Du pétrole dans votre assiette ? L’hexane, un solvant présent partout

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L’hexane, c’est un dérivé du pétrole utilisé comme solvant dans la fabrication d’huiles. Il a la particularité d’attirer le gras et permet donc d’extraire davantage d’huile des différentes graines, que ce soit de l’huile alimentaire, ou bien celle qu’on utilise comme carburant. Avec l’hexane, le rendement obtenu avec des graines de soja, de colza ou de tournesol augmente de 20 %. On l’emploie à ce titre depuis les années 1930. D’autres solvants permettent aussi d’amplifier ainsi l’extraction d’huile, mais l’hexane a l’avantage d’être un résidu, déchet de la fabrication d’essence, il est donc très peu onéreux. Mais il a quelques inconvénients de taille : il est suspecté de perturber le système endocrinien (la fertilité, par exemple) et se révèle neurotoxique. Et il n’apparaît pas sur les étiquettes des produits alimentaires, car considéré comme un « résidu techniquement inévitable ». Pourtant, il existe bel et bien des possibilités de s’en passer… Une équipe de recherche de l’université d’Avignon et de l’INRAE, longtemps dirigée par le professeur Farid Chemat (décédé en 2023), travaille depuis de nombreuses années sur des alternatives à l’hexane. Maryline Vian, professeure de chimie alimentaire à l’université d’Avignon, membre de cette équipe (elle a travaillé pendant 17 ans aux côtés du professeur Chemat), a expliqué aux journalistes de la cellule d’investigation de Radio France que « l’éco-extraction, c’est-à-dire une extraction plus propre, moins chimique, plus qualitative, est sortie de ce laboratoire, il y a 11 ans grâce à Farid Chemat ».

Jusqu’ici, cela n’a pas empêché les industriels de continuer à utiliser de l’hexane dans l’extraction des huiles. Mais peut-être cela va-t-il rapidement changer. Toujours d’après Radio France, le journaliste d’investigation Guillaume Coudray a travaillé sur un ouvrage intitulé De l’essence dans nos assiettes, enquête sur un secret bien huilé (éditions La Découverte), à paraître en septembre prochain. Les taux d’hexane à ne pas dépasser, fixés il y a près de 30 ans, concernent les corps gras, mais seulement les denrées de consommation humaine et pas celles que l’on donne aux animaux d’élevage. Or, des tests réalisés par le chercheur de l’INRAE Valentin Menoury montrent que ce serait important de le faire. Ce dernier étudie depuis 2021 les répercussions de la consommation par les animaux d’élevage de produits contenant de l’hexane. En réalité, les animaux nourris avec des aliments contenant de l’hexane produisent du lait, des œufs et de la viande qui en contiennent aussi. Un laboratoire universitaire et un laboratoire privé ont analysé des aliments achetés au hasard dans des commerces au nord de la France – des huiles et de la margarine, du beurre, mais aussi des œufs et des morceaux de poulet – et, sur 54 échantillons, 25 contenaient des résidus d’hexane. A priori, ce solvant est disséminé un peu partout et il serait sans doute temps de réévaluer très sérieusement sa toxicité, ce qu’envisage l’EFSA (agence sanitaire européenne) depuis septembre 2024, pour éventuellement en réduire enfin l’usage.

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