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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Un tour de France pour faire connaître l’hortithérapie

En route avec Romane à la rencontre des jardins thérapeutiques

À 24 ans, originaire des environs de Saint-Nazaire, Romane Glotain a la tête sur les épaules, le cœur sur la main, une énergie à revendre, et une sérieuse envie d’avancer. Le 10 mai, elle enfourchera son vélo électrique pour partir à la rencontre des jardins thérapeutiques à travers toute la France. Une balade de santé pour faire connaître ces lieux dédiés au bien-être qui démontrent comment le contact avec la nature peut nous aider à aller mieux.

Les confinements auront au moins permis de démontrer l’importance des besoins d’accès à la nature pour le bien-être de tous, mais passionnés et professionnels n’ont pas attendu la pandémie pour réfléchir sur les effets de l’environnement sur la santé. 

Depuis quelques années, les « jardins thérapeutiques » se développent en France. Romane, une jeune éducatrice spécialisée et formée à l’hortithérapie, se prépare à un périple de trois mois pour promouvoir cette démarche, la diversité des situations et leurs spécificités. 

Rebelle-Santé : Qu’est-ce qu’un jardin thérapeutique ?

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Romane Glotain : En résumé, c’est un jardin aménagé pour le bien-être physique, psychologique ou social d’une personne ou d’un groupe de personnes, que ce soient des résidents d’un foyer éducatif ou d’une maison de retraite, des détenus dans une prison, des personnes souffrant d’un handicap moteur ou mental, ou encore des patients d’un établissement ou d’une institution de santé. Plutôt que « jardins thérapeutiques », personnellement je préfère les appeler « jardins de soin », car le jardin ne soigne pas un symptôme ou une maladie en tant que telle, c’est un complément, un outil qui aide et accompagne une prise en charge éducative ou un processus de rétablissement. 

Le plus important dans ce type de jardin, c’est d’imaginer des aménagements ou des ateliers selon des objectifs précis fixés dans le cadre d’un projet d’accompagnement entre le personnel encadrant et les usagers. Si on veut travailler avec un enfant autiste, par exemple, où la difficulté réside dans les interactions avec les autres, il faudra imaginer des ateliers pour développer le lien social, créer des situations qui conduisent cet enfant à développer les relations avec d’autres. Un atelier ou une sortie au jardin ne suffisent pas non plus, le soin s’inscrit dans un processus de suivi régulier pour tendre vers les objectifs fixés au gré des séances, au fil des comptes-rendus et des observations. 

Existe-t-il des critères précis pour définir un jardin de soin ?

Il n’y a pas de modèle figé et unique, mais il existe effectivement certains critères qui permettent de différencier un jardin de soin d’un jardin partagé ou ludique. Les vertus du jardin en complément thérapeutique sont connues depuis l’Antiquité. Déjà, dans l’Égypte ancienne, on utilisait les jardins pour soigner les personnages royaux atteints de maladies psychiques. L’hortithérapie moderne est née au XIXe siècle aux États-Unis et au Canada. En Europe, on en trouve d’abord en Suisse et en Allemagne, mais le concept est beaucoup plus développé dans les pays anglo-saxons, où le métier d’hortithérapeute est reconnu et pratiqué. Des chercheurs américains ont ainsi défini le jardin thérapeutique selon cinq critères fondamentaux : la sécurité, un aménagement en plantations qui regroupe les trois strates végétales (l’arbre, l’arbuste et l’herbacée), la mise en place de points de vue (comme la vue sur le jardin depuis la fenêtre d’une chambre, par exemple), l’accessibilité (pour que le jardin soit praticable), et enfin l’esthétisme, même s’il ne s’agit pas de participer à un concours d’ornement. 

En quoi consistent les ateliers proposés au sein de ces jardins ?

Tout dépend des situations. Dans ce type de jardins, aucune activité ne doit jamais être imposée, ce qui serait contreproductif, mais au contraire décidée en concertation entre les usagers et les médiateurs. L’envie des usagers prime toujours. Car malgré l’enthousiasme des équipes professionnelles, si ceux qui décident ne sont pas ceux qui pratiqueront le jardin, le projet ne marchera pas. Selon les objectifs fixés, on peut ensuite imaginer des activités liées à la pratique du jardinage, mais aussi des activités pour favoriser la contemplation, la méditation ou encore aménager des espaces de convivialité. Certain.e.s n’ont pas du tout envie de mettre les mains dans la terre, mais veulent simplement aller au jardin pour s’asseoir sur un banc ou à l’ombre d’un arbre pour observer et écouter ce qui se passe autour. 

Concrètement, pour travailler sur les addictions alimentaires, on peut réfléchir à des activités autour d’un potager, proposer d’apprendre à cultiver et cuisiner les légumes du jardin. 

Comment vous êtes-vous engagée dans cette voie ?

