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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Un cyclo-nomade en roue libre…

...vers le bonheur

Cyclo-nomade, c’est ainsi que Jacques Sirat se présente. À 54 ans, il a tout quitté pour les voyages et, depuis plus de vingt ans, il parcourt le monde à pied ou à vélo

Une vie d’aventures qu’il raconte dans ses récits de voyage et sur son site internet. Deux livres sont déjà parus, le premier publié en 2005, Cyclo-nomade, sept ans autour du monde, alors que le second Les rayons de la liberté, mon tour du monde à vélo* est sorti à l’automne dernier. Après un terrible accident, il ne pensait pas repartir et le voilà pourtant de nouveau sur les routes américaines. Un choix de vie qu’il nous confie.

Lucie Servin : Comment est né votre désir de voyager ?

Jacques Sirat : Gamin, j’avais la mappemonde accrochée au mur de ma chambre. Je lisais Jules Verne, et je passais déjà de longs moments à repérer tous les endroits qui me faisaient rêver. J’étais loin d’imaginer que j’aurais l’occasion d’y aller un jour. J’ai grandi entre Saint-Antoine et Sainte-Mère dans le Gers, deux villages situés sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. J’avais cinq ans quand ma mère est venue s’installer à Sainte-Mère reprendre l’épicerie tenue par ma grand-mère. Au magasin, je voyais défiler les clients de passage. J’étais surtout fasciné par ceux qu’on appelait à l’époque les trimeurs, qui venaient faire les saisons. Quand ils s’arrêtaient au village, ils allaient dormir derrière le château. Un soir, j’ai suivi l’un d’eux. Caché derrière un buisson, je l’ai observé manger son saucisson et regarder les étoiles. J’étais enfant, et ça m’a fasciné. Cet inconnu serein et détendu était à l’opposé des adultes toujours pressés que j’avais l’habitude de voir. Il a été déterminant dans ma vie. De même qu’au village il y avait aussi un terrain où stationnaient régulièrement des campements. Les gitans laissaient leurs enfants quelque temps dans mon école primaire. Quand ils repartaient, j’avais toujours envie de les suivre. Un rêve de gosse, encore une fois, que je n’aurais jamais pensé réaliser.

Quand avez-vous envisagé de partir ?

J’ai commencé des études de droit que j’ai vite arrêtées pour passer des concours administratifs. J’ai atterri à la poste de Garges-lès-Gonesse en région parisienne. Ce n’était vraiment pas une vocation. Au bout de quatre ans et demi, j’étais muté en Tarn-et-Garonne où je me suis mis à l’athlétisme et à la course à pied. Si j’avais été facteur, je ne serais peut-être jamais parti, mais je passais mes journées enfermé dans un bureau et ça devenait insupportable. À trente ans, j’ai décidé de changer de vie quand j’ai réalisé que j’aurais pu prédire mon emploi du temps pour les trente années à venir. L’angoisse de la routine m’a tellement effrayé que je suis parti en courant. Littéralement.

C’était magique. J’étais libre et libéré de tout objectif kilométrique. J’ai couru pendant seize mois et demi, parcouru 18 260 km et traversé 32 pays d’Europe. Au retour, je n’avais plus qu’une idée en tête : repartir pour le tour du monde.

C’était le début de la grande aventure ? 

L’aventure, c’est surtout des rencontres.
Lors de ce premier voyage, je me souviens, en Albanie – le pays venait à peine de s’ouvrir –, je courais vers Tirana, la capitale, quand j’aperçois un berger qui me fait signe au loin. Je l’attends. Il me rejoint et me fait comprendre qu’il veut courir avec moi. il n’arrêtait pas de parler et je ne comprenais rien de ce qu’il racontait. Je me suis dit qu’il s’arrêterait au bout d’un ou deux kilomètres, mais il m’a suivi sur près de 30 kilomètres, jusqu’à la ville où j’ai compris qu’il voulait se rendre au consulat de France pour obtenir un visa et quitter son pays. Même s’il a été refoulé, il n’avait pas l’air trop déçu et il est reparti. J’aurais aimé en savoir plus. J’étais stupéfait. On lui aurait donné le visa, il partait sur le champ, en plaquant tout pour saisir une opportunité.

Pourquoi avoir adopté le vélo ?

Tout simplement pour avoir un peu plus d’autonomie (nourriture, réserve d’eau, toile de tente, ustensiles de cuisine…). Le cyclisme n’est pas une passion au départ, mais, avec du recul, je trouve que c’est un véhicule extraordinaire, pour emporter le nécessaire. J’ai le même vélo depuis douze ans et j’en suis très content. Il a été fait par un artisan parisien, Randocycles. Il est basique, solide, lourd mais résistant, car je lui demande de porter énormément de charges. Alors que d’autres voyagent plus léger, entre mon vélo et mes bagages, je monte entre 70 et 80 kilos de charge. Pour moi, c’est le prix de ma liberté.Si je suis dans un pays chaud, je trimballe aussi un équipement pour le froid, car je veux pouvoir à tout moment changer d’itinéraire, je reste ainsi ouvert à toutes les possibilités. C’est très important.

Votre quête de la liberté est aussi une quête d’authenticité, un retour à l’essentiel. 

Après toutes ces années, alors que je vis avec très peu, je me rends compte que je n’ai jamais été aussi heureux. Tout ce que je possède est sur mon vélo et je m’amuse en regardant des photos anciennes, en constatant que j’ai toujours la même tenue vestimentaire. Si je passe des jours à me laver dans des rivières, lorsque je peux profiter d’une vraie douche chaude, c’est un vrai bonheur. Pourtant, j’arrive à vivre sans. Si je ne nie pas qu’il faille posséder un minimum, le surplus au niveau matériel n’apporte qu’une illusion du bonheur. Souvent, d’ailleurs, quand on a trop, on ne se rend pas compte de la valeur des choses. C’est ce dénuement que j’aime dans le voyage.

Voyagez-vous toujours en solitaire ?

Par choix, oui. Ce n’est pas pesant. Autour de nous, il y a des gens qui semblent entourés, mais qui sont en réalité terriblement seuls. C’est une détresse qui me touche beaucoup. Ma solitude à moi n’est pas pesante, au contraire. Car, si je voyage en solitaire, c’est en réalité pour ne pas être seul. À deux, les gens n’osent pas vous aborder tandis que, pour faire des rencontres, il me suffit de m’installer dans un café. Mon vélo exerce une attraction et je ne passe pas inaperçu. On vient plus facilement me parler.

Vous aimez aussi vous retrouver dans la nature.

De plus en plus. Je choisis mes bivouacs en fonction des paysages. C’est un vrai privilège de camper dans des endroits magnifiques. Avec la fatigue physique, les émotions sont à fleur de peau, et il m’est arrivé de pleurer face à un panorama. Je voudrais parfois pouvoir partager ces sensations avec les gens que j’aime. Mais j’aurai beau écrire des descriptions les plus précises possibles, prendre de belles photos, il faut y être.

Cette lenteur s’oppose aux pratiques du tourisme de masse ? 

En Ouganda, aux sources du Nil, j’ai assisté à des couchers de soleil magnifiques. Je voyais les gens passer, se prendre en selfie pour envoyer la photo sur leur téléphone, au lieu de prendre le temps de contempler le paysage. Sans vouloir donner des leçons, je trouve dommage de passer à côté du spectacle émotionnel. Il vaut mieux se limiter d’un point de vue quantitatif, et se donner le temps de ressentir un maximum les choses. Pour moi, la vitesse et la consommation dans tous les sens n’amènent pas au bonheur. Or, c’est ce que je cherche en voyageant.

Dans votre livre, vous célébrez souvent la générosité et l’hospitalité des gens que vous rencontrez. 

On a en face de soi le miroir de soi-même. C’est valable même en dehors des voyages. Partout où on va, si on arrive avec un sourire, il n’y a aucune raison de se faire agresser. À l’inverse, si vous arrivez quelque part le visage fermé, sans dire bonjour, on ne vous sourira pas.

Après la terrible chute que vous racontez dans votre livre, vous pensiez vous arrêter ?

Depuis 23 ans, j’enchaîne des voyages. C’est devenu un mode de vie. J’ai fait le choix du nomadisme et maintenant j’ai peur surtout du retour. Je ne trouve plus ma place dans la société sédentaire actuelle. Matériellement, je ne sais pas comment je vais pouvoir vivre. Autant je peux vivre sur la route, autant quand on devient sédentaire, il y a davantage de charges. Pour l’instant, je finance mes projets en louant ma maison et en écrivant quelques piges pour Le Petit Bleu d’Agen. Finir mes vieux jours dans une caravane au milieu des bois me conviendrait tout à fait. Mais j’y réfléchirai dans quelques années. Pour l’instant, je veux vivre au présent.

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Stein Van Oosteren est intarissable et passionné par le vélo, surtout depuis qu’il est porte-parole du Collectif Vélo Île-de-France.
Ce groupement, créé en 2019, a mis en lien 39 associations qui entendent faire de l’Île-de-France une région facilement et largement cyclable.

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