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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Les intoxications aux champignons

Pour beaucoup, l’automne est synonyme de cueillette de champignons, un «sport» pratiqué par des spécialistes, mycologues avertis, mais aussi et surtout par des néophytes. Hiver 2006 plutôt doux et été pluvieux obligent, 2007 pourrait être une année record pour les champignons… et pour les intoxications ! Tour d’horizon des risques encourus et des précautions à prendre avant d’affronter les sous-bois et les prairies sous la rosée du petit matin.

L’humanité compterait environ 1,5 million d’espèces différentes de champignons. Mais on en connaît que 10 % à peine ! Sur les quelques centaines d’espèces toxiques connues, une trentaine serait mortelle. Chaque année, on recense entre 3000 et 10 000 intoxications, un nombre qui varie selon qu’il s’agit ou non d’années dites «à champignons». Pour autant, les champignons ne sont pas toujours les ennemis de l’Homme. Ainsi, certains sont utilisés dans l’industrie ou pour la santé. Des lessives contiennent des enzymes issues de champignons. La pénicilline, célèbre antibiotique, est extraite d’une moisissure (penicillium). On utilise aussi certaines souches pour parfumer et protéger les saucissons et donner aux fromages bleus leur goût si particulier. N’oublions pas non plus la bière, brassée à partir d’une levure qui va transformer le sucre en alcool, et le pain, qui «lève» grâce à cette levure qui libère des bulles de gaz carbonique.

CHAMPIGNONS TOXIQUES

Cueillir et déguster des champignons ne s’improvise pas. En effet, les espèces toxiques ou mortelles cohabitent avec les espèces comestibles, indigestes ou immangeables. Les symptômes d’intoxication et leur chronologie d’apparition permettent d’identifier le champignon ou la famille de champignons en cause. D’une façon générale, on estime que les champignons toxiques ont une volve, des lames et un anneau de couleur blanchâtre. Mais attention : il n’y a aucune règle infaillible pour déterminer si un champignon est comestible ou non. En effet, certaines espèces mortelles et d’autres comestibles se ressemblent beaucoup. Seules l’expérience et la prudence sont de mise… ainsi qu’un guide pourvu de planches photographiques ! Et n’attendez pas un bénéfice éventuel de la cuisson sur les toxines : si certaines sont effectivement détruites par la chaleur (toxines dites «thermolabiles»), d’autres, en revanche, sont thermostables. C’est-à-dire qu’elles résistent à la cuisson!

CES 6 HEURES QUI FONT LA DIFFÉRENCE

Plus le délai entre l’ingestion et les premiers symptômes est long, plus l’intoxication est sévère et plutôt de mauvais pronostic. On estime ce délai à plus de 6 heures. En revanche, moins de 6 heures après le repas, l’intoxication serait plutôt bénigne. Mais attention, intoxication ne signifie pas nécessairement champignon toxique. En effet, un champignon réputé comestible, mais pas frais, mal cuit, contaminé par des pesticides ou accompagné d’alcool peut être très mal toléré. En outre, certaines personnes ont des sensibilités avérées à certains champignons, alors que d’autres les toléreront sans aucun problème.

LES SIGNES D’INTOXICATION

Les symptômes d’intoxication et leur chronologie d’apparition permettent d’identifier le type ou la famille de champignons en cause. Il n’existe toutefois aucun signe réellement spécifique ou constant lors des intoxications par champignons. Tout est possible. Il faut donc consulter aux urgences hospitalières sans tarder (n’avaler rien d’autre) si les signes que voici apparaissent dans les heures qui suivent l’ingestion d’un repas, même si les champignons en cause vous paraissaient comestibles et même si ceux qui en ont mangé avec vous ne sont pas tombés malades :

Signes généraux : frissons, fièvre, bouffées de chaleur, sudation excessive
Signes ORL : salivation excessive, écoulement nasal
Signes cutanés : rougeur du visage ou du cou
Symptômes respiratoires : crise d’asthme
Signes digestifs : gastrite, vomissements, diarrhées ou, au contraire, constipation, douleurs et crampes abdominales, nausées, jaunisse
Symptômes oculaires : pupille très fermée, larmoiements
Symptômes cardiaques : ralentissement ou accélération du rythme cardiaque, palpitations, hypotension artérielle
Symptômes musculaires : spasmes musculaires, crampes, convulsions
Symptômes neurologiques : confusion mentale, malaise et vertiges, hyperactivité, hallucinations, maux de tête inexpliqués, incoordination motrice
Symptômes urinaires : absence d’urines ou au contraire mictions excessives et répétitives, sang dans les urines, douleurs lombaires.

INFOS ET INTOX

Amanite phalloïde (mortelle). Une gastro-entérite survient au bout de 6 heures, suivie par une jaunisse par atteinte hépatique gravissime. Cette intoxication est l’une des plus graves. Elle représente 95 % des intoxications mortelles par champignons.
Tricholome équestre. L’intoxication se manifeste au bout de 24 heures par des sueurs sans fièvre, une fatigabilité musculaire et des douleurs des hanches et des épaules. Considérés jusqu’alors comme comestibles, ces champignons sont interdits à la vente et à l’importation depuis juin 2004 par arrêté paru au JO, des cas mortels ayant été constatés après l’ingestion de ces champignons.
Fausse morille ou «gyromitre» (mortelle). 5 à 12 heures après un repas de fausses morilles apparaissent une fatigue, des signes digestifs et hépatiques parfois, et des céphalées.
Coprin noir d’encre. Les manifestations surviennent 3 heures après un repas alcoolisé et associent malaises, bouffées de chaleur, palpitations et sueurs.
Cortinaire des montagnes (mortelle). Les manifestations surviennent 12 heures en moyenne après le repas et comportent des signes digestifs et une atteinte rénale tardive.

SYNDROMES

On regroupe l’ensemble des symptômes d’intoxication en 9 groupes bien différents, selon les symptômes constatés et leur apparition, précoce (P) ou tardive (T) :

Syndrome coprinien (P), dû à la présence de coprine dans les champignons de type coprin (sauf le coprin «chevelu», comestible). Apparition précoce dans les 30 minutes suivant l’ingestion, lorsque le repas est accompagné d’alcool.

Syndrome muscarinien, ou sudorien, (P), dû à la présence de muscarine, notamment dans les inocybes, l’inocybe rouge en particulier. La muscarine ressemble beaucoup à l’acétylcholine, un neuromédiateur bien connu. La sudation est intense et plus généralement les hypersécrétions de toutes sortes.

Syndrome narcotinien (P), autrement dit un syndrome hallucinatoire dû à des champignons hallucinogènes, comme certains psilocybes contenant la psilocybine, une substance alcaloïde hallucinogène prisée par les toxicomanes.

Syndrome mycoatropinien (P), dû à la présence de 2 toxines qui vont agir sur la sérotonine et la dopamine au niveau cérébral. L’amanite tue-mouches en contient de grandes quantités.

Syndrome résinoïdien (P), dû à des champignons des genres entolomes et tricholomes. Les symptômes sont liés à certaines toxines pour la plupart encore inconnues. Le syndrome résinoïdien comporte des irritations gastro-intestinales (gastro-entérites).

Syndrome immuno-allergique (P), dû à la consommation de champignons de l’espèce Paxillus.

Syndrome gyromitrien (T), dû à la présence de gyromytrine qui va être dégradée lors de la cuisson. Cette dégradation aboutit à une nouvelle substance, la MMH, plus ou moins toxique ou mortelle selon les sujets.

Syndrome orellanien (T), dû aux champignons du genre cortinaire, qui comportent de l’orellanine, une substance toxique pour le rein. Les symptômes peuvent apparaître jusqu’à 17 jours après l’ingestion !

Syndrome phalloïdien (T), dont l’amanite phalloïde et l’amanite vireuse en sont les principales responsables. L’intoxication est liée aux amanitines, des toxines qui s’attaquent notamment au foie en agissant au niveau de l’ADN des cellules hépatiques !

LES CHAMPIGNONS À LA LOUPE

Les champignons apprécient l’humidité et la chaleur. Ils sont très sensibles à la qualité du sol qui les héberge. On les retrouve donc plus souvent en automne. Les champignons peuvent coloniser tous les milieux : le bois, les céréales et même le plastique ! Ils prennent toutes les formes, du champignon classique à la moisissure. Chacun a son cycle propre : le cèpe en automne et la truffe en hiver. Les champignons sont constitués à 90 % par de l’eau. Ils représentent le fruit d’une trame souterraine qu’on appelle le mycélium, la partie noble des champignons et qu’il faut protéger. Le chapeau contient les spores. Leur germination permet à de nouveaux mycéliums de se développer. En d’autres termes, les champignons poussent pour se reproduire !

12 CONSEILS POUR EN PROFITER SANS RISQUE

1. Une règle d’or : gardez seulement les champignons que vous connaissez déjà et ne vous hasardez pas à consommer des champignons inconnus, non identifiés ou qui diffèrent légèrement de ceux cueillis habituellement.

2. Promenez-vous avec un guide visuel pour identifier le produit de votre cueillette sur place et n’attendez pas votre retour, au risque de mélanger les champignons et de garder des chapeaux toxiques ou des lamelles détachées au milieu de champignons comestibles.

3. D’une façon générale, méfiez-vous des champignons pourvus d’une volve ou d’un anneau.

4. Privilégiez les champignons jeunes, au détriment des champignons plus vieux et donc plus grands dont la qualité gustative est souvent moindre.

5. Utilisez des paniers en osier et non des sacs en plastique qui favorisent la fermentation.

6. Contrairement à l’idée reçue, ne coupez pas le pied mais conservez toujours sa base, indispensable à l’identification, notamment lorsque la volve est enterrée, comme dans le cas des amanites par exemple. En outre, un pied abîmé est source d’attaques bactériennes contre le mycélium. Sachez qu’un champignon coupé ne repousse jamais par son pied, quel que soit l’endroit de la coupe.

7. Ne vous fiez pas aveuglément aux pharmaciens. La plupart ne sont malheureusement pas réellement formés à la mycologie.

8. Ne cueillez pas de champignons au bord d’une route fréquentée ou près de sites industriels (usines métallurgiques, incinérateurs, décharge…) : les champignons se comportent comme des éponges en absorbant toutes les particules présentes dans le sol. Ils sont capables de concentrer les métaux lourds (plomb notamment), les polluants automobiles issus des pots d’échappement et autres toxiques.

9. Même si vous devez vous mettre à dos les gastronomes, lavez votre cueillette à l’eau et brossez-la pour éliminer des métaux lourds éventuels.

10. Mangez des champignons frais. Mal conservés, ils provoquent souvent des gastro-entérites.

11. Évitez de consommer les champignons crus, même comestibles, au risque d’attraper une gastro-entérite. D’autant que la cuisson va détruire certaines toxines.

12. Conservez toujours les restes d’un repas aux champignons (ou des exemplaires non cuisinés) pendant 24 heures. En cas d’intoxication, leur identification permet de gagner un temps précieux pour la mise en place d’un traitement adéquat.

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