La transition écologique appliquée au territoire
Entretien avec Pierre Leroy

C’est à Puy-Saint-André, un village perché dans les Hautes-Alpes au milieu des forêts de mélèzes, que Pierre Leroy a élu domicile avant de devenir maire de 2008 à 2020, puis vice-président de la communauté de communes du Briançonnais et président de l’Association du Pays du Grand Briançonnais, des Écrins au Queyras. Dans Passage délicat, penser et panser le territoire*, l’ancien élu retrace son parcours et montre comment il a pu transformer cette petite commune de 500 habitants en laboratoire modèle de la transition écologique et solidaire.
Militant écologiste depuis les années 1980, Pierre Leroy a d’abord été infirmier, moniteur éducateur spécialisé, puis cadre de santé à l’hôpital de Briançon avant de s’installer dans la montagne. Cet homme engagé, profondément attaché à la démocratie, mise sur le consensus et entend dépasser les clivages politiques.
Rebelle-Santé : En 2017, vous comptiez déjà parmi les six élus de territoires ruraux dont le parcours était présenté dans le livre de Mathieu Rivat Ces maires qui changent tout. Qu’est-ce qui vous a conduit à écrire vous-même ?
Pierre Leroy : Au départ, c’était simplement une commande. Mes éditeurs ont insisté pendant trois ans et j’ai finalement accepté quand est arrivé le premier confinement. Ils souhaitaient que je témoigne de mon expérience.
Ce livre, je l’ai aussi conçu comme un outil mis à disposition pour engager le changement et inciter à agir. Il a une forme atypique : on y trouve de l’histoire, de la géographie, une partie technique, un témoignage autobiographique. Ce mélange me correspond assez bien, je ne supporte pas qu’on me mette dans une case.
“Penser et panser le territoire”, en quoi la métaphore de la santé est-elle éclairante pour expliquer votre engagement écologique et politique ?
En réfléchissant à mon parcours, j’ai cherché les éléments déclencheurs qui ont motivé mon engagement. Même si ce n’est pas le seul élément, la confrontation à la maladie, que ce soient celle de ma femme ou celles dont souffraient les enfants avec qui j’ai travaillé quand j’étais moniteur éducateur spécialisé, a modifié mon regard. Ce sont des passages délicats qui m’ont fait prendre conscience de la fragilité et de la préciosité de la vie. La vulnérabilité entraîne tout un questionnement plus fondamental : qu’est-ce que la santé, la maladie, la résilience…
La santé environnementale a un impact sur nos vies. Et mon parcours de soignant m’a apporté des outils pour établir un diagnostic, une lecture de notre société qui doit faire face à ses multiples crises conjuguées. Il m’a donné envie d’agir, de “prendre soin”, selon le principe du “care” qui s’applique aussi bien au territoire qu’aux humains.
Vous accordez beaucoup d’importance au rôle de l’histoire sur l’identité d’un territoire, à “ce qui fait source et ce qui fait sens”. Pourquoi ?
Parce qu’on ne peut pas s’installer sur un territoire et imposer sa marque sans tenir compte du passé. L’histoire a sculpté, transformé et ajusté les paysages, façonnant nos modes de vie et nos modes de pensée. Même inconsciemment, même si on n’est pas originaire du lieu, les citoyens vivant sur un territoire héritent de son histoire. Cette transmission les construit. On ne peut pas arriver sur un territoire avec des solutions toutes faites et souvent inadaptées. En témoignant de mon expérience, j’insiste aussi pour dire qu’elle n’est pas duplicable. Avant d’agir, il faut diagnostiquer les besoins à tous les niveaux pour comprendre comment composer avec l’ensemble des humains et des non-humains sur un territoire donné. C’est une identité au sens noble du terme, l’avenir s’ajuste en lien avec le passé.
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