Pour un nouveau monde
Dans un ouvrage collectif, « Nos voies d’espérance », dix grands témoins de notre époque proposent des pistes pour essayer de changer le monde. Réunis par le journaliste Olivier Le Naire, ils pointent les problèmes et avancent des solutions pour sortir de l’impasse écologique et sociale actuelle. Mais, surtout, ils donnent des raisons d’espérer.
Après le succès rencontré par son livre d’entretiens avec Pierre Rabhi, le journaliste Olivier Le Naire a décidé de réunir 10 personnalités qu’il nomme grands témoins pour faire le double exercice de poser un diagnostic, et d’ouvrir des voies de transformation pour redonner confiance, face aux urgences imposées par les bouleversements climatiques et planétaires.
Dix auteurs pour une autre vision
De l’agro-écologiste poète Pierre Rabhi à Erik Orsenna, l’académicien proche des milieux politiques, en passant par Anne-Sophie Novel, l’économiste blogueuse, le rapeur Abd Al Malik, l’écologiste Nicolas Hulot ou le philosophe Frédéric Lenoir, sans oublier Françoise Héritier, grande dame de l’ethnologie, Dominique Méda, énarque sociologue de haut vol, Cynthia Fleury, la philosophe psychanaliste et enfin Pierre-Henri Gouyon, biologiste généticien éclairé, tous ont répondu présent et se sont réjouis de pouvoir parler des solutions et de l’espoir.
Au point de rédiger un manifeste (1) pour préciser leur démarche résolument optimiste et rappeler les atouts que possède notre pays.
Un constat commun
Pour évoquer rapidement le diagnostic, ces grands témoins déplorent presque tous que les hommes politiques ne soient plus en mesure de réagir pour prendre les bonnes décisions. Ils sont guidés par la soif du pouvoir, les échéances électorales qui les empêchent de penser à long terme, le petit jeu médiatique et les assauts des lobbys toujours plus puissants. Le nouveau monde, il faut commencer à le faire sans eux, principalement au niveau local, mais en connexion avec le niveau mondial, car les problèmes environnementaux ne connaissent pas de frontières.
Changer de modèle
Tous les co-auteurs, sauf Erik Orsenna – dont on se demande ce qu’il vient faire dans ce livre – s’accordent à penser qu’il faut sortir du dogme de la croissance. Les grands économistes nous disent qu’il y a peu de chances pour qu’elle revienne. Tant mieux, car elle est synonyme de plus de production, plus d’obsolescence, plus de consommation de ressources naturelles, plus de pollution et surtout plus d’inégalité. « À nous de prouver que la fin d’une croissance aveugle est une chance et non une fatalité, avance Dominique Méda. Une production écologiquement et socialement plus propre exigera un plus grand volume de travail, qui pourrait être réparti en un bien plus grand nombre de personnes. » La sociologue, comme d’autres co-auteurs du livre, voit d’un bon œil la taxation des transactions financières, pour alléger, en parallèle, la fiscalité du travail. Dans le même registre, pour enrayer le pillage de la planète, d’autres envisagent de taxer tout ce qui empêche le développement durable, à savoir les prélèvements de ressources naturelles et rares.
Quant à l’agro-écologie, si chère à Pierre Rabhi, elle est une solution concrète d’autonomie. « Elle pourrait nourrir sainement toute la planète si, dans chaque pays, on en faisait une priorité en formant les paysans à ces techniques. » Ce qui veut dire aussi pouvoir multiplier et échanger ses semences et, bien sûr, se libérer de la chimie mortifère et aliénante. « Si le bio bénéficiait des mêmes aides que l’agriculture intensive, on mangerait des produits sains et locaux pour le même prix que les nourritures frelatées » rappelle Nicolas Hulot. C’est donc possible.
La force d’Internet et des réseaux
Même si Internet a quelques inconvénients, il ouvre la porte à une créativité impressionnante. Il permet – sauf dans quelques dictatures – d’avoir accès à quasiment toute la connaissance humaine. Et l’information est indispensable au discernement dont parle Frédéric Lenoir (voir l’interview page 38). Sur le net, il est possible de se former et d’apprendre grâce aux MOOC (2), de trouver des œuvres ou des logiciels gratuits grâce aux licences Open Source (3). Mais c’est surtout un terrain de partage et d’invention de solutions collaboratives. Le financement participatif sur les plate-formes se multiplie. Les échanges et le partage malin gagnent du terrain, à l’image de Blablacar, le site de co-voiturage, économique, écologique et plus humain.
Créer ensemble
Le collaboratif se développe également indépendamment d’Internet, c’est le cas, par exemple, avec les Makers, littéralement « ceux qui fabriquent ». On les retrouve dans les FabLab, ces groupements locaux souvent équipés d’imprimantes 3D. Ils réparent ou donnent une seconde vie aux objets avec un état d’esprit résilient, créatif et de partage. Partage encore avec la plateforme du Mouvement Colibris (4), qui met en lien des projets locaux porteurs de sens. Et derrière ces initiatives collaboratives, il existe une aspiration profonde à retrouver du lien humain, à mettre en place des solutions simples dans une circulation horizontale à côté d’un système vertical ou pyramidal défaillant…
S’inspirer pour changer
Au final, ces grands témoins nous montrent que les remèdes à la plupart de nos maux existent, pour peu qu’on regarde ce monde malade d’un œil neuf. L’élément déclencheur qui fera passer certains projets du stade expérimental ou très local à une solution généralisée qui peut toucher le plus grand nombre est la prise de conscience. Lorsqu’on est suffisamment nombreux à désirer une chose ou à en refuser une autre, cela finit par se produire.
La prise de conscience s’appuie sur le discernement lui-même nourri par l’information indépendante. Ce livre, avec ses regards éclairés, y contribue largement.
(1) Vous pouvez retrouver et signer ce manifeste sur www.change.org
(2) MOOC : Massive Open Online Courses : cours en ligne ouverts et massifs.
(3) Open Source : mouvement qui permet l’accès libre et gratuit de logiciels dont le code est accessible. Créé pour les logiciels, ce mouvement peut s’appliquer à tout objet créatif.
(4) Mouvement inspiré par Pierre Rabhi ; www.colibris-lemouvement.org
POUR EN SAVOIR PLUS
Nos voies d’espérance, entretiens avec 10 grands témoins pour retrouver confiance, d’Olivier Le Naire (ouvrage collectif). Ed. Actes Sud/ LLL Les liens qui libèrent. 18,80 €.
