S’initier à la philosophie des matsutakes sur les ruines industrielles
Les matsutakes sont des champignons sauvages très prisés au Japon depuis le VIIIe siècle. Devenus symboles de tout un pays et d’une culture, ils ont cette particularité de pousser dans les forêts de feuillus défrichées et appauvries, où repoussent les pins. Mais ils ont presque disparu de l’archipel japonais aujourd’hui. Dans le contexte mondialisé, on les récolte désormais aux États-Unis, en Chine et jusqu’en Laponie pour satisfaire la demande d’un marché toujours très dynamique. Anna Tsing est anthropologue. Entre 2004 et 2011, elle est partie à la rencontre des cueilleurs, des forestiers et des commerçants du monde entier. Dans un essai passionnant, le champignon sert de fil conducteur pour reconstituer tous les enchevêtrements et les interdépendances qui se sont créées autour de ce commerce, soumis comme toute marchandise à la prédation capitaliste. Tout cela en prenant en compte les enjeux pour les humains et leur environnement, pour nourrir une réflexion plus générale sur le monde dans lequel on vit et les possibilités de résilience qui s’offrent. Ce livre atypique et par la forme et par le fond, retourne les concepts binaires qui opposent souvent la réalité et son alternative rêvée. Le programme annoncé dans le sous-titre propose ainsi d’explorer « les possibilités de vivre dans les ruines du capitalisme », en reconsidérant la ruine comme le principe d’un réel avec lequel il faut recomposer pour renaître, ou plutôt, pousser comme le matsutake, en réinventant de nouveaux schémas écologiques et économiques sur les cendres laissées par le capitalisme. Sans doute la seule manière concrète de le dépasser.
- Le champignon de la fin du monde Anna Lowenhaupt Tsing. Éditions La découverte – 415 pages – 14 x 20,5 cm – 23,50 €.
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