Mon père était exploitant agricole. J’ai grandi à la campagne et j’ai toujours été attirée par l’environnement et les jardins en général. Au départ, je voulais devenir paysagiste. J’ai découvert le concept des jardins thérapeutiques quand je suis entrée au lycée agricole Jules Rieffel à Saint-Herblain, juste à côté de Nantes. Il y avait une association d’élèves, « les écoresponsables », qui proposait de participer bénévolement à divers projets autour du développement durable. On pouvait choisir de s’occuper des ruches, d’une volière de réhabilitation d’oiseaux sauvages blessés, mais également se consacrer au jardin thérapeutique qui avait été aménagé sur le terrain du lycée, en lien avec une maison de retraite. Le but était de proposer des activités aux personnes âgées aux beaux jours et, en période hivernale, on allait les voir avec notre matériel. Je me suis investie pendant trois ans là-dessus, et j’ai adoré le lien qu’on pouvait faire entre les activités de jardinage et un public en position de vulnérabilité, que ce soit au niveau moteur, mais aussi psychologique, avec des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. C’est ainsi que je me suis initiée à l’hortithérapie et à la médiation végétale. 

Passionnée par ce concept, j’ai commencé à m’informer et j’ai poursuivi ma formation dans ce sens. Pour mieux connaître les plantes, j’ai suivi un BTS de production horticole à Angers pendant 2 ans et, à cette occasion, j’ai pu participer à un concours organisé par la Fondation Truffaut sur le thème des jardins thérapeutiques dont je suis sortie lauréate, ce qui m’a permis de rencontrer tous ceux qui commençaient à faire émerger l’idée des jardins thérapeutiques en France. 

Avec cet élan, je suis partie créer un jardin thérapeutique au Mans, pendant un service civique de dix mois, dans un foyer de vie qui accueillait des adultes en situation de handicap mental. J’ai voulu poursuivre ensuite mes études en licence professionnelle, pour me former à l’accompagnement des publics vulnérables, élargir mes connaissances théoriques sur les différentes situations. C’était captivant car, plus j’en apprenais sur le handicap, les maladies, les addictions, plus je faisais le lien avec mes expériences de jardin thérapeutique.

*

Aujourd’hui, je suis éducatrice spécialisée auprès d’ados au sein de l’Institut médico-éducatif de l’association Marie Moreau à Saint-Nazaire.

Pourquoi faire un tour de France des jardins thérapeutiques ?

Cela fait maintenant dix ans que je m’intéresse à ces jardins. J’ai d’abord eu envie de concevoir mon propre jardin d’accueil, « le Jardin des Maux’passants », et j’ai commencé par créer une page sur les réseaux sociaux, pour mettre en avant mes avancées dans ces domaines, partager mes recherches et mes tâtonnements, mais aussi entrer en contact avec d’autres porteurs de projets qui associent leur démarche éducative ou thérapeutique à des jardins. 

Mon objectif, c’est le partage et j’ai déjà reçu énormément de soutiens de la part d’associations, de fondations et d’entreprises. J’ai également mis en place un partenariat avec les lycées agricoles en France, pour que je puisse me faire héberger dans les établissements le long de mon parcours et, en contrepartie, proposer une intervention de sensibilisation des étudiants au concept. C’est très important pour moi de pouvoir transmettre aux jeunes qui se destinent à des métiers du végétal, en leur montrant que cette filière existe et qu’elle est amenée à se développer dans les années à venir.

Quels sont les freins au développement de ce type de jardins ?

Principalement, le financement et l’entretien. Pour les institutions et les établissements, le jardin est souvent considéré comme une contrainte, sans évaluer les bienfaits que ça apporte. Trop peu d’études ont permis de démontrer les vertus de ces jardins, mis à part quelques-unes comme celle réalisée au Pôle psychiatrique du Jardin des Mélisses, au CHU de Saint-Étienne. 

Où en êtes-vous des préparatifs ?

Il me reste encore à fixer toutes les étapes du parcours. Je n’ai que trois mois. J’ai recensé en tout plus d’une centaine de jardins à visiter, mais je dois me limiter à une quarantaine. Je sélectionne de façon à montrer la diversité des situations ; en allant dans les jardins des institutions, mais aussi à l’extérieur, en ouvrant l’éventail des possibilités d’accueil à des publics très différents, selon qu’il s’agisse de s’occuper de personnes en situation de handicap ou de maisons de retraite, de jardins dans les prisons ou pour des femmes atteintes de cancer… J’ai choisi également des jardins de dimensions très différentes, certains se situent dans des parcs de plusieurs hectares, d’autres dans des patios. Un petit jardin peut apporter beaucoup. Ensuite, mes contraintes de trajet m’empêchent de visiter toutes les régions, et je me concentre sur les alentours des plus grosses agglomérations. Néanmoins, j’espère pouvoir établir un beau panorama et j’ai déjà réussi à obtenir un partenariat pour pouvoir faire un reportage vidéo, qui servira de support de communication par la suite, et permettra de donner un coup de projecteur sur tous ces jardins méconnus des médias. 

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