Consommation Collaborative
Bienvenue dans l’ère du partage
Perte du triple A, baisse du pouvoir d’achat, hausse de la TVA et flambée des prix... À en écouter les quolibets économiques actuels, les consommateurs n’en mèneraient pas large... Pourtant ceux que nous avons rencontrés gardent bel et bien le sourire et pour cause : une véritable alternative à la société propriétaire semble émerger et, avec elle, l’essor du « co » : partager un bureau, une voiture ou encore un jardin, on connaît. Aujourd’hui, on parle aussi de co-lunching, de co-vacances ou encore de co-compétences... Petit manuel à l’usage des nouveaux consommateurs...
Aurélie Renne
VERS UNE CONSOMMATION PLUS… ALTRUISTE
Location, prêt, échange de particulier à particulier, achat en commun, financement de groupe… la consommation collaborative a plusieurs visages.
Maryline, 38 ans, raconte : « Ça a commencé par une très jolie veste repérée avec une amie… Bien trop chère pour nos moyens isolés, l’achat était raisonnable à deux. Depuis, nous avons un véritable dressing communautaire qui s’est élargi à d’autres amies. L’important est simplement de bien s’organiser pour que chacune en profite ! » Le cas de Maryline n’est pas isolé. Et Internet est devenu le catalyseur de ce nouveau système : les sites fleurissent, et proposent de vendre ou d’acheter.
Et ce système D organisé ne s’arrête pas là… Un principe similaire appelé le « bookcrossing » abreuve un monde parallèle de lecteurs un peu particuliers. Romain, parisien, raconte son expérience : « J’ai trouvé un livre sur un banc. À l’intérieur, écrit à la main, un lien Internet à visiter, afin de se présenter en tant que “nouveau propriétaire du livre” et de donner son avis. ».
LA CLEF DE VOÛTE DE LA CONSOMMATION COLLABORATIVE ?
Le temps. Car si le système permet une économie financière, il faut s’armer de temps et de patience pour trouver chaussure (livre, covoitureur, etc.) à son pied. L’échange de services, via les accorderies notamment, en est le meilleur exemple. Ces dernières tendent à développer une amélioration réelle du quotidien et de la qualité de vie de tous ses membres : les accordeurs, qui proposent services, compétences, conseils et autres savoir-faire… à échanger contre analogues. On trouve deux accorderies en France à ce jour, à Chambéry et à Paris. Un concept largement repris par la toile, qui permett, via la publication d’annonces, de mettre en relation les particuliers selon leurs requêtes.
REMISE EN CAUSE D’UN SYSTÈME BIEN ÉTABLI
Si comme l’explique Patrice Duchemin : « Un système ne remplace pas l’autre », cette nouvelle manière de consommer fait pourtant de l’ombre à l’économie courante. Car, à échanger un produit auquel on prête plusieurs vies, on achète moins. Le business model de demain repose à présent sur l’idée de vendre de l’accès et de l’usage. Un petit air de déjà-vu pour l’industrie du disque avec le déferlement des sites de téléchargement. Et ça, les entreprises l’ont bien compris. Elles sont déjà nombreuses à rebondir sur ce phénomène, proposant des produits disons… innovants : les constructeurs automobiles prennent la première place, certainement échaudés par le succès de l’auto partage, et se lancent eux-mêmes dans le système. Peugeot propose ainsi un « bouquet mobilité » permettant à ses clients de louer à tout moment le véhicule (voiture, scooter, vélo…) de leur choix. Citroën met en place sa propre plateforme de partage automobile entre particuliers. Côté assurance, la Macif projette d’ouvrir 20 accorderies. Quant aux rois du bricolage, ils ne sont pas en reste et Castorama de se lancer depuis quelques mois déjà dans les Troc’heures, mettant en relation les particuliers qui souhaitent échanger des heures de bricolages selon leurs spécialités.
UN ESPRIT COLLABORATIF
Qui sont ces consommateurs collaboratifs maîtres d’une économie parallèle si florissante ? La nouvelle génération ? Les BOBO écolos ? « Toutes les catégories sont mélangées. Jeunes et moins jeunes, alter consommateurs, consommateurs de masse, etc. Plusieurs profils et pas forcément militants », ajoute Patrice Duchemin. Un panaché de la population, donc.
À laquelle on peut néanmoins attribuer un point commun, ajoute Antonin Léonard : « L’état d’esprit. Cela ne concerne pas forcément des gens qui font des économies. Le côté ludique attire pour les aspects de partage et de rencontre. Ce public a en commun une toute nouvelle manière de voir les choses. Une manière plus humaine, tout simplement. »
Il ne faut pas oublier le fil rouge du système et la place majeure d’Internet qui entérine un système et lui confère une portée bien au-delà de l’ancienne méthode… façon place du marché. « L’individu redevient la mesure de chaque chose », termine Antonin Léonard. L’idée centrale ? Se connecter sur Internet pour partager dans la vraie vie. Contre toute attente, Internet donne donc un nouveau souffle aux échanges humains. Exit le complexe du geek isolé derrière son écran ! Le monde appartiendrait-il donc à ceux qui cliquent ?
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