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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Lettre ouverte aux parlementaires pour une réhabilitation véritable du métier d’herboriste

Objet : objections au projet de loi de M. Jean-Luc FICHET, visant à créer un diplôme et organiser la profession d’herboriste,  un métier qui mériterait d'être à nouveau considéré à sa juste valeur.

Acteurs privés ou institutionnels, consommateurs, associations de la société civile, amateurs ou professionnels de santé, nous œuvrons, parfois depuis de nombreuses années déjà, pour la réhabilitation des usages et savoirs populaires autour des plantes médicinales et du métier d’herboriste. 
Aussi avons-nous étudié avec beaucoup d’attention la proposition de loi déposée au Sénat le 12 juillet 2011 par M. Jean-Luc Fichet, visant à recréer un diplôme d’herboriste et organiser la future profession.

Si nous croyons nécessaire la réhabilitation de la profession d’herboriste d’après les motifs exposés en préambule, nous sommes en désaccord sur deux points :
1- la création d’un nouveau monopole qui accorderait aux seuls futurs herboristes diplômés et producteurs le droit de commercialiser les espèces libérées par le décret 841-2008 ; avec toutefois une exception accordée aux producteurs d’après ce que M. Fichet a annoncé lors d’une réunion de concertation le 19 octobre dernier au Sénat. Concernant ce premier point, nous considérons que le cœur du métier d’herboriste n’est pas tant le droit exclusif de vendre telle ou telle espèce, que d’apporter au public l’éthique, le conseil qu’il attend en matière d’utilisation de plantes médicinales.
L’histoire a démontré que la logique de monopole en matière de santé n’a jamais été une garantie de fiabilité ou de sécurité pour l’usager, ni n’a permis d’éviter les dérives ou les dysfonctionnements ; l’actualité médicale nous en apporte indéniablement l’enseignement.
Nous pensons que les 148 espèces du décret 841-2008 peuvent rester en vente libre tel que l’a souhaité le législateur, tandis qu’une liste spécifique à l’herboriste, bien plus complète, devra être établie par un décret du Ministère de la santé.

2- la tutelle de l’AFSSAPS qui aurait pour rôle de veiller aux bonnes pratiques de cette profession et de la contrôler.
Concernant ce deuxième point, nous considérons que cette agence ne représente pas la réponse adéquate pour mener à bien cette mission.
L’AFSSAPS est étroitement liée culturellement en même temps que dépendante financièrement vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique ; or, le public recherche justement à travers l’herboristerie une alternative réelle et novatrice à ce secteur.
De plus, cette culture industrielle et pharmaceutique de l’AFSSAPS ne permettrait pas de répondre à des aspects essentiels de l’herboristerie, notamment ce qui concerne ses enjeux environnementaux, ses modes de production agrobiologiques ou artisanaux ; lesquels font justement aujourd’hui sa spécificité et son attrait pour le consommateur. Elle risquerait  de créer une qualité pharmaceutique bis qui ferait perdre une grande partie de l’intérêt de créer ce nouveau corps de métier et marginaliserait définitivement, par le monopole, les petites productions locales. Elle n’intégrerait toujours pas d’autres critères de qualité (agriculture bio, pratiques durables, valorisation de formes galéniques simples et peu coûteuses, usages populaires etc.) pourtant de plus en plus réclamés par le consommateur.
Il faudra donc créer un organisme d’experts qui rassemblera les qualités et les compétences requises pour encadrer les pratiques de l’herboriste. Ce serait l’opportunité unique de constituer un corps d’expertise pluridisciplinaire neuf, en dehors de pressions économiques ou de conflits d’intérêt. Provisoirement, ce contrôle pourra être opéré par les services de la répression des fraudes, comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour les 148 espèces en vente libre.
Rappelons que le scandale du Mediator® a monopolisé l’attention sur le médicament classique, mais que les conflits d’intérêt n’ont pas encore été dénoncés dans le secteur des plantes médicinales, nombre d’experts actuels étant intimement liés aux grandes entreprises du complément alimentaire et du phytomédicament.

Par le présent appel, nous demandons aux législateurs de donner à l’herboriste les moyens d’exercer pleinement et en toute indépendance son métier, à savoir être en mesure de :
1- Produire (ou du moins connaître les modes de production) et/ou délivrer au public la majeure partie des espèces médicinales inscrites à la Pharmacopée Française, (à l’exception de celles de la liste B, potentiellement toxiques et sous la condition d’une forme correspondant à l’usage traditionnel reconnu), ainsi que tous les produits traditionnellement utilisés en herboristerie, à savoir notamment : les huiles essentielles en vente libre, les macérations hydro-alcooliques ou oléiques – dont l’usage traditionnel est reconnu – et des produits dérivés tels que compléments alimentaires, épices, condiments, livres, théières, tisanières, miel, etc.

2- Pouvoir exercer son activité dans une boutique, sur un marché, par le biais de la vente par correspondance le cas échéant.

3- Pouvoir apporter à ses clients des conseils quant à l’usage, au mode d’emploi, à la posologie, aux précautions ou restrictions d’usage (contre-indications, interactions médicamenteuses) des plantes qu’il propose.

4- Garantir l’authenticité botanique, la qualité, la traçabilité des plantes qu’il vend et/ou produit.

