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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Les Jardins Rocambole : du bio productif et poétique

Une BD pour faire connaissance avec une figure de l’agriculture biologique en Bretagne

Du bio et du beau. Les Jardins Rocambole ont été créés en 2012 à Corps-Nuds, en Ille-et-Vilaine, sur une parcelle de l’ancienne ferme de Luc Bienvenu. À l’issue de trente années dans cette exploitation, l’ancien maraîcher bio a choisi de se reconvertir pour offrir au public un des plus beaux jardins de France. Classé « Jardin remarquable » en 2018, ce lieu à vocation pédagogique et artistique associe cultures paysagères et potagères à l’image de ce paysan-artiste hors du commun.

C’est par une BD que nous faisons la connaissance de Luc Bienvenu, pionnier de l’agriculture biologique en Bretagne malicieusement croqué par Laurent Houssin, un collaborateur de Fluide Glacial qui, il y a quatre ans, suivait ses cours de jardinage au potager des Jardins Rocambole. Tout à la fois sérieux et fantasque, avec son énergie débordante et sa passion communicatrice, le sexagénaire retrace son parcours atypique et défriche sa pratique maraîchère en bousculant les idées reçues.

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Rebelle-Santé : Comment êtes-vous devenu maraîcher bio ?

*Luc Bienvenu : Je viens d’un milieu plutôt bourgeois, éloigné du monde paysan, mais j’ai toujours été attiré par la nature et, pendant les vacances d’été, quand j’étais encore au lycée, j’ai commencé par aller en stage chez un producteur bio qui était peut-être le premier installé en Ille-et-Vilaine. Puis j’ai fait une licence de biologie végétale à la fac de Rennes. 

À l’époque, j’étais un militant écologiste très engagé contre les marées noires et dans le mouvement antinucléaire, notamment contre le projet d’installation de la centrale de Plogoff dans le Finistère. Quand je suis monté à Paris pour poursuivre mes études, je me suis finalement installé pendant un an et demi au Château de Chamarande dans l’Essonne. Aujourd’hui, c’est devenu un lieu d’art contemporain, mais, pendant une dizaine d’années, le domaine regroupait autour de l’écologie et du bien-être toutes sortes d’associations comme Nature et Progrès, La Fédération naturelle de Yoga, Études et chantiers… et même une troupe de théâtre. J’ai participé alors à l’Université verte qui s’occupait d’organiser des stages et d’accueillir des gens pour réfléchir sur l’écologie au sens large. 

C’était un lieu un peu hors du temps, utopiste : j’y ai rencontré beaucoup de personnes, des gens très bien et des fous ; j’y ai eu vent d’un projet vers chez moi en Bretagne, autour de l’installation d’un premier magasin bio à Rennes, qui cherchait un lieu de production à proximité. Nous avons ainsi créé une première association à Corps-Nuds, « Eden », conçue non seulement comme un lieu de production maraîchère, mais aussi un lieu de stages, d’accueil social avec un projet de vie communautaire dans l’esprit post 1968. Ça a tenu 8 ans. En 1981, en prenant pour modèle Les Jardins de Cocagne à Genève, nous avons créé le premier système de « Panier de légumes » en France, avec dix familles pour commencer. C’était bien avant les AMAP (Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne). Mais la production de légumes restait finalement marginale. Au sein de l’association dominait un radicalisme écologique un peu à côté de la plaque et nous étions surtout efficaces pour les missions sociales. Agréés pour les TIG (travaux d’intérêt général), nous accueillions beaucoup de jeunes en rupture, des objecteurs de conscience, des programmes d’alternative à la prison, des associations d’handicapés et d’autistes, et nous proposions toutes sortes de stages sur des disciplines autour de la bio. 

Et ça a périclité ; j’ai alors proposé de racheter la ferme de cinq hectares pour m’installer en maraîchage bio. J’ai complété ma formation à ce moment-là et laissé tomber les activités d’accueil pour me recentrer sur la production de légumes.

À quoi ressemblait votre exploitation maraîchère ?

Je me suis consacré exclusivement au maraîchage bio, avec un statut d’agriculteur pendant vingt ans, de 1989 à 2009. J’ai commencé par embaucher deux salariés, puis je me suis associé en GAEC (groupement agricole d’exploitation en commun) avec un autre maraîcher bio en 1994 (qui est décédé en 2002).

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La coopération entre agriculteurs, c’est la clé. Ainsi, en 1999, nous nous étions également associés à deux autres maraîchers bio de la région sur la vente directe pour mieux répartir la production. Sur trois fermes, nous disposions ainsi de 8 000 m2 de serres et, en plus des marchés, nous avons pu fournir jusqu’à 400 paniers par semaine. La vente directe représentait alors 40 % de notre production, tandis que les 60 % restants étaient écoulés en gros et demi-gros via le réseau Biocoop Scarabée de Rennes, qui est un des plus développés en France.

La BD se concentre sur le Potager et non sur l’ensemble des jardins Rocambole, pourquoi ?

La BD, c’est une idée de Laurent Houssin au départ. Déjà, quand il était venu suivre des cours il y a quatre ans, il prenait toutes ses notes en dessins. Moi, ça m’a tout de suite plu de traiter le sujet de manière décalée, avec du délire et de la poésie. Je ne voulais pas faire un manuel de jardinage, et même si certains passages sont assez techniques, la mise en scène de la déambulation au fil des saisons entre ce couple du formateur et de l’apprenti à la Laurel et Hardy rend l’initiation plus drôle et vivante. 

