Le paradis des animaux de ferme

La Ferme du bonheur, c’est son nom, est installée entre la Loire et la forêt d’Orléans. Valérie et Fabrice y accueillent des animaux malades, ou pas assez productifs, et leur offrent une fin de vie paisible, pour le plus grand bonheur des animaux… et des fermiers.

Bienvenue à la Ferme du bonheur !


L’ânon Fabuleux, César et Mimosa

Quand on arrive à la ferme, il faut bien refermer le portail derrière soi, car, une fois entré dans l’enceinte, on se retrouve avec des animaux qui se baladent en liberté. Un cochon aux allures de bouledogue vous file quasiment entre les jambes tandis qu’un groupe de poules aux pattes plumées vous observe l’air perplexe. Puis vous croisez des canards, dindons, oies et autres animaux de basse-cour de variétés peu communes. Et quand vous vous approchez de la mare, grand lieu de rendez-vous des chèvres, boucs et volatiles, les chèvres viennent à votre rencontre et Rosalie vous suit comme un toutou. De même, l’âne César viendra vous donner un coup de tête amical et la jument Chikita se frottera à vous comme le ferait un chat… de plus de 500 kilos.

D’abord des chevaux d’attelage

C’est l’amour des animaux qui a poussé Valérie et Fabrice Moriceau à quitter la ville pour s’installer à Bray-en-Val, non loin de Sully-sur-Loire. Ils y ont créé cette ferme qui recueille les animaux mal en point ou hors circuit. Ici, les mammifères et les volatiles trouvent une vie paisible avant de mourir de leur belle mort.

Au début, ce sont les chevaux d’attelage qui passionnaient Valérie et Fabrice (le couple rêvait de se marier en calèche). On leur a offert une calèche, ils ont acheté un premier cheval de race Mérens, puis au fil des rencontres, on a commencé à leur proposer des animaux.


Valérie et Chikita

Valérie se souvient de l’arrivée de la jument Chikita. « Elle avait été retirée de chez un maquignon par une association. Elle était maltraitée, traumatisée, il n’était pas possible de lui mettre un licol (les sangles sur la tête). » Avec de l’amour et beaucoup de patience, le couple a réussi à redonner confiance à la jument. Trois semaines après son arrivée à la ferme, Chikita promenait des enfants sur son dos.

Des animaux « cabossés » ou délaissés

Progressivement, les propositions d’animaux se sont faites plus nombreuses et, rapidement, dans la région, la Ferme du bonheur a été identifiée comme une « maison d’accueil pour animaux de ferme en perdition ». Jusqu’aux gendarmes qui les dérangent parfois en pleine nuit lorsqu’ils récupèrent un animal abandonné ou échappé d’une exploitation.

Pour d’autres bêtes, il s’agit de cessation d’activité, ou d’animaux plus assez performants. C’est ce qui est arrivé à la jument Baïka qui venait d’un grand haras de la région parisienne. Fille de grands chevaux de course, Baïka était devenue trotteuse, mais ne réalisait plus de chronos assez bons. Ses propriétaires la destinaient à la boucherie. Nos fermiers l’ont rachetée au prix de la viande…

Rien ne destinait le couple à se lancer dans l’aventure

Ni l’un, ni l’autre n’est issu d’une famille de paysans, ils habitaient même en ville d’avant d’acheter la ferme. Fabrice est chauffeur-livreur d’une société orléanaise, Valérie est agent de service hospitalier et travaille en horaires décalés.

Mais il ont en commun, depuis toujours, la passion des animaux. Ils ont conservé leur emploi et consacrent presque la totalité de leur temps libre, et de leurs revenus, à faire tourner la ferme. N’étant pas du métier, quand un nouvel animal arrive, Valérie achète un livre sur le sujet pour tout savoir et, surtout, elle écoute les conseils des Anciens. « Pour faire monter un âne dans le camion, un vieux paysan nous a donné le truc : il faut lui mettre une première patte dans le camion, ensuite il y va« .

Réseau d’entraide autour de la ferme

La commune de Bray-en-Val leur a donné le terrain avec la mare jouxtant la ferme. En pratiquant l’éco pâturage, les moutons sont placés dans des fermes aux alentours pour tondre les prés tout en se nourrissant. D’autres voisins mettent à disposition des prairies pour accueillir les chevaux, taureaux et ânes qui nécessitent davantage de terrain.