5- Être capable de sensibiliser le consommateur à la question de préservation des ressources si ce dernier lui réclame des espèces rares ou protégées.

6- Suivre un enseignement initial et continu auprès de professionnels et être placé sous la tutelle d’une autorité dont les experts seraient libérés du conflit d’intérêt économique.

Ces préalables étant posés, l’herboriste pourra ainsi devenir le partenaire privilégié du médecin phytothérapeute en exécutant ses ordonnances et en sachant détecter d’éventuelles anomalies.
Il doit être capable de mettre en garde ses clients vis-à-vis des limites de l’automédication ; il les encourage si nécessaire à consulter un médecin, car il n’établit jamais de diagnostic.
Il a un rôle d’éducation et de prévention à l’hygiène de vie en matière de consommation de plantes médicinales.
L’herboriste contribue aussi à la phytovigilance en faisant remonter au niveau de la profession les cas éventuels d’intolérance, d’allergies et tous problèmes particuliers relatifs à l’usage d’une plante.

Pour exercer toutes ses missions, l’herboriste a besoin d’une formation de qualité au conseil en matière d’usage des plantes médicinales, formation indépendante des pressions économiques, bénéficiant de l’absence de conflits d’intérêts avec les industriels de la filière.
Depuis 70 ans, aucun diplôme d’herboriste n’a été délivré. S’il est louable d’autoriser les ultimes herboristes diplômés à dispenser leur art, il est également primordial de trouver une solution pour permettre aux personnes qui se sont formées et ou ont perpétué le savoir des herboristes pendant tout ce temps, de faire valoir leurs compétences en exerçant de plein droit le métier d’herboriste. Il convient donc de prévoir de leur accorder un délai raisonnable pour appliquer le dispositif de la VAE permettant à chacune d’entre elles de faire valider leurs connaissances et de faciliter ainsi leur obtention du diplôme d’herboriste.

En résumé, nous estimons que l’herboriste doit pouvoir apporter des réponses aux demandes de la population en constante augmentation, telles que :
> Trouver un conseil de qualité en matière d’éducation de prévention et d’utilisation des plantes médicinales
> Avoir affaire à des professionnels aux liens clairs avec les acteurs économiques depuis leur formation jusqu’à leur autorité de tutelle
> Accéder à une large diversité de plantes médicinales efficaces, de qualité biologique, sous des formes peu transformées et donc d’un coût raisonnable
> Pouvoir utiliser ces plantes médicinales en complément des traitements médicaux classiques
> Trouver des sources d’approvisionnement locales et renouer avec la nature, la terre et ceux qui la cueillent ou la cultivent dans le respect des équilibres écologiques.

Nous continuerons à nous engager pour tenter de faire valoir au maximum notre vision du métier d’herboriste, à savoir accompagner le public pour des solutions alternatives de santé et une certaine autonomie dans la gestion de son hygiène de vie.

Thierry THEVENIN, producteur-herboriste, porte-parole du Syndicat SIMPLES,
Michaël ARNOU, producteur de plantes médicinales président de l’A.F.C. (Association Française des professionnels de la Cueillette des plantes sauvages),
Pierre-Yves DE BOISSIEU, producteur-distillateur de plantes médicinales, secrétaire général du Syndicat SIMPLES,
Patrice DE BONNEVAL, Dr en pharmacie, fondateur de l’Ecole Lyonnaise des Plantes Médicinales,
Gilles CLEMENT, jardinier-paysagiste, écrivain et philosophe,
Gilles CORJON, Dr en pharmacie, Herboristerie CORJON à Grenoble, Responsable scientifique de l’École Lyonnaise de Plantes Médicinales,
François COUPLAN, Dr en Sciences ethnobotaniste, écrivain, spécialiste des usages traditionnels des plantes sauvages,
Philippe DESBROSSES, Dr en Sciences, Chargé de mission auprès du Ministère de l’Agriculture et expert consultant auprès de l’Union européenne,
Amanda JULLION, herboriste franco-canadienne, éducatrice en environnement, Claire LAURANT, Dr en anthropologie, spécialiste des plantes médicinales,
Jean-Paul LESCURE, botaniste, écologue, directeur de recherches à l’I.R.D. Institut de Recherches et Développement,
Pierre LIEUTAGHI, ethnobotaniste, écrivain, Attaché au Muséum national d’histoire naturelle (Paris) et à l’Institut d’ethnologie méditerranéenne et comparative,
Jean MAISON, producteur- négociant de plantes médicinales,
Aline MERCAN, Dr en médecine, généraliste, doctorante en anthropologie médicale,
Michaël MOISSEFF, Dr en biotechnologie végétale, fondateur de l’association Asquali
NATURE & PROGRES, Fédération des consommateurs et des professionnels pour la Bio associative et solidaire,
Jean-Pierre NICOLAS, Dr en ethnopharmacologie, fondateur de l’association Jardins du Monde,
Marc PHILIPPE, maître de conférence à l’Université Lyon-1,
Josiane PRUNIER, directrice de l’école des plantes de Paris,
Isabelle ROBARD, Dr en droit, avocate au Barreau de Paris, chargée d’enseignement en faculté de droit, spécialiste du droit pharmaceutique et médical,
Philippe SCHOEFFERT, ingénieur agronome, formateur Plantes aromatiques, médicinales et à parfum au CFPPA de Nyons.

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