Biosphère urbaine, pour un futur sobre et désirable

Vivre en étant le plus autonome possible et en réduisant au maximum son impact écologique, c’est le défi que lance le projet Biosphère urbaine. Dans un appartement en ville, un jeune couple va expérimenter des modes de vie résilients avec des solutions simples – des low-techs – pour vivre en consommant le juste nécessaire, mais sans austérité.
Ce rêve est celui d’un jeune ingénieur, écolo dans l’âme, Corentin de Chatelperron, qui avait déjà vécu, en 2020, en autonomie complète pendant quatre mois sur une plateforme flottante en Thaïlande. Trois ans plus tard, il relançait l’expérience avec la Biosphère du désert. Sur 60 m2, l’écosystème de cet habitat ne générait plus de déchets, mais des ressources. Sous le soleil du désert mexicain, on y expérimentait la culture de champignons, de plantes et d’algues, à l’aide de matériaux biosourcés. L’énergie était uniquement solaire, l’eau, utilisée en circuit fermé, pour une vie autonome avec un impact minimum sur les ressources naturelles. L’aventure a donné lieu à une web-série et un documentaire diffusés cette année sur Arte.
Aujourd’hui, l’aventure prend un autre tour avec une équipe étoffée et une expérience plus vaste. Ces solutions d’autonomie, simples et accessibles, vont être mises à l’épreuve de la ville, dans un logement situé à Boulogne, en région parisienne. Rien à voir avec une bulle fermée qui pourrait se transplanter sur une autre planète. L’appartement futuriste low-tech, s’il vise l’autonomie, est relié à un écosystème d’une vingtaine d’acteurs de différents domaines pour échanger des services et des denrées. Pour tirer les meilleurs enseignements de cette expérience, des dizaines d’experts sont mobilisés, du nutritionniste au sociologue en passant par des spécialistes du vivant ou de la cuisine écologique. Nous avons rencontré Emma Bousquet, ingénieure en charge du programme de science participative de la Biosphère urbaine.
Quel est l’objectif de ce projet ?
Emma Bousquet : Il s’agit de repenser nos modes de vie en ville, pour voir comment, dans le futur, on peut vivre tous ensemble sur un même territoire en réduisant notre impact carbone à 2 tonnes par an, par individu, en divisant par 10 la consommation d’eau, en étant « zéro déchet », mais avec une vie désirable.
Cela se passe comment ?
L’expérience se déroule dans un appartement de 26 m2, qui est occupé par Corentin et Caroline, pour une expérience de quatre mois, de mi-juillet à mi-novembre. Autour de cet appartement, il y a des acteurs du territoire, des citoyens ou des professionnels qui, eux-mêmes, expérimentent des low-techs chez eux, pour étudier les liens et les interactions qu’il pourrait y avoir entre les habitants de la biosphère et les personnes du voisinage.
Comment atteignez-vous ces objectifs de sobriété ?
On a, par exemple, totalement repensé la douche. En moyenne, en France, on consomme 35 à 60 litres d’eau par jour pour la douche. On va descendre à 5 ou 6 litres. C’est possible, car on a réalisé un chauffe-eau particulier de 2 litres. Il fournit une douche chaude de 2 litres, puis l’eau devient progressivement froide pour dépenser au total 5 ou 6 litres. La douche est équipée de plusieurs buses micro-perforées qui pulvérisent l’eau en diminuant la consommation. C’est agréable de finir par l’eau froide et c’est bon pour la santé. Ça change un peu nos habitudes, mais c’est intéressant.
L’alimentation est produite partiellement dans la biosphère, de quelle façon ?
D’abord, il y a de la bioponie, une culture hors-sol où les racines des plantes sont dans l’eau avec les nutriments nécessaires. On y cultive des légumes-feuilles qui poussent rapidement. Ils sont riches en nutriments, en vitamines, en fibres. L’eau qui circule en circuit fermé est filtrée et additionnée d’un peu d’urine qui apporte de l’azote et donc de l’engrais et, au passage, recycle un déchet qui devient une ressource. Il y a aussi une culture de spiruline dans l’appartement pour avoir des apports en protéines et en fer, notamment.
Vous cultivez également des champignons comestibles…
On utilise la brumisation de la douche pour faire pousser des champignons, car ils adorent les atmosphères humides. Des tours de pleurotes sont suspendues tout près de la douche. Pour les faire pousser, une buse asperge une fois par jour ces champignons qui ont un intérêt gustatif et nutritif et qui apportent des textures différentes à l’alimentation.
Des insectes sont aussi au menu de la biosphère…
Un élevage de grillons comestibles apporte la vitamine B12, c’est souvent ce qui manque aux végétariens.