Pour nourrir tous ces animaux – ce qui n’est pas une mince affaire –  là encore, c’est la solidarité qui joue, car il n’est pas question de donner des granulés et encore moins de la farine animale aux pensionnaires de la ferme.

Des agriculteurs, devenus des amis, donnent des légumes abîmés ou en surplus (pommes de terre, betteraves, etc.), une grande surface offre également des fruits et des légumes qui ne sont plus présentables, la boulangère apporte le pain qu’elle n’a pas vendu, les habitants du village déposent des épluchures… Et Valérie et Fabrice achètent à des agriculteurs de la région des céréales et du fourrage pour nourrir tout ce petit monde. Cet été, ils ont fait rentrer 23 tonnes de foin, mais il n’y en aura pas assez pour tenir jusqu’au printemps prochain…

Calèches et foires agricoles


Fête des Moulins à Chapelon

Pour faire tourner la ferme, les salaires des deux époux ne suffisent pas, alors les fins de semaine, ils proposent leurs attelages et leurs calèches pour des mariages ou des événements festifs. La Ferme du bonheur figure aussi dans plusieurs manifestations de la région Centre, où l’on peut retrouver quelques-uns de leurs animaux, ainsi que dans des animations agricoles lors de présentation de leur « mini ferme ». C’est une petite consolation, car la ferme n’est pas ouverte au public. Elle aurait pu recevoir des visites, mais, pour Valérie, les obstacles étaient trop grands. « Le Conseil Général nous avait proposé de faire une ferme pédagogique, mais quand on a vu tous les aménagements qu’il fallait faire pour respecter les normes, on a renoncé. On n’avait tout simplement pas les moyens« . Ah, les fameuses normes, qui étouffent nos campagnes…

Avec toutes ces occupations, nos 2 fermiers ont des journées bien remplies, et n’imaginez pas qu’ils lâchent tout ça pour partir un bon mois en vacances. C’est difficile de trouver des personnes de confiance pour s’occuper des animaux. Mais, en plus, au bout d’une semaine de vacances, Valérie et Fabrice s’ennuient de leurs animaux ! L’été dernier, ils sont partis 5 jours mais ils étaient ravis, à la fin, de retrouver leur « famille » à la ferme. Ils ont su transmettre cette passion à leurs enfants qui connaissent tous les animaux par leur nom. Surtout le petit dernier. Lorsqu’il avait 4 ans, il disparaissait de temps en temps. Ses parents le retrouvaient en train d’essayer de monter sur un poney après s’être juché sur une caisse pour être à la hauteur. La relève devrait être assurée !

Un taureau docile

Et, comme dans chaque groupe, il y a un chouchou… À la Ferme du bonheur, le préféré de Valérie, c’est Diamant. Ce superbe taureau de l’île de Jersey est arrivé bien mal en point. Il était chez un éleveur qui devait l’abattre, car la vache qui l’avait mis au monde lui était montée sur le bassin. Fabrice a récupéré l’animal. Le vétérinaire l’a soigné et Valérie s’est occupée de lui, le forçant à se lever 15 à 20 fois par jour ! Ses efforts ont été récompensés puisque le taureau a recouvré la santé et obéit désormais pratiquement au doigt et à l’œil, bien qu’il soit d’une race réputée agressive. Un soir où Diamant s’était échappé du pré pour se retrouver sur la route, Fabrice a réussi à faire rentrer l’animal tout simplement en le sifflant comme on le fait avec un chien.

Aujourd’hui, la Ferme du bonheur reçoit trop de demandes pour accueillir de nouveaux animaux, raison pour laquelle on ne trouve pas de site internet de la ferme ; le bouche-à-oreille fonctionne trop bien !
Valérie a un faible pour les animaux d’espèces peu ordinaires (elle a déjà un cochon Kuni Kuni, des canards coureurs indiens, des oies de Guinée, ou des poules Brahma). Elle aimerait maintenant avoir des moutons du Cameroun qui n’ont pas besoin d’être tondus. Mais son vrai rêve, c’est d’avoir un perroquet Ara. Il y a quelques années, elle a eu un couple de cacatoès qui était très heureux, mais à la mort du mâle, la femelle s’est laissée dépérir. Alors, avis aux lecteurs qui auraient un perroquet à lui donner.
Ce n’est pas un animal de ferme. Mais chut ! Ne le dites à personne…

Pour contacter Valérie et Fabrice : la.fermedubonheur@orange.fr

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