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Même s’il ne représente aujourd’hui qu’1/7e de la surface totale des jardins, le potager sur 1 000 m2 en reste le cœur nourricier. C’est d’ailleurs à partir de notre potager familial que nous avons développé l’activité pédagogique avec Christine au début. Les espaces paysagers et artistiques que j’ai créés autour me sont plus personnels. 

Pour moi, le jardin est d’abord un moyen d’expression, c’est aussi un projet de vie. Il porte mon histoire. Il faut le visiter. Développer sa créativité avec le végétal ouvre des possibilités infinies. Bien sûr, il n’y a pas non plus une seule manière de faire un potager, mais pour un jardinier amateur, cultiver les légumes est la forme la plus compliquée du jardinage et, avec mon expérience de maraîcher, c’est au potager que je suis capable de transmettre le mieux mes connaissances et mes méthodes. 

Quelle différence faites-vous entre le maraîchage et le jardinage ?

Le maraîchage implique qu’on vive de la vente de ses légumes. Le jardinage, c’est une autoproduction familiale qui peut rester anecdotique si elle consiste à produire trois kilos de tomates dans la saison et qui peut aller jusqu’à une autoproduction complète pour sa consommation. Cette différence est fondamentale. Je rencontre souvent de jeunes amateurs qui ont l’utopie de vendre les surplus de leur production sur les marchés ou, à l’inverse, de jeunes professionnels qui s’épuisent sur des projets en micro installation mal préparés. 

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Même avec un rendement proche du maraîchage, un jardinier est 4 à 5 fois moins rentable qu’un professionnel à cause de la rentabilisation du temps et de l’effort qu’il peut consacrer à cette activité.

Dans la BD, vous vous montrez très critique vis-à-vis de la permaculture, pourquoi ?  

J’ai surtout un regard critique et distancié par rapport aux effets de mode. On parlait déjà de la  permaculture il y a 40 ans, c’était un idéal vers lequel on voulait tous aller et qui a été remis au goût du jour il y a 15 ans avec la création de la ferme du Bec Hellouin. Maintenant, dans mon Jardin, on me demande toujours si je fais de la permaculture. La réponse est oui, d’une certaine manière, mais je n’aime pas appeler ça comme ça, je préfère dire « jardinage biologique ». Car, avec mon expérience, je sais faire le tri. Bien sûr, je partage certains principes de base avec la permaculture, mais il y a aussi des techniques et des approches qui ne m’intéressent pas du tout. 

Ce que je conteste plus que tout, ce sont les idées toutes faites, les modèles théoriques prêts à l’emploi qui prétendent s’appliquer partout et à tout le monde. Au potager, la seule règle, c’est de savoir pourquoi on fait les choses.

La visite des Jardins Rocambole

Les Jardins Rocambole sont ouverts cette année du 28 mai au 31 octobre 2021. Installés sur 8 000 m2, la visite propose une déambulation dans un dédale d’espaces paysagers et artistiques en plus du potager, aménagés au gré de l’imagination fertile de Luc Bienvenu. En chef d’orchestre passé maître dans l’art de la récup’, le jardinier féru de théâtre sait ménager les surprises et effets de sa mise en scène. Sur la saison, une dizaine d’artistes sont invités à exposer à l’extérieur et dans la salle dédiée, sans compter les spectacles. Car ces jardins sont bien plus qu’un lieu pédagogique ou une vitrine végétale. Ils sont tout un univers, un lieu culturel où les gens de tous les milieux et de tous les âges se rencontrent, un lieu de brassage, un lieu de vie majuscule consacré à la nature et à la poésie.

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Les jardins Rocambole – la Lande aux Pitois – 35150 Corps-Nuds. Tél. 02 99 57 68 32
Site internet : www.jardinsrocambole.fr 
Pour vous tenir au courant des actualités des jardins Rocambole, entrez votre adresse e-mail en bas de la page d’accueil du site ou écrivez à jardinsrocambole@orange.fr 

Vous écrivez à propos du jardin «  Tout est à recommencer chaque année et c’est ça qui est passionnant ». Parmi les mille questions auxquelles vous répondez dans cette BD, quel est pour vous le conseil le plus important à retenir ?

C’est le cycle d’un éternel recommencement et, assez logiquement, nous avons divisé la BD en quatre saisons. Mais ce n’est pas pour rien que je débute avec l’automne, car je considère que le jardin se commence en fin d’été. C’est le moment où j’y passe le plus de temps : physiquement, en mettant en place sur les planches un double paillage nourricier et protecteur, mais aussi mentalement, en planifiant mes cultures pour la saison qui vient. Cette préparation résout les trois quarts de mes soucis pour l’année suivante. Comprendre les avantages de l’anticipation révolutionne la façon de jardiner, je ne suis jamais dans la précipitation. Avec un sol bien préparé, des techniques simples, de bons outils, on peut aller très vite en étant très efficace. Un minimum de rigueur est nécessaire pour se faciliter la vie et se faire plaisir.

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Préparer une agriculture solidaire pour l’avenir

Depuis plus de 10 ans, la coopérative Les Champs des Possibles, créée en 2009 à l’initiative du réseau des AMAP (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) d’Île-de-France, œuvre pour favoriser l’installation d’activités agricoles et rurales au niveau local, en militant pour le développement de l’agriculture biologique en circuits courts. Elle fédère consommateurs, producteurs, commerçants, artisans, collectivités, et invite à repenser concrètement les schémas agricoles de demain.