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Pascal Dessaint : romancier naturaliste qui marche…

... Vers la beauté, toujours !

Pascal Dessaint est un marcheur invétéré. Le romancier raconte sa pratique dans un petit livre facile à glisser dans le sac à dos pour partir en balade et s’ouvrir corps et âme au monde qui nous entoure. Rencontre avec un écrivain en mouvement qui a mis le lien de l’humanité à la nature au cœur de ses réflexions. 

À 55 ans, auréolé de nombreux prix littéraires, Pascal Dessaint est l’auteur d’une trentaine de livres et surtout de romans noirs toujours marqués par sa double conscience sociale et écologique, son humanisme et son amour de la nature. « Marcheur chevronné et naturaliste distingué », comme il se décrit lui-même, l’écrivain fait aujourd’hui l’éloge de la marche dans un texte à la fois personnel et engagé, poétique et politique, où il revient avec humour sur les chemins qu’il a empruntés et la direction qu’il se donne : « Vers la beauté, toujours ! ». En route, suivez le guide !

Rebelle-Santé : Vous êtes surtout connu comme romancier, mais vous publiez aussi par intermittence des chroniques et des billets d’humeur qui témoignent de votre engagement pour la nature. Comment est né ce livre sur la marche ?

Pascal Dessaint : Des livres comme Un drap sur le Kilimandjaro, L’appel de l’huître ou La trace du héron compilent toutes mes chroniques vertes et vagabondes comme j’aime les appeler. C’est une écriture plus personnelle, plus poétique, une sorte de récréation par rapport à mon travail de romancier. Avec Vers la beauté, toujours ! c’est la première fois que je me livre sur cette durée. Quand les éditions de La Salamandre qui connaissaient ma passion pour la marche et la nature m’ont proposé ce projet, j’étais flatté et heureux de pouvoir témoigner de ma pratique de la marche, car c’est ma manière d’être au monde. Pour autant, il n’a jamais été question de faire un essai théorique, j’ai écrit à l’instinct comme un romancier naturaliste qui marche. J’ai donc commencé par faire l’inventaire de ce qu’il me plairait de raconter. Rassembler la mémoire de toutes les marches qui m’ont marqué depuis l’enfance. C’était facile dans la mesure où je note tout dans mes carnets, ensuite je me suis laissé aller à l’écriture en essayant d’être le moins rébarbatif possible.

Vous êtes né à Dunkerque dans un milieu ouvrier et un paysage industriel, d’où vous est venue cette passion pour la marche et la nature ?

J’ai grandi à Coudekerque-Branche dans une famille ouvrière du Nord, nous étions six enfants dans un milieu où l’accès aux loisirs n’allait pas de soi. J’ai surtout eu la chance d’avoir des profs merveilleux, notamment en français, qui m’ont ouvert l’esprit et donné le goût des livres. En 1974, j’avais dix ans quand un de mes enseignants m’a présenté à Gérard Vermersch, un ornithologue qui animait un club des amis de la nature où je me suis inscrit. On se promenait, on regardait les oiseaux, on plantait des arbres. Cette rencontre a changé ma vie. Gérard est toujours de ce monde et je continue à aller me promener avec lui quand je viens passer quelques jours dans la région. Il m’a appris que la nature n’était pas seulement les belles images que je voyais dans les livres ou à la télé, elle était tout autour de moi, même au milieu d’une vingtaine d’usines Seveso. C’est au cœur de l’horreur industrielle que j’ai découvert la beauté de la nature, sa beauté à nous résister, sa résilience. En 1978, avec le naufrage de l’Amoco Cadiz, j’ai assisté à une pollution majeure et, tous les samedis, on allait récupérer des oiseaux mazoutés pour les soigner. Je devenais acteur pour la défense de l’environnement, mon engagement s’est renforcé dans ce pays de chasseurs viandards, il ne m’a plus jamais quitté.

« C’est en marchant que se font les révolutions ». Dans un chapitre, vous exprimez votre soutien au mouvement « Nous voulons des coquelicots » et faites l’éloge des manifestations contre En marche et la politique d’Emmanuel Macron. Considérez-vous ce livre sur la marche comme un plaidoyer politique ?

Certainement, mais la question de l’engagement reste difficile à définir. Je me place au niveau de l’écrivain. Je me considère d’ailleurs plus comme un écologue qu’un écologiste militant, même si j’aimerais m’engager plus pour servir la cause de la nature. Dans mes livres, je disperse des pétales, je ne sais pas où ils tombent. Je n’ai pas vraiment d’intention au départ, pas de vérité à transmettre, de leçon à donner, je dis mes intuitions, mes sensations, mes peurs quand je vois l’humain détruire ce que j’aime. Mon engagement, c’est l’écriture, le besoin de raconter la beauté. Je suis convaincu que prendre conscience de la beauté de la nature, c’est le premier pas vers la connaissance et le respect. À partir de là, le glissement se fait immédiatement vers la défense et la protection. Thoreau rappelait pourtant que nous ne sommes pas si nombreux à connaître la beauté d’un paysage. Il faut savoir lire la nature, repérer les interactions animales et végétales pour comprendre le tableau d’ensemble qu’on contemple. Tout cela s’apprend. En étant attentif à ce qui se passe autour de nous, la marche devient un exercice mental tout à fait salutaire qui met l’esprit dans un état d’éveil permanent. Partout, en marchant, on peut comprendre quelque chose du monde, de la nature et de soi-même.

Vers la beauté, toujours ! : c’est une invitation à se mettre en route ? 

*Vers la beauté, toujours !
Pascal Dessaint
La Salamandre
140 pages
19 €

Un livre est toujours une invitation au voyage, et marcher est une pratique universelle, à la portée de la plupart d’entre nous. Il suffit de se lever et de franchir la porte de chez soi. D’où qu’on soit, on peut s’émerveiller ainsi de beaucoup de choses, il faut simplement se rendre disponible. Il n’y a pas de limites dans cette approche du monde, et ça ne coûte que l’effort qu’on se donne. De plus, apprendre à gérer son endurance s’acquiert facilement. La marche est une pratique très démocratique. Tout le monde est à égalité, on peut même se révéler plus fort en étant à priori plus faible. 

Vous prônez le partage mais vous dites aussi que la nature est « une passion égoïste ». Pourquoi ? 

Je préfère toujours marcher avec quelqu’un. Quand je me promène avec ma chérie, mon fils, ou des gens passionnants et aussi différents que Bruno Dumeige, Patrick Luneau,Éric Alibert, ou Rick Bass, ce sont des moments merveilleux. Partager avec quelqu’un la beauté d’un spectacle le rend encore plus beau. La mémoire imprime mieux et le souvenir n’en est que plus fort. Je reste pourtant persuadé que la nature est une passion égoïste dans le sens où ce qui nous lie à la nature touche au cœur de notre intimité. Je cite Edward Abbey, pour qui la nature n’est jamais aussi belle que quand on est seul avec elle. La quête de l’émerveillement fait du marcheur un chercheur d’or et de sensations. J’ai assisté à des scènes de nature incroyables, j’en glisse certaines dans mes romans. Ce sont toujours des moments uniques, surprenants et souvent insolites, c’est rare dans une vie où tellement de choses sont attendues, normales, convenues. La nature nous offre encore un espace d’aventures, même si ce n’est pas forcément une aventure au long cours. Pas besoin d’aller en Afrique voir un éléphant, autour de chez soi, on peut toujours découvrir quelque chose qui déconcerte, imprime, émeut.

Les animaux marquent les étapes du parcours : des oiseaux comme le Gypaète ou le Circaète Jean-le- Blanc, des tortues, des ours ou encore l’euprocte. Quelle importance accordez-vous à ces rencontres ?

Je n’ai pas oublié que l’humain était une espèce animale et je me considère d’abord comme un animal parmi les animaux. Se rappeler de temps en temps cette condition première permettrait peut-être de vivre en meilleure harmonie avec la nature et le monde. Je suis toujours fasciné de voir un oiseau voler même si je sais que c’est sa nature profonde. L’observation des oiseaux est souvent la première étape pour devenir naturaliste. 

Le plaisir occupe une place centrale dans votre livre : « Épicurien d’un jour, épicurien toujours », est-ce votre devise ? 

En tant qu’écrivain, ma vocation est de faire plaisir aux gens en leur racontant des histoires. « Si la littérature ne fait pas rigoler, ce n’est pas la peine d’y aller ! ». Je voulais surtout éviter le récit pontifiant et aborder cette marche avec décontraction, à tel point que tous les vins y passent ! Je suis un bon vivant. Dehors, dans la nature, je suis aux aguets, palpitant de plaisir. Rien ne me remplit plus de bonheur qu’une belle scène de nature mais je ne peux pas écrire des romans en marchant. Finalement ici, je raconte comment je voudrais vivre idéalement tout le temps, et j’espère que c’est un livre qui peut faire du bien, comme une bonne marche me fait du bien. Ça ne m’empêche pas de lancer mes petits coups de grogne habituels, de témoigner des coups de mou avec une pointe d’exagération car le romancier n’est pas loin. 

Vous écrivez : « La marche est un motif d’espérer ». En quoi la marche représente-t-elle un espoir face aux menaces environnementales ?

Marcher, c’est avancer, alors on peut toujours espérer avancer vers le bonheur. Si on est doté d’un certain mental, on marche en réfléchissant sur soi-même par rapport au monde. En ce sens, la marche nous remplit positivement : ça fait du bien de se ressourcer, d’aller marcher dans le désert comme Gandhi. C’est pourquoi j’écris avec beaucoup de virulence contre ceux qui sont déconnectés de la nature, branchés derrière leurs ordinateurs à guetter les courbes de l’économie et affairés à dominer le monde. Si on oublie le lien à la nature, on détruit l’humanité et il n’y a plus d’espoir : il y a la menace du chaos qui nous pend au nez. On voit des gens très inquiétants dans la montagne qui marchent aussi comme des bourrins, avec les œillères, sans rien observer de la beauté du monde, en laissant leur poubelle dans les paysages. Mais ils sont nombreux aussi, ceux qui marchent avec de très bonnes intentions. 

• Le site du romancier : https://www.pascaldessaint.fr/Pascal_Dessaint.html

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