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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

La Marianne et la fourmi…

... au temps du confinement

Ce matin j’ai rencontré une fourmi.

Elle était toute petite, taille XXXS, tout en noir et bizarrement toute seule. Elle courait sur le carrelage de la cuisine, l’air perdu, l’air de ne plus se rappeler où elle allait car elle s’arrêtait tout le temps et repartait dans l’autre sens… 

Une fourmicule zigzagante, mais sportive, quand même, parce qu’on est au 6e étage ! 

Je lui ai demandé d’où elle sortait, comment elle était entrée…

Elle m’a regardée, perplexe, les antennes frémissantes : 

— Entrer ? Sortir ? C’est-à-dire ?
Je m’appelle Adèle 190419-12e-YHG

— Enchantée, moi c’est Marianne ! Mais elle est où ta fourmilière ?

— Ma quoi ?

— Eh ben ta maison, quoi. Ta caserne, ta pension, ton camp, ton hôtel, ta colonie, je sais pas, là où tu loges ?

— …. … … ???

— Tu n’as pas de maison ? Tu te balades toute seule, comme ça, le soir ?

Mais quand même c’est rare une fourmi solitaire. Ce doit être une rebelle, une Fourmiz. Elle a un chromosome d’intelligence en plus, elle ne supporte plus sa tribu. Une surdouée, une agitée du bocal, un mouton noir, une brebis galeuse ? Une nomade compulsive ? Une aventurière. Ou peut-être tout simplement une touriste qui a perdu son groupe. J’en ai vu souvent des fourmis au jardin, elles circulent en procession sur des chemins qu’elles seules reconnaissent en s’entrechoquant les antennes. Et pas pour se balader, c’est des bosseuses ! Elles ont des missions, genre ramener de la bouffe à la maison pour nourrir les bébés ou les pucerons (c’est leurs cochons à elles !). Ou la Reine. Ou pour faire du miel… oh non pardon, le miel c’est pas elles, c’est les abeilles…

C’est nul quand même les fourmis, ça nous sert à rien à nous les humains ! Sauf à nous donner l’exemple de la discipline au doigt et à l’œil ! Ça, on nous les donne en exemple sans arrêt, regardez ça, ces modèles d’organisation que sont les fourmilières… ben, Adèle est bien la preuve en tout cas qu’il y a moyen de s’échapper ! Une anarchiste, voilà ce qu’elle est cette Adèle. 

Ou alors une journaliste, une espionne venue prendre des nouvelles du monde. Parce que les fourmis, elles voient bien qu’il se passe des choses anormales en ce moment ! La terre ne vibre plus comme avant sous les roues des engins, des bus, des camions, des trains, des pelleteuses… Y a même plus de trottinettes ! Elles n’en reviennent pas, là-dessous ! Ce calme, cet énorme silence depuis quelques jours… et cet air pur… elles ont l’impression qu’elles ont changé de planète !

Mais ça me fait penser que j’ai lu dans le journal que les pesticides chimiques répandus sur les champs faisaient perdre aux abeilles leur sens de l’orientation. Soudain, elles ne se rappellent plus où est la ruche, elles se retrouvent toutes bêtes avec leur petit chargement de pollen entre les cuisses, elles s’épuisent à tourner en rond, c’est poignant ! Un genre d’Alzheimer des abeilles…

Ça le fait peut-être aussi aux fourmis, alors ? 

Et du coup, la pauvre, la voilà coincée ici pour au moins un mois ou deux…

J’hésite à lui faire de la peine, elle n’a pas l’air au courant.

— Mais… est-ce que tu sais que tu es confinée ?

— C’est-à-dire ?

— Ben, tu peux plus sortir…

— … … … … Oui, enfin… TOI tu peux plus sortir ! Moi je peux ! (elle glousse tout doucement).

— Ah bon, comment ça ?

Mais… suis-je sotte ?! Elle va me répondre : eh bien, comme je suis entrée ! 

Mais non. Elle prend un air grave et m’énonce :

— Le décret ne concerne pas les insectes jusqu’à nouvel ordre.

— Tu es sûre ? 

— D’ailleurs tu peux sortir ton chien, pourquoi pas ta fourmi ?

— Hm, tu veux que je te mette en laisse ?

— Ou en boîte ! Ça pourrait être drôle. Et si ça te fait un prétexte pour sortir…

Dans la rue fabuleusement déserte, j’aperçois à 20 mètres un zombie tout noir qui semble être le dernier habitant sur Terre (à part moi et Adèle). Il se précipite vers moi, tout content.

— Vous avez votre attestation de dérogation ?

Il voit que j’ai coché, à la date d’aujourd’hui, « Promener mon animal domestique ». Il regarde à ses pieds, fait un tour sur lui-même. 

— Et… votre chien ? Vous l’avez perdu ?

Il grimace un sourire et me fait lever les bras pour vérifier que je ne cache pas un chihuahua sous mon aisselle. 

— Il est là !

Je lui montre ma petite boîte d’allumettes.

Je l’entrouvre, Adèle grimpe sur le bord et agite ses antennes. 

On entend un tout petit couinement : elle rigole ! 

C’est la tenue du policier qui la met en joie. On se croirait dans Star Wars. Le mec se prend pour Dark Vador.

— C’est un humain ? me chuchote-t-elle. Qu’est-ce qu’il a ? Il est malade ? 

Adèle se tord de rire, et du coup, hhhhhheee ! La voilà qui tombe à pic, juste dans le caniveau tout sec. Elle s’ébroue une demi-seconde et se met à courir comme une folle. Comme si tout à coup elle reconnaissait le chemin de sa maison ! Cette petite rusée, elle s’est trouvé un taxi pour rentrer : moi ! À votre service, mademoiselle !

Bon, je la laisse, on est à la lisière d’un square, elle va sûrement retrouver des copines… 

Je suis fière, aujourd’hui j’ai sauvé quelqu’un du Confinement sans mettre en danger mes semblables. Du moins je l’espère, qu’en diraient les experts ? Est-ce que le Covid machin est transmissible aux fourmis ?

Mais le flic, lui, ne perd pas son sang-froid. 

— Cent trente-cinq euros, ma petite dame ! Ça vous apprendra à vous moquer des forces de l’ordre.

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