Un peu d’indulgence
Être Charlie ou non, est-ce bien la question ? On peut l’être pour mille et une raisons, ou ne pas l’être avec autant de bons arguments… L’essentiel, c’est de pouvoir être qui l’on veut sans se trouver immédiatement jugé. « On devrait être Charlie parce que… » ou « ne pas l’être parce que… ». Pourquoi avoir toujours besoin de tout critiquer, et pourquoi ne pas se dire que ces terribles évènements du début de l’année, après le recueillement, pourraient au moins avoir l’intérêt de nous faire réfléchir autrement, avec recul et indulgence les uns pour les autres.
Défiler auprès de millions de personnes pour dire non au terrorisme, à la guerre, est-ce « mal » ? Ne pas défiler parce qu’on ne supporte pas l’idée de le faire en même temps que le premier ministre turc alors que son gouvernement met chaque jour des journalistes en prison, est-ce « mal » ? Laissons à chacune et chacun le droit de faire en fonction de ce qu’elle ou il ressent et sans lui faire de reproches, en évitant d’être péremptoire et de penser tout savoir. Parfois, ça fait du bien de douter, peut-être même que c’est une marque d’intelligence, non ?
Ne nous prenons pas trop au sérieux. Essayons simplement de nous regarder nous-même d’un peu plus loin. Accordons nos actions et nos paroles et ne nous laissons pas gagner par la peur. Celle des terroristes, mais aussi celle de l’avenir, celle qui nous empêche de croire, d’espérer, et du coup de nous engager pour faire changer les choses.
Je ne dis pas que la période est à la franche gaîté, mais il me semble qu’on peut tout à fait rester lucide tout en continuant d’espérer. Comme on peut tout à fait parler un peu moins et agir un peu plus, chacun à son niveau, pour faire en sorte que le monde aille mieux. Et tout cela en commençant par se forcer un peu à remarquer tout ce que les autres font de bien avant d’entamer la moindre critique à leur égard. Bonne idée, non ?
Comme l’écrivait récemment la compagne de Luz, dessinateur survivant de Charlie Hebdo, en réponse aux véhémentes critiques venant de personnes dont elle pense partager les idéaux : « Être aimé par des cons, c’est dur, être haï par des amis, ce n’est pas facile non plus. » C’est même pire. Et puis c’est trop dommage. On gagnerait tellement à se rassembler. Faisons un peu preuve d’indulgence, d’humilité et associons nos énergies positives !
Et puis, n’oublions jamais de rire et de faire preuve d’humour. Jean-Christophe Menu, envoyé par l’équipe de Charlie Hebdo pour recevoir le grand prix d’Angoulême, l’a rappelé : « L’humour et la démocratie, c’est kif kif. (…) L’humour est la meilleure réponse, car une société qui ne rit plus, qui vit dans la terreur, n’a plus de sens ».
Et maintenant, si, toutes et tous, on en a assez de cet hiver qui nous a offert son lot de grippes, de gastros et de pluies infinies, on pourrait peut-être se mettre ensemble à sourire, déjà, en espérant l’arrivée imminente d’un beau printemps… Je nous le souhaite !
Sophie Lacoste
