Les troubles fonctionnels intestinaux (TFI), ou quand le tube digestif entre en rébellion

Quoi de plus banal que de souffrir de temps en temps de douleurs abdominales, de ballonnements, de gargouillis ou d’une constipation ? Autant de symptômes digestifs qui deviennent en revanche difficiles à supporter lorsqu’ils persistent plusieurs mois d’affilée. Ce sont les « troubles fonctionnels intestinaux ».

Soyons clair : il est tout à fait naturel d’avoir des symptômes digestifs dans la mesure où l’appareil digestif réclame, pour bien fonctionner, une musculature particulière lui permettant de véhiculer les futures matières fécales jusqu’au rectum, au prix de « reptation » du tube digestif, et des gaz (produits par la fermentation alimentaire) faisant office de piston sur les matières. N’oublions pas non plus que le tube digestif constitue un second cerveau si l’on considère le nombre de neurones nécessaires à son bon fonctionnement. Un tube digestif qui échange en permanence des informations avec le cerveau et la moelle épinière grâce à de nombreuses connexions nerveuses. « Sentir » ses intestins de temps en temps est donc normal !

Impact sur la qualité de vie

Il n’y a pas de transit intestinal efficace sans un minimum de con­tractions musculaires et de gaz. Pour autant, ces symptômes peuvent constituer une gêne facilement compréhensible quand ils devien­nent fréquents, particulièrement douloureux… ou sonores. 60 % de la population présenteraient en effet l’un de ces symptômes au moins une fois dans l’année écoulée et un tiers d’entre eux, chaque mois. Chez d’autres, en revanche, plus qu’une simple gêne, ces symptômes constituent un véritable handicap. En effet, pour 5 à 20 % de la population, en majorité entre 20 et 60 ans, ces symptômes sont intenses et ont persisté au moins pendant 3 mois dans l’année écoulée. Des troubles digestifs qui s’avèrent invalidants et qui ont un fort impact sur la qualité de vie. Ce sont les « troubles fonctionnels intestinaux » ou TFI*, qui concernent 2 fois plus souvent les femmes que les hommes. Quant au stress, fréquemment invoqué dans l’apparition des TFI, il constitue un « terrain favorable » à leur émergence mais ne suffit pas à tout expliquer à lui seul.

*Connus également sous l’appellation de « colopathie fonctionnelle », « syndrome de l’intestin irritable » ou encore « colite spasmodique ».

Douleurs surtout

Si tous les symptômes peuvent être gênants, ce sont surtout les douleurs (spasmes, contractions, brûlures…) qui constituent le symptôme de TFI le plus mal toléré. Dans certains cas, les douleurs sont soulagées par la défécation. Du côté transit justement, le malade peut alterner entre tendance à la diarrhée (plus de trois selles par jour) ou constipation (moins de trois selles par semaine). Enfin, on constate parfois des troubles de l’évacuation rectale, avec une impériosité (besoin impérieux d’aller à la selle) et une sensation d’évacuation rectale incomplète très désagréable.

Hypersensibilité du tube digestif

Même si la composante psychique peut être évoquée dans la survenue de symptômes digestifs (stress des examens), les TFI constituent une véritable pathologie digestive qui n’a rien de psychosomatique. Bien qu’encore mystérieux – certains chercheurs incriminent la sérotonine, un neuromédiateur – les TFI seraient liés à une hypersensibilité intestinale et plus exactement à une inflammation microscopique chronique du tube digestif, non détectable par les examens habituels. Une micro-inflammation qui va irriter les neurones et provoquer des douleurs chroniques qui vont dérégler les mécanismes de contrôle de la douleur au niveau du cerveau et de la moelle épinière. Un dérèglement du contrôle de la douleur qui va pérenniser les troubles de la sensibilité intestinale. Vous l’aurez compris : un cercle vicieux s’installe où l’hypersensibilité intestinale provoque des douleurs contre lesquelles le cerveau, impuissant, va réagir en augmentant la sensation douloureuse !

Diagnostic clinique

Le diagnostic des TFI est purement clinique et s’établit lorsque plusieurs symptômes digestifs sont présents et persistants plus de 3 mois dans l’année. Un seul signe, comme la constipation chronique, ne permet pas de poser le diagnostic avec certitude. Il n’y a pas de nécessité de faire des examens de sang et encore moins d’imagerie. La colonoscopie n’est donc pas systématique. Pour autant, le bilan doit être personnalisé et une colonoscopie peut être prescrite pour éliminer certaines pathologies comme le cancer du côlon, lorsque les symptômes sont atypiques (saignement dans les selles, présence de pus ou de glaires, douleurs nocturnes) ou lorsqu’il existe des facteurs de risque de cancer du côlon. Autres pathologies à éliminer, les allergies et intolérances alimentaires (gluten et caséine en particulier) qui peuvent s’avérer riches en manifestations digestives ainsi que l’intolérance au lactose (des produits laitiers) qui concerne 20 % de la population.

Un traitement symptomatique…

Le traitement des TFI est essentiellement symptomatique et repose notamment sur les médicaments antispasmodiques (type Spasfon), même s’ils ne sont pas toujours efficaces, et si besoin sur les traitements médicamenteux du transit. En cas d’échec, certains médecins proposent le recours aux antidépresseurs tricycliques à faibles doses qui vont agir sur les mécanismes de contrôle de la douleur. Reste les probiotiques (ferments lactiques) qui semblent efficaces sur le long terme. Côté médecines traditionnelles, l’hypnose et les techniques de relaxation donnent également de bons résultats.

… Et une alimentation normale

Côté alimentation, l’éviction efficace du gluten ou de la caséine permet de suspecter une allergie ou une intolérance (il ne s’agit donc pas d’un TFI à proprement parler). Sinon, il ne faut rien changer à ses habitudes quand on mange de manière équilibrée et éviter la tentation d’un apport trop important en fibres qui, si elles soulagent effectivement en cas de constipation, exposent à des ballonnements du fait d’une production de gaz conséquente.

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