Linky, le principe de précaution d’abord !

L’arrivée progressive de ces nouveaux compteurs électriques fait polémique. Devant la somme d’incertitudes concernant les risques d’incidents de ces systèmes rayonnants, mais surtout, devant le danger qu’ils représentent pour la santé, la prudence ne doit-elle pas s’imposer ?

ERDF, le gestionnaire du réseau électrique (filiale d’EDF), a décidé depuis quelques années déjà, de remplacer tous les compteurs actuels par des compteurs communicants de couleur vert-jaune : les compteurs « Linky ».

Dès le 1er décembre dernier, les premières unités ont été installées, avec l’ambition de remplacer les 35 millions de compteurs électriques français avant 2021. C’est un chantier pharaonique de 5 milliards d’euros qui vient d’être lancé.

Ces compteurs « intelligents » communiquent avec le fournisseur d’énergie, pour envoyer instantanément des données informatiques sur votre consommation. Finie donc, l’intervention humaine pour relever les compteurs et même pour la mise en service ou le changement de puissance : tout se fait à distance. D’après ERDF, « Linky » se conçoit autant comme un compteur électrique que comme un système informatique et logiciel autonome.

Un compteur intrusif

Très vite, de nombreux problèmes se sont posés. L’association de consommateurs UFC-Que Choisir s’inquiète d’abord des intrusions possibles d’ERDF et de ses partenaires commerciaux dans la vie privée des clients, puisque la transmission en temps réel des données permet à ERDF de connaître, à la minute près, la courbe des consommations. Et le système permet d’éteindre certains appareils électriques à distance pour lisser les pics de consommation, mieux adapter l’offre à la demande et éviter les pannes.

Une facture plus salée

D’après l’association de consommateurs, cela va surtout alourdir les factures des Français. Aujourd’hui, 5 millions payeraient un abonnement d’une puissance supérieure à leurs besoins, et à l’inverse, 10 millions auraient souscrit une puissance inférieure à celle réellement utilisée. C’était indétectable avec les anciens compteurs dont la tolérance absorbait ces écarts. Avec « Linky », 5 millions de ménages sur-tarifés pourront réduire leur abonnement, faisant une économie globale de 35 millions d’euros. En revanche, les 10 millions de foyers sous-tarifés seront poussés, d’après l’UFC, à souscrire des abonnements plus puissants, dont le surcoût annuel se chiffrerait à 308 millions d’euros (enquête UFC, 2013). Si ERDF conteste ces chiffres, il estime légitime l’ajustement de la puissance des abonnements.

Des risques d’incendie

Les cas sont rares, mais bien réels en France, avec 8 incendies recensés pour 300 000 compteurs installés pendant l’expérimentation. En 2014, au Canada, où 8 incendies, également, se sont déclenchés à cause des compteurs « intelligents », le gouvernement de la province de Saskatchewan a ordonné à l’électricien SaskPower de retirer ses 105 000 appareils, installés chez les particuliers et les entreprises. La société d’État a été également contrainte de stopper son programme d’installations d’appareils.

Toujours plus de rayonnements

Mais le problème au cœur des préoccupations est, bien sûr, l’impact de « Linky » sur la santé. Ces compteurs généreront deux types de rayonnements électromagnétiques qui vont s’ajouter à l’électrosmog (1) ambiant. Il y a d’abord le rayonnement provoqué par la technologie CPL (courants porteurs en ligne). Cette technique consiste à injecter un signal de moyennes fréquences [9 à 150 kHz (2)] sur les fils de toute votre installation électrique, incluant vos appareils branchés. Le réseau électrique de votre domicile, puis celui de votre voisinage sont utilisés pour acheminer ces signaux électromagnétiques jusqu’aux transformateurs de quartier qui font office de concentrateur.


Là, se trouve une seconde source de rayonnement, puisque les données accumulées sont envoyées au gestionnaire, via des antennes relais de téléphonie mobile (GSM à 900 MHz, gamme des hyperfréquences) qui vont fleurir, par dizaines de milliers, sur l’ensemble de ces postes relais (voir schéma ci-dessus)…

Nous ne revenons pas sur la nocivité de ces ondes, dont nous avons déjà parlé précédemment (Rebelle-Santé n° 151 et n° 154). Mais la multiplication des points d’émission, à proximité des logements, ne fera que renforcer notre exposition à ces rayonnements, produisant un maillage d’ondes électromagnétiques encore plus dense.

Le CPL pas adapté à la maison

Concernant le CPL – dont les effets ont été moins étudiés – les premiers à avoir tiré la sonnette d’alarme sont les radioamateurs, qui constataient des brouillages intenses sur leurs émetteurs/récepteurs lorsqu’un CPL fonctionnait à proximité. Ils ont rapidement été rejoints par les associations Robin des toits et PRIARTéM qui défendent les personnes souffrant d’hypersensibilité aux ondes.

« Linky » injecte des radiofréquences dans les circuits électriques de nos logements, qui ne sont pas prévus pour véhiculer de telles fréquences. Leurs fils de cuivre devraient être blindés pour supporter ces ondes, sans les laisser « déborder ». À défaut, les radiofréquences rayonnent autour des câbles. Elles sont mesurables de façon significative jusqu’à une distance de 1 à 2,50 mètres du câble, d’après les essais réalisés par les associations CRIIREM et Next-up. « C’est du délire technologique, résume Pierre Le Ruz, président du CRIIREM cité par le journal L’Âge de faire. On fait encore passer les problèmes de rentabilité avant les problèmes de santé.« 

Des ondes nocives

Rappelons aussi que les radiofréquences en question sont classées comme « potentiellement cancérogènes pour l’humain« , par l’Organisation Mondiale de la Santé. De plus, une étude américaine, menée par les chercheurs S. Milham et L. Morgan, publiée en août 2008 dans l’American Journal of Industrial Medecine, a démontré que l’augmentation du risque de cancers était de 21 % chez des professeurs ayant enseigné pendant un an dans une classe soumise aux CPL (3).

Principe de précaution : pas en France

En France, sans même parler de « Linky », l’exposition aux ondes est de plus en plus forte, et multiplie déjà les cas d’hyper électrosensibilité. En l’absence d’études plus poussées, sur l’impact des CPL et de ces compteurs, l’urgence est d’appliquer le principe de précaution et de stopper le développement de cette famille d’appareils.

Une fois encore, pourquoi ne suit-on pas l’exemple des pays d’Europe du Nord, qui adoptent, dans ces domaines, une attitude plus prudente et frappée au coin du bon sens ?

Ainsi, la Suède, la Norvège, mais aussi la Suisse, ont fortement réglementé l’utilisation du CPL. Cette technologie est même parfois interdite dans les écoles et les hôpitaux. De son côté, l’OTAN réclame une réglementation limitant les puissances émises par les CPL, constatant des perturbations de ses communications ondes courtes à proximité de réseaux CPL (4).

Enfin, en Allemagne, le ministère de l’Économie a fait machine arrière, annonçant, le 9 février, que ces compteurs ne seraient rendus obligatoires que pour les foyers fortement consommateurs d’électricité (plus de 6000 kilowattheures par an). Autant dire qu’il enterre le dossier, puisqu’avec de telles puissances, l’obligation ne touchera qu’une minorité de ménages.

Dans l’Hexagone, nos pouvoirs publics, dans un élan d’extrême courage (sic), se sont bornés à saisir l’Agence nationale de sécurité de l’environnement (Anses) – dont l’indépendance est sujette à caution – pour évaluer les risques. Un rapport devrait voir le jour, d’ici la fin de l’année, seulement.

Une loi sans contrainte

La loi de transition énergétique, promulguée en août dernier, instaure le déploiement de 35 millions de compteurs électriques « Linky ». Elle concerne tous les abonnements de moins de 36 kVa (kilovoltampère), particuliers et professionnels. Mais, devant la grogne relayée par les associations citoyennes, les sanctions initialement prévues en cas de refus (1500 € d’amende) ont été retirées du texte. Il est donc possible de refuser le compteur « Linky » !

