Kiki et les souris à trompette

musaraigne

Je devais avoir cinq ans. Nous étions en avril. Il faisait doux. Kiki, mon grand-père, portait la moustache de Zorro et une chemise à carreaux. Je me rappelle mon excitation quand je suis venu le trouver pour partager ma surprise devant une souris à trompette. Il s’est penché vers moi et, avec le plus grand sérieux, a juste soufflé : « Montre-moi ».

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C’était une musaraigne de jardin. Une créature délicieuse et pleine de surprises. J’ai appris à la connaître au fil des années. Elle et sa famille. Ce n’était pas une souris, ni un bébé éléphant. Mais bien plus. Minuscule, rapide, furtive à tel point que, pendant des siècles, dans nos campagnes, on ne l’avait même pas calculée. Et d’une souplesse à faire pâlir les danseuses de l’Opéra. Quand elle se déplace dans les murs de pierre, la musaraigne se tortille dans tous les sens sans jamais avoir besoin d’un ostéo.

Un jour, au creux de ma petite main d’enfant, j’ai senti son cœur battre la chamade. 800 coups par minute, apprendrais-je plus tard. Parfois 1500. Mais c’est son museau agité qui m’a toujours fasciné. Il se dresse à la verticale, tourne, se retourne, plonge et se redresse. Il peut aussi se plier, se tendre, se tordre et multiplier les grimaces. Il scanne. En plus de son flair extraordinaire, la musaraigne a doté sa trompette d’un buisson de moustaches. Une centaine de vibrisses, fines comme des cheveux et plus longues que son corps. Ainsi, la musaraigne tâte le terrain. Même dans l’obscurité. Sa moustache s’agite au rythme de 20 va-et-vient par seconde. Rien ne lui échappe. Ni la topographie des lieux, ni les petites bêtes qui se croyaient bien cachées. Mais le plus adorable, sans doute, c’est d’observer une petite famille de musaraignes filer à la queue leu leu. Quand Maman trompette se balade, elle emmène ses rejetons. Le premier s’accroche par les dents à la fourrure de sa mère, à la base de sa queue. Une fois le wagon accroché à la locomotive, les autres petits se fixent les uns aux autres. La file indienne trottine dans les galeries.

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