Entre passion et respiration

La recette infaillible du bien-vivre existe-t-elle ? Sans doute fera-t-elle un jour son apparition, livrant à la clé celle d’un bien-être accessible à tout le monde. En attendant, nous avons la possibilité de tester les innombrables moyens que nous proposent les plus récentes découvertes, même si, dans un amoncellement de futur prometteur, la réalité qui se cache derrière la fiction ne se dévoile pas si facilement. Qui d’entre vous osera tenter de se l’approprier ?

La vie est un mouvement perpétuel, la mort elle-même est un transit, une escale plus ou moins tempétueuse avant de reprendre la route… vers une nouvelle vie. Vous en doutez ? C’est votre bon droit et quoi qu’il en soit, là n’est pas le propos du jour. Pour le moment, nous sommes projetés dans le flux de la vie qui tangue et qui bouscule, et tous nous aspirons à davantage de confort en soi, de détente, bref de mieux-être. Comment manifester cet avantage d’être plus calme parce que plus serein intérieurement, de mieux dormir et surtout de ne plus se sentir victime du temps qui passe ? Eh bien, la recette la voici : en vivant passionnément dans l’immobilité de l’instant. Mais demanderez-vous, qui s’y autorise ?

Une étoile au firmament d’un volcan

Tout le monde se souvient des vibrantes tonalités