Le pouvoir des municipalités

Les municipalités ont un rôle clé dans cette affaire, car les compteurs électriques sont la propriété des communes et non des particuliers chez qui ils sont installés. Elles peuvent donc s’opposer au déploiement de ces compteurs « intelligents » par simple délibération du conseil municipal.

Une vague de refus qui enfle

Fin février, plus d’une vingtaine de communes avaient déjà fait barrage à l’installation des compteurs « Linky », et d’autres sont sur le point de le faire.

Saint-Macaire, en Gironde, fut l’une des premières. Le conseil municipal a voté le refus de l’installation de « Linky », mais aussi de « Gazpar », son petit frère pour le gaz. Et puis, les poches de résistances se sont multipliées avec des collectifs citoyens ou des groupes de parents d’élèves qui font pression sur les élus. L’initiative touche l’ensemble du territoire, jusqu’aux portes de notre magazine, puisque la commune de Varennes-sur-Seine, située à quelques kilomètres de nos bureaux, a, elle aussi, refusé l’installation de « Linky » par délibération du conseil municipal.

La responsabilité des maires

Un argument choc, qui devrait décider plus d’un maire, est le fait qu’aucune assurance ne couvre les dommages provoqués par les rayonnements électromagnétiques. Si un incendie est provoqué par ce nouveau système, ou si vous démontrez que des dommages corporels ont été causés par « Linky », vous pouvez attaquer en justice la commune, propriétaire du compteur…

Comment agir ?

En résumé, vous pouvez déjà, à titre individuel, refuser ces compteurs, car la loi n’interdit pas explicitement au consommateur de refuser cette installation. Pour cela, il faut signifier clairement votre opposition par une lettre recommandée avec accusé de réception à la société ERDF (voir les modèles sur le site de Robin des toits).

Mais le plus efficace est de rassembler quelques voisins ou membres d’associations et de convaincre l’équipe municipale de voter le refus de « Linky » dans la commune.

« Linky » n’est que la première étape d’une logique d’appareils connectés, car doivent suivre « Gazpar », son alter ego pour le gaz, et les compteurs communicants pour les télé-relevés d’eau.
L’évolution de « Linky » est donc déterminante pour la suite.

PLUS D’INFOS
CRIIREM : Centre de Recherche et d’Information Indépendant sur les Rayonnements Électro Magnétiques non ionisants : www.criirem.org
Association Robin des toits : www.robindestoits.org
Association PRIARTéM (Pour Rassembler, Informer et Agir sur les Risques liés aux Technologies ElectroMagnétiques) : www.priartem.fr
Cyberacteurs, actions citoyennes : www.cyberacteurs.org
UFC-Que choisir : www.quechoisir.org
Site d’infos pratiques réalisé par un élu de Saint-Macaire : refus.linky.gazpar.free.fr

De nombreux lecteurs nous ont écrit pour avoir des confirmations ou des précisions, suite à  son article sur les compteurs Linky. Voici donc les réponses à trois questions essentielles.


NOTES :
(1) L’électrosmog est le brouillard électromagnétique créé par toutes les sources de rayonnements qui nous entourent.
(2) Plage de fréquences CPL pour l’Europe, sources CRIIREM.
(3) Résumé en anglais publié sur Pubmed, PMID : 18512243.
(4) Rapport technique « Interférences HF, procédures et outils« , juin 2007.

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Linky, le refus qui monte

Nous vous avons déjà parlé des compteurs communicants (1) en évoquant notamment les inquiétudes liées à leur impact sur la santé. Devant les interrogations des usagers et l’augmentation du refus de ces objets communicants, nous nous sommes intéressés aux acteurs du mouvement anti-Linky et aux solutions juridiques pour échapper à ces appareils aussi indiscrets que perturbants.

Alerte aux compteurs communicants…

Vous êtes nombreuses et nombreux à nous demander régulièrement des informations concrètes sur les nouveaux compteurs communicants comme le Linky (leurs dangers, comment les refuser, etc.). Stéphane Lhomme, conseiller municipal de la ville de Saint-Macaire, milite contre ces installations depuis plusieurs années. Nous lui laissons la parole.