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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Résistance aux antibiotiques : les virus qui guérissent

Les bactéries résistantes aux antibiotiques sèment le trouble dans les hôpitaux et sont mises sous haute surveillance par les autorités sanitaires. Existe-t-il des alternatives pour traiter des infections qui résistent aux antibiotiques? Peut-être, avec les phages, des virus sans danger pour l’homme mais mortels pour les bactéries et qui pourraient, demain, remplacer les antibiotiques. Reste à maîtriser des méthodes thérapeutiques surprenantes, imaginées en France dans les années 1930 par Félix d’Hérelle, mais appliquées aujourd’hui à l’Institut Elavia de Tbilissi, en Georgie.

Par Sylvaine Passard

Des patients désespérés, infectés par les staphylocoques, sur lesquels les antibiotiques sont sans effet, pour lesquels la médecine ne peut plus rien sauf les amputer du bras ou de la jambe, se pressent à l’institut Evalia de Tbilissi en Georgie. Plusieurs mois de traitement et l’infection est souvent enrayée, le membre sauvé. Mais quel traitement? Des virus antimicrobiens appelés bactériophages, ou phages.

UN TRAITEMENT BIENTÔT CENTENAIRE
Les phages ont été découverts en 1915 par le microbiologiste britannique Frederick Twort et redécouverts en 1917 par le Québécois Félix d’Hérelle, qui a toujours affirmé n’avoir pas bénéficié des travaux antérieurs de Twort. À partir des années 1930, les traitements à base de phages se sont multipliés et de nombreux succès ont été rapportés sur les dysenteries, les fièvres thyphoïdes, le choléra… Les phages étaient administrés directement sur les plaies, ou encore par lavements, aérosols et, bien sûr, par voie orale. On donnait des phages en injections intramusculaires, en intra-veineuses et parfois même directement dans les artères ou les organes.
Mais, pris globalement, les résultats obtenus ont été variables : certains traitements, qui ont échoué, ont contribué à détourner la médecine de cette voie thérapeutique, d’autant que les antibiotiques, en plein essor à partir des années 1940, enregistraient de bons résultats. Les échecs thérapeutiques des phages sont essentiellement dus à la précipitation de certains médecins, voire à l’appât du gain de plusieurs entrepreneurs, qui ont mis au point des mélanges de phages supposés miracles. La plupart d’entre eux ignoraient la biologie toute en nuance des phages. Des mélanges étaient faits à des concentrations approximatives et ils étaient donnés à des patients dont le statut bactériologique était inconnu. Enfin, très peu de ces études conduites dans les années 1930 jusque dans les années 1950 étaient menées contre placebo.

UN ESPOIR SÉRIEUX
La fabrication d’un antimicrobien à base de phages est délicate. En effet, pour se multiplier, le virus bactériophage a besoin d’infecter une bactérie pathogène. Il se reproduit alors à l’intérieur de son hôte. Lorsque la prolifération est à son maximum, la bactérie explose, libérant de nombreux virus phages. Pour obtenir le virus efficace, qui est sans danger pour l’homme, il faut procéder à une série de filtrations. Cette technologie est maîtrisée par une entreprise américaine, Intralytix (Baltimore). En France, le Dr. Jean-François Vieu, de l’Institut Pasteur, avait, dans les années 1970, préparé des phages pour des traitements au cas par cas. L‘Institut poursuit son travail de recherches avec notamment un centre d’identification installé à Bruxelles.

Mais les processus et les traitements sont bien maîtrisés par des instituts de recherche en Pologne et en Georgie. Les Polonais ont pu traiter ces dernières années plusieurs centaines de cas d’infections résistantes aux antibiotiques, allant d’infections respiratoires aux péritonites et aux septicémies. Les taux de réussite vont de 75 à 100% selon les maladies (92% en moyenne).

TBILISSI À LA POINTE
Les Géorgiens sont considérés comme les meilleurs spécialistes mondiaux des phages, en raison d’une histoire particulière. Les scientifiques de ce pays ont réussi à formuler des préparations actives contre plus de 70% des staphylocoques, 60% des streptocoques et 80% des entérocoques. Chaque année, des gains sont réalisés contre de nouvelles ou anciennes souches bactériennes. L’effort se porte sur les infections nosocomiales. «Comme les phages infectent uniquement des sous groupes précis de bactéries, ils ne peuvent pas infecter une cellule humaine», dit le Pr Sylvain Moineau du département de biochimie et de microbiologie de l’Université Laval, à Québec (Canada), cité par Impact Campus. «Il n’y a donc aucun danger pour l’humain. Ce que les gens ne savent pas, c’est que l’on mange régulièrement des phages. Il y en a dans l’eau, dans la nourriture, et même dans notre intestin. Ce n’est donc vraiment pas nocif pour la santé», souligne le professeur.

Les phages représentent un espoir pour s’affranchir des résistances que développent les bactéries aux antibiotiques. En effet, plusieurs types de phages sont sélectionnés pour infecter une bactérie donnée, mais en utilisant des portes d’entrées différentes. Ainsi, même si une bactérie devient résistante à un phage, les autres peuvent l’infecter. En plus, avec les phages, la résistance éventuelle des bactéries aux phages est rapidement surmontée, alors qu’il faut des années pour trouver un antibiotique efficace sur une bactérie devenue résistante. Cela s’explique par le fait que les bactéries et les phages évoluent ensemble. Lorsqu’une bactérie devient résistante à un type de phages, les virus mutent à leur tour en quelques jours pour surmonter les défenses de la bactérie. À ce jeu du chat et de la souris, ils gagnent pratiquement à tous les coups.

Aujourd’hui, partout dans le monde, des chercheurs et des laboratoires redécouvrent le potentiel des phages. À Tbilissi, où officient les meilleurs spécialistes mondiaux, se pressent non seulement des patients désespérés, mais de plus en plus de chercheurs et de médecins venus recueillir les fruits du savoir exporté par Félix d’Hérelle et George Elavia.

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