Neuf façons de voir l’espérance de vie
L’espérance de vie augmente de décennie en décennie, nous dit-on. Tout va donc bien dans le meilleur des mondes. Critiquer la situation actuelle est alors quasiment impossible.
L’espérance de vie augmente de décennie en décennie, nous dit-on. Tout va donc bien dans le meilleur des mondes. Critiquer la situation actuelle est alors quasiment impossible.
Tordons le cou à cette équation hâtive – qui en fait ne rime pas à grand-chose
1. Les statistiques de la longévité calculent tout simplement la durée de vie moyenne entre les naissances et les décès. Or, ces chiffres incluent la mortalité infantile, forte depuis le début de l’industrialisation du 19e siècle, mais qui a beaucoup diminué au cours du 20e. Sans tenir compte de celle-ci, on a aujourd’hui sensiblement la même espérance de vie qu’aux temps bibliques : 70 à 80 ans.
2. Lors d’un pèlerinage vers la tombe de Jeanne Calment, j’étais étonné du grand nombre de nonagénaires dans la partie ancienne du cimetière d’Arles. J’ai alors relevé l’âge de cinq cent personnes : nées avant 1900, leur moyenne était de 76 ans et, entre 1900 et 1920, de seulement 74. Quelques centenaires « en herbe » feront certainement encore évoluer ce dernier chiffre ! Le résultat du style de vie actuel ne sera visible que dans quelques décennies.
Fanfaronner déjà maintenant est donc tout à fait sans fondement.
3. Jeanne Calment n’a jamais connu le stress d’un travail contraignant, elle ne mangeait pas le soir, elle bougeait beaucoup, faisait encore du vélo à 100 ans, a eu toute sa vie un IMC (indice de masse corporelle) égal à 20 (un chiffre considéré comme normal), et elle était dotée d’un humour hors pair.
Lors de la célébration de ses 120 ans, à un journaliste qui lui disait : « Et si tout va bien, Madame : à l’année prochaine ! », elle répondit – le dévisageant d’un œil entrouvert : « Vous n’avez pas l’air si malade que ça… »
4. Les centenaires d’aujourd’hui ont connu la récession et les pénuries de deux guerres mondiales. Avant 1954, ils avaient peut-être tout juste le minimum vital – qui est la meilleure base pour une bonne vitalité, pour une bonne longévité. Mais tout a changé depuis…
5. C’est la médecine qui s’attribue une augmentation tout à fait hypothétique de l’espérance de vie. Or, l’amélioration générale de l’hygiène et des conditions de travail y seraient pour beaucoup plus. Depuis 50 ans, ce sont plutôt la sédentarité totale et la surconsommation alimentaire qui risquent de nous poser problème.
6. L’OMS a publié en 2002 cette projection de l’IMC entre 1960 et 2040 : la moyenne dans les pays surdéveloppés était de 20 en 1960 (donc idéale), 26 en 2000 (surcharge pondérale), l’estimation pour 2040 est de 30 (obésité) ! Et puisqu’il n’y a pas de centenaires obèses, adieu donc les rêves d’une longévité qui augmenterait sans cesse.
Les arbres ne poussent jamais jusqu’au ciel…
7. Pour ceux qui sont nés en 1954, le compte à rebours a déjà commencé : selon les chiffres officiels de l’Institut National d’Études Démographiques, l’espérance de vie en bonne santé se situe aux alentours de 62 ans en France – contre 74 au Japon (il sert à quoi, notre « meilleur système de santé du monde » ?) et ce chiffre n’augmente pas, bien au contraire ! C’est à partir de maintenant que les professions de la santé gâchée entrent en action – tant que le trou de la Sécurité Sociale le leur permet.
8. Et votre espérance de vie à vous, elle en est où ? Est-ce que la fin de la vie vous crispe ? À cet égard, Coluche nous livre une belle réflexion : « Si vous ne voulez pas mourir – fallait pas naître… »
9. La longévité est une mesure totalement quantitative. Elle ne dit rien sur la qualité de la vie dans une société, rien sur l’état de santé des gens. Or, les enfants d’aujourd’hui risquent de passer un tiers de leur vie sous contrôle médical – ou carrément à l’hôpital. C’est tout au plus le temps des soins qui augmentera encore. Mais qui espère une telle vie ?!