L’intérêt est qu’il faut peu de place pour les élever et ils sont peu gourmands en eau. C’est très agréable d’avoir des grillons chez soi, parce que ça chante. C’est intéressant à observer, car il se passe toujours plein de choses à l’intérieur de ces boîtes.
Comment ça se passe pour les déchets ?
On cherche à les valoriser. Les déchets générés par la cuisine, par exemple, sont broyés puis digérés par des larves de mouches soldats noires. C’est comme du lombricompost, sauf que ces larves sont hyper efficaces et mangent énormément. En deux semaines, elles divisent par cinq le volume des déchets. Elles produisent un compost très nutritif pour les plantes. Le même principe est appliqué pour transformer les déchets des toilettes sèches. Et on peut donner ces résidus à la ferme pour le répandre sur ses terres. Quant aux larves, au bout d’un moment, soit elles donnent des mouches et se reproduisent, soit on les donne comme nourriture animale pour les poules de la ferme.
La ferme est donc un partenaire du réseau autour de la biosphère ?
Exactement, car on vise une autonomie collective. Nous avons un partenariat basé sur le woofing avec une ferme bio. C’est un échange de services sans circulation d’argent. Corentin et Caroline se rendent une fois par semaine à la ferme pour aider trois ou quatre heures les maraîchers, et repartent avec leurs légumes et des œufs pour la semaine. La ferme est située à quelques kilomètres de Boulogne, donc accessible à vélo. Il y a aussi une épicerie participative sur ce territoire. Elle fournit les aliments et les objets qui ne sont pas produits dans l’appartement : céréales, légumineuses, fruits, produits d’hygiène, etc. Les produits sont les plus locaux possibles et vendus à prix coûtant, puisque l’épicerie est associative.
Est-ce facile de veiller à l’équilibre des repas avec une telle alimentation ?
Oui, car un nutritionniste suit l’expérience depuis la première biosphère. Il nous a donné des outils pour calculer les apports en différents éléments, en fonction des besoins des occupants et pour rester en parfaite santé.
Il y a quand même de l’électricité ?
L’appartement n’est pas relié au réseau EDF. L’électricité est générée par des panneaux solaires photovoltaïques. Une petite batterie stocke les excès pour avoir, par exemple, la lumière le soir. Pour faire la cuisine, il y a du biogaz produit par un méthaniseur alimenté par des déchets organiques.
Des volontaires vont également tester des dispositifs de la biosphère…
C’est le volet science participative. L’idée, c’est d’avoir des retours d’expérience de volontaires qui vont tester des low-techs dans leur quotidien. L’expérience à Boulogne semble un peu extrême, dans le sens où l’on change totalement de mode de vie. On cherche à savoir également si des citoyens peuvent intégrer chez eux une ou deux low-techs, et voir comment ils peuvent se les approprier.
Des exemples de low-techs testées ?
8 missions low-techs sont testées chez des particuliers. Il y a, par exemple, la douche à brumisation, ou bien l’élevage de grillons comestibles. L’idée, c’est de tester l’élevage, mais aussi la consommation. Nous fournissons des livres de recettes pour inspirer les gens, mais l’idée, c’est qu’ils puissent inventer de nouvelles recettes. Il y aura des concours de recettes durant l’expérience et les meilleures seront ajoutées à notre livret de recettes de base.
Qu’est-ce qui vous motive dans cette aventure ?
C’est le volet qui nous fait passer à l’échelle collective, le premier projet biosphère où l’on essaye d’ouvrir l’expérience aux gens, dans leur quotidien. On a envie de comprendre comment ils le vivent, quels sont les freins à lever et les leviers à mettre en place pour développer les low-techs à une échelle plus grande.
UNE LOW-TECH, QU’EST-CE QUE C’EST ?
Littéralement « basse technologie », les low-techs représentent des objets, des systèmes ou des pratiques simples, que tout le monde peut s’approprier.
Une low-tech est :
– Utile, elle répond à des besoins essentiels de l’individu ou du collectif
– Accessible, elle est appropriable par le plus grand nombre, elle peut être fabriquée et/ou réparée localement et le plus simplement possible
– Durable, éco-conçue, résiliente, robuste, réparable, recyclable, agile, fonctionnelle.
(D’après le Low-tech Lab)
POUR EN SAVOIR PLUS
www.biosphere-experience.org
www.lowtechlab.org
Crédit photo : Biosphèpre
Pour lire la suite
Avec Rebelle-Santé, découvrez les bienfaits de la santé naturelle et des médecines douces !
Notre magazine est totalement indépendant, chaque article est soigneusement rédigé (par des humains) dans votre intérêt exclusif. Aucune publicité déguisée.
En vous abonnant, vous aurez accès à près de 11 000 articles et 45 nouveaux articles chaque mois.
Déjà abonné·e, connectez-vous !