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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Coline Serreau

en mode Hashtag…

La réalisatrice multi talents revient sur le devant de la scène avec un livre très personnel : #colineserreau*. Elle évoque ses combats, son passé, ses passions, ses convictions. Elle y partage son insatiable curiosité et son regard affûté sur notre société. Rencontre.

Au début, c’était un spectacle, qui a finalement été publié par Actes Sud, même si Coline Serreau avait prévenu que le livre n’aurait aucune forme connue… Les hashtags qui découpent cet ovni de l’édition sont autant d’entrées hétérogènes qui composent un puzzle incomplet mais tellement révélateur des convictions de Coline Serreau.  

Les éléments du puzzle

Celle qui a réalisé Trois hommes et un couffin revient sur « ceux qui l’ont précédée », ceux qui l’ont inspirée, sa famille, avec des parents cultivés et engagés, ou des personnages forts comme Marguerite Soubeyran, la directrice éclairée de l’école de Beauvallon, un modèle de pédagogie avant-gardiste. Elle nous livre aussi des séquences choisies de ses films La belle verte, La crise, notamment, qui rappellent à quel point leurs propos étaient justes, sur l’écologie, le vivre ensemble, la famille, bien avant que la société ne s’empare de ces préoccupations. 

Les arts et l’engagement

Le spectre des disciplines artistiques que collectionne Coline Serreau est large : comédienne, autrice, metteur en scène, réalisatrice, documentariste, scénariste, musicienne, trapéziste, danseuse… Une liberté de regard et d’action acquise très tôt grâce à l’école, à la nature et à des personnages inspirants. Grâce au travail aussi. Et puis, l’indignation est un des piliers de cette femme militante. Que ce soit le féminisme avec la lutte contre les inégalités et les agressions faites aux femmes ou un regard aiguisé sur notre système économique, agricole et pharmaceutique, Coline Serreau parle d’un seul et même mouvement intérieur d’indignation, toujours soutenu par la soif de justice, de résistance et d’expression qui lui donne cette place si particulière dans le paysage artistique.

Rebelle-Santé : Vous avez été marquée par votre passage à l’école de Beauvallon qui était à l’avant-garde. Quelle était la force de cette école ?

Coline Serreau : C’était la pédagogie de l’institut Jean-Jacques Rousseau à Genève, fondée sur les travaux de Steiner, Montessori, Claparède, et d’autres, beaucoup de naturistes. Dans cet institut, on apprenait et expérimentait toutes les nouvelles méthodes d’éducation. L’école de Beauvallon était dirigée par une femme extraordinaire, Marguerite Soubeyran, femme dont la vocation de pédagogue et les convictions politiques progressistes s’alliaient à une personnalité extrêmement séduisante. Personne ne pouvait lui résister.

*

Qu’est-ce qui vous a forgée différemment dans cette école ?

Nous vivions dans la nature, dans les collines de la Drôme. Cinq mois par an nous étions pieds nus. Nous ne mangions que des aliments sains venant des agriculteurs qui nous entouraient. C’était juste après la guerre et la chimie n’était pas encore entrée en piste. Quand un enfant était malade, on le mettait au lit pour deux jours, à la diète, et il ne prenait pas de médicaments, à part un peu d’homéopathie. Tout le monde était en parfaite santé. Les femmes qui tenaient cette école pratiquaient le jeûne tous les ans. Elles avaient une vision extrêmement sûre et solide de la santé.

Et sur le plan de l’éducation ?

On cherchait ce pour quoi les enfants étaient doués. Ils pouvaient tout essayer, de la mécanique aux langues en passant par la peinture, la natation. On les encourageait là où ils étaient doués, et à partir de leurs succès, on les amenait vers d’autres enseignements, car ils avaient repris confiance en eux-mêmes. Les enfants assuraient certaines tâches ménagères (faire leur chambre, essuyer la vaisselle) à tour de rôle et de manière totalement mixte. On n’était pas dans un monde où les enfants étaient servis, plutôt dans une famille où l’on partageait le travail. Et puis le matin, chaque jour, on consacrait dix minutes à la culture, à écouter de la musique, à lire un poème, à regarder un tableau. Cela a beaucoup marqué les enfants car la culture, cela vous construit, de n’importe quel milieu que l’on vienne. 

Qu’avez-vous gardé de ces femmes engagées qui dirigeaient l’école ?

Ces trois femmes dirigeaient une entreprise, une équipe, avaient des responsabilités importantes, elles devaient sans cesse prendre des décisions rapides et graves. Lorsque j’ai moi-même dû diriger des équipes, il me semble que leur exemple m’accompagnait et je ne me suis jamais posé la question de savoir si j’étais un homme, une femme ou ceci ou cela. Je dirigeais parce que je savais ce que je voulais faire. Par contre, le soir après le tournage, je n’étais plus cheffe de rien du tout. Je n’avais aucun appétit pour la fonction de chef, mais quand j’étais cheffe, j’étais cheffe, c’est tout. Cette facilité, cette sûreté, je les ai acquises auprès de ces femmes qui ont été des modèles. 

*

Qu’est-ce qui fait que vous exercez autant de disciplines artistiques ?

Pour moi, il n’y a pas de frontière entre les arts. Je travaille pour acquérir des techniques, des connaissances.

Je lis beaucoup, de la philo, de la politique, de la poésie, je vois de la peinture. C’est une seule et même recherche du matin au soir. Quand je me penche sur un tableau de Rembrandt pour essayer de comprendre comment il l’a fait, pour moi, c’est comme essayer de comprendre comment marche le capitalisme. C’est une démarche de recherche. Mais se laisser enfermer dans des boîtes, non. Il y a des choses que vous ne pouvez dire qu’à l’opéra, d’autres que vous ne pouvez pas dire au cinéma, mais seulement au théâtre. Tous les moyens qui permettent d’exprimer une vision du monde sont bons. Ce que je suis moi, on s’en fiche, mais ce que je cherche sur le monde, peut-être qu’on ne s’en fiche pas totalement.  

D’où vient ce côté rebelle qu’on vous connaît, de votre mère, de votre père ?

Il me vient d’eux et aussi de l’école de Beauvallon. Ce qui me guide, c’est un instinct de justice. On en a tous un. Si la société s’accommode ou profite de l’injustice, alors votre puissance de vie va diminuer. Ce que j’ai appris avec l’école et avec mes parents, c’est que la pensée dominante du moment n’est pas forcément celle qui le sera dans 10 ans. Il y avait 0,01 % de résistants au début de la guerre, ils étaient considérés comme des crétins qui allaient se faire tuer. Et puis, à la fin de la guerre, il y en avait 90 % bizarrement. L’histoire s’était retournée. 

Et pour le féminisme ?

Il n’y a pas de féminisme, il y a une injustice fondamentale dans le traitement des femmes dans les sociétés patriarcales. Nous travaillons pour la justice et c’est nous qui aurons raison à l’arrivée. Je ne comprends pas comment en 2019 on peut ne pas être féministe. C’est comme si on disait, les anti-esclavagistes je suis pour ou contre… Non, on est contre les inégalités, donc on est féministes ou on est hors la loi. 

C’est la même chose pour la lutte contre le capitalisme financier, à l’arrivée, c’est nous qui aurons raison. Ça fait combien d’années que je me bats pour l’écologie ? On me faisait comprendre que j’étais un peu sotte avec mes idées de manger bio, mais maintenant les cancers sont devenus la maladie du siècle. Tout le monde est agrippé au bio et essaye de manger correctement. Mon film La belle verte avait 20 ans d’avance. 

*

C’est un film écologique, utopiste, drôle et pourtant à sa sortie ça a été un flop, pourquoi ?

Ce film, c’est le principe du candide de Voltaire. Le personnage principal, qui vient d’une planète plus évoluée, regarde notre société avec candeur et humour. C’est un changement de point de vue sur notre vie. Le film est arrivé 20 ans trop tôt dans une incompréhension totale. 

Vous êtes-vous dit que le public n’était pas prêt, mais que vous aviez raison ?

Je ne le formulerai pas comme ça. Je suis toujours prête à me remettre en question et à me dire que je n’ai peut-être pas trouvé la formule, la manière d’écrire maintenant pour les gens de maintenant. J’avais trouvé cette relation immédiate avec le public dans Trois hommes et un couffin et La crise. Pour La belle verte, je n’ai pas eu de doute sur les idées que je défendais, mais je me suis dit que j’aurais peut-être pu trouver une autre forme.

Mais un film, c’est comme un enfant : ça sort, vous l’élevez, ensuite il vit sa vie. Ce n’est plus vous qui dirigez les choses. Et le film a finalement eu une très belle vie. 

Si le film La belle verte est arrivé trop tôt, il était visionnaire, comme La crise.  Avez-vous un flair particulier ?

Peut-être que j’ai un flair, mais surtout, je travaille. J’étudie l’économie, le marxisme, des outils précieux pour analyser la société. Les marxistes se sont souvent trompés dans leurs conclusions, mais leurs outils d’analyse étaient bons. Freud, bien qu’il ait été incapable de remettre en question la vision des femmes qu’on avait à cette époque, nous a donné des outils géniaux. Einstein a transformé notre compréhension du monde, de la matière, de sa correspondance avec l’énergie. Cela change notre rapport au cosmos. Et les grandes femmes de lettres qui ont les premières verbalisé l’oppression des femmes. Il y a aussi quelques bons philosophes, anciens ou modernes, tous ces penseurs ont forgé ma pensée. Peut-être que j’ai de l’intuition, mais cela m’agace un peu que l’on réduise ma clairvoyance à de l’intuition féminine… 

Je travaille, je cherche, jour et nuit.  

Comment vous soignez-vous ?

Je n’ai pas de leçons à donner. Je suis comme tout le monde, dans les écrans, dans les ondes, souvent stressée par trop de travail. Toute ma vie, j’ai été stressée, avec les enfants à élever, les œuvres à faire. J’ai nourri mes enfants avec la crème Budwig de Kousmine. On a fait attention qu’ils aient toujours leur ration de légumes.

Je fais des jeûnes très régulièrement, qui me régénèrent. Je ne prends pas de médicaments, mais j’ai vécu enfant dans un appartement où on se chauffait au charbon, avec un père et une mère qui fumaient, donc j’ai les poumons abîmés. 

Avez-vous des techniques de soin particulières ?

Oui, j’utilise l’homéopathie mais, plus ça avance, plus je pense que la clef c’est l’alimentation. 

C’est intéressant ce qui se passe avec les dernières découvertes sur le microbiote. Le microbiote ressemble à la forêt. S’il y a des dégâts au niveau écologique, il y aura aussi des dégâts au niveau de votre intestin. J’ai essayé d’être ce que je mangeais. Mais sur un tournage ou en tournée, ce n’est pas facile. Et puis, il y a le contexte psychique. Même si vous êtes stressé, surchargé de travail, si vous aimez votre activité, vous êtes dans un univers psychique sain. 

Dans votre prochain film, Tempêtes, vous épinglez les laboratoires pharmaceutiques. Comment avez-vous ouvert les yeux sur cette réalité ?

La Sécurité Sociale est une grande avancée sociale. Sauf que c’est devenu une arnaque. Les gens prennent trop de médicaments, ils ne font plus confiance à leur corps qui est l’hôpital le plus sophistiqué du monde. Les laboratoires pharmaceutiques ont besoin que les gens soient malades, qu’ils consomment des médicaments, ils ont aussi besoin que l’industrie agricole produise de quoi rendre les gens malades. Ensuite, les gens consomment leurs médicaments en pensant qu’ils sont gratuits, alors qu’ils les payent avec l’argent de leur propre travail. Et plus les gens sont malades, plus les labos s’enrichissent. C’est un système pervers. L’industrie pharmaceutique est aux mêmes mains que l’industrie agroalimentaire qui pollue et tue les sols. C’est une guerre à la population, à la terre.

Quelle est votre vision de notre société économique ?

La philosophie générale se résume en deux mots : quand il y a des profits, c’est pour eux. Quand il y a des pertes, c’est pour nous. On socialise les pertes et on privatise les profits. Il n’y a pas de séparation entre les banques de dépôt et les banques d’affaires. Tout l’argent va dans la finance, la spéculation. On renfloue les banques en permanence, mais les banques ne nous renflouent jamais, quand ça va mal. Les révoltes sont mûres, il y a le hashtag « balance ton porc », les gilets jaunes, le Chili, Hong Kong, l’Iran, l’Algérie, nous sommes dans un moment de remontée des luttes qui prennent en compte l’écologie. La société est en plein bouillonnement, il y a des expériences magnifiques qui arrivent de tous les côtés, de gouvernance alternative, de culture, d’alimentation nouvelle.

Comment imaginez-vous la transition ?

Il faut relire l’histoire des révolutions et des grandes mutations sociales. La France a choisi la voie violente en 1789. Mais ensuite on a mis 100 ans pour installer durablement la démocratie. Les progrès de l’humanité sont lents. On espère que l’humanité trouvera des solutions. Pour l’instant, le fascisme rampant progresse, mais la contestation aussi. Ce n’est pas encore la révolution… De nouvelles pages de nos histoires s’écrivent, difficiles, car inédites.

Extrait d’une scène du prochain film de Coline Serreau, bientôt en tournage : « Tempêtes » qui parlera notamment de santé et de bien-être.

Catherine travaille dans une grande banque, elle s’occupe de contacter les dirigeants d’entreprises qui cherchent du financement afin qu’ils lui donnent des arguments pour convaincre les investisseurs de placer de l’argent chez eux. 

Elle rencontre ici les responsables d’un laboratoire pharmaceutique important : Sifonon.

Catherine et les deux hommes, Labo 1 et Labo 2, conversent dans la salle de conférence de la société Sifonon autour d’une bouteille de vin bio.

Catherine. Alors c’est quoi votre nouvelle stratégie de com pour les investisseurs ?

Labo 1. Il faut leur faire comprendre que le secteur est porteur à fond… tous les signaux sont au vert, mais vert pomme hein, 15 % de croissance pour Sifonon sur les antidiabétiques cette année.

Labo 2. Sur les maladies chroniques et les vaccins, 12 % de croissance. 

Catherine. Wahouh ! Et comment vous expliquez ça ?

Labo 1. La pollution dans les grandes villes, l’alimentation des pauvres et la Sécu qui nous finance.

Labo 2. L’obésité explose dans les banlieues et le diabète avec. Diabète égal médicaments à vie, c’est ça le message qu’il faut faire passer aux investisseurs…

Labo 1. Et puis, il y a la com par la pub : une pub de santé, dix pubs de malbouffe. Boissons sucrées, barres chocolaté, plats préparés au micro-ondes, canapé-télé-foot-porno, bières chips et pizzas, cholestérol, hypertension, cancer, tout est en place pour notre croissance, il faut vraiment faire passer cette info-là : perspectives de croissance des labos, 15 à 20 % dans les années à venir.

Labo 2. Le tabac et l’alcool ça marche très bien aussi, les jeunes commencent à fumer et à boire vers 12, 13 ans maintenant, avant la puberté même, et quand ils commencent si jeunes, on sait qu’ils ne pourront pas sortir de l’addiction. Donc beaucoup de bronchites chroniques et de cancers du poumon en perspective. On travaille en synergie avec les grands alcooliers, les lobbies ont vraiment fait du bon boulot.

Labo 1. On a aussi travaillé les médias pour qu’ils valorisent l’image du jeune rebelle qui fume, qui boit et qui se drogue, et les journaux branchés, genre Inrock, Libé, tout ça, nous ont bien aidés. L’alcool, ils en boivent par litres les jeunes, le shit et la cigarette par paquets, ils vont être très malades, et de plus en plus tôt… Entre parenthèses, ça réglera le problème des retraites, mais surtout ça fera grimper la courbe de croissance de Sifonon, dites-le, ça, aux investisseurs.

Labo 2. Ce qui est comique, c’est de voir ces crétins de jeunes scier la branche où ils sont assis !

Catherine. Ils sont pas tous crétins quand même ?

Labo 2. Enfin, tant qu’ils ont le nez dans leur portable, on en fait ce qu’on veut…

(…)

*

 

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