophile).
La partie lipophile entoure la salissure : plus vous frottez, plus la salissure est fragmentée, donc petite et facile à capturer.

La partie hydrophile entraîne la salissure vers l’eau, elle remonte en surface… il ne reste plus qu’à jeter l’eau (on arrose le jardin avec lorsqu’on utilise du savon naturel!).

Les plantes à savon

Elles sont nombreuses et présentes partout dans le monde.

Voici quelques exemples exotiques et célèbres :
=> les Sapindus, arbres des zones chaudes et humides (Asie surtout) comme Sapindus saponaria L. qui fournit les noix de lavage.
=> Le bois de Panama, arbuste d’Amérique du Sud de la famille des Rosaceae, se trouve en pharmacie sous diverses formes (shampooing ou fragments d’écorces…).

Zoom sur les plantes locales

Bonne nouvelle, on peut éviter de faire traverser les mers à des sacs de noix de lavage et limiter ainsi les risques d’exploitation néfaste pour les écosystèmes locaux. Vous n’avez pas de jardin ou pas beaucoup de temps ? Vous trouverez des fournisseurs de lessives naturelles (le plus souvent à base de saponaires).

Vous avez envie de vous lancer : cueillez ou cultivez les plantes nécessaires. Bien sûr, il faut que leur concentration en saponines soit suffisante !

Voici une petite liste, non exhaustive car on peut toujours dénicher une espèce intéressante… mais je ne cite que les espèces cultivables ou/et non interdites à la cueillette.

=> Les plantes qui appartiennent à la famille de Caryophyllaceae genre Saponaria sont connues : la saponaire de Montpellier (Saponaria ocymoides L.), la saponaire officinale (Saponaria officinalis L.).
=> Les autres plantes, moins riches en saponines, faciles à se procurer : le lierre, la luzerne, les marrons d’Inde, les châtaignes, le quinoa (enveloppe du grain), l’épinard (racine), la tomate, le silène compagnon blanc (espèce à cueillir, on récolte les feuilles après floraison)…

Le gypsophile (Gypsophila paniculata L.). Encore une vivace herbacée dont seules les racines sont riches en saponines ; il faut les récolter en fin d’hiver, car ensuite leur teneur diminue.
Cette plante, à cultiver en sol frais mais bien drainé, agrémentera vos parterres ou vos bouquets.

Cultiver un engrais vert et fabriquer sa lessive

La luzerne est un excellent engrais vert, elle améliore les qualités physico-chimiques du sol et sa fertilité : aération, stockage de l’eau, richesse en azote, matière organique et activité de la faune du sol.
Elle appréciera un sol drainant, plutôt frais, même si elle résiste bien à la sécheresse. Pour récolter des racines assez grosses et assez nombreuses, laissez en place la luzerne au moins deux ans puis récoltez les racines en début d’automne.

Pour fabriquer sa lessive
Lessive à la saponaire

Récupérer la racine, la nettoyer et ensuite deux solutions : proportions : 100 g de racines pour 1 litre d’eau
• faire bouillir l’eau, y jeter la saponaire coupée en morceaux de 2 cm maxi et mettre le linge, laisser bouillir 5 mn – ensuite il suffit d’enlever les petits morceaux de plante et de rincer.
• faire une décoction (mêmes proportions), laisser bouillir 5 mn, filtrer et stocker la décoction obtenue dans des bouteilles opaques et bien fermées (ne pas en faire trop à l’avance !) et utiliser ce “jus” pour laver votre linge. Faire de même pour toutes les racines

Lessives avec du lierre ou autres plantes avec des parties aériennes (feuilles, mais aussi fleurs ou fruits : le principe est le même).

Jeter une centaine de feuilles dans 2 litres d’eau, faire bouillir pendant dix minutes. Retirer du feu et laisser refroidir. Passer le tout au moulin à légumes, puis filtrer et mettre en bouteilles comme pour les racines.
 
Attention, dans certains cas on peut obtenir une lessive colorée (verdâtre ou brunâtre). Dans ce cas, on n’utilise la lessive que pour le linge coloré et sombre. Un doute ? Faites un test !

Notes

(1) Il ne faut bien sûr pas confondre lavage et désinfection.
(2) Avec l’ajout d’azurants optiques, le linge absorbe les ultraviolets et réémet de la lumière bleue, le blanc est alors plus « lumineux ».
(3) On parle ici de linge ou de surfaces qui n’ont pas besoin d’un nettoyage particulier (de désinfection, par exemple).
(4) Nous évoquerons ici surtout les salissures d’origine organique (graisse, taches de fruits…).
(5) Une base est une espèce chimique donneur d’électrons à un acide qui est un accepteur, cet échange d’électrons conduit à des composés dits de coordination (selon modèle de Lewis). Exemple : les « sels » de savon qui se forment lors de la saponification.
(6) Un alcool en chimie est un composé présentant systématiquement un groupe d’atomes OH – … et bien sûr, on retrouve ce groupe d’atomes dans l’alcool que l’on consomme (éthanol).

Pour lire la suite

Déjà abonné·e, connectez-vous !

Magazine

À lire aussi

Les dessous du textile

Comment choisir les meilleurs tissus pour notre santé? Le coton est-il plus écologique que des fibres synthétiques? Le chanvre est-il encore attractif? Les fibres de bambou viennent-elles vraiment d’un bambou? Les importations de mauvaise qualité représentent-elles une menace seulement pour notre économie? Que de questions que vous ne vous êtes peut-être jamais posées… Pourtant, les réponses sont édifiantes! Le point avec 2 spécialistes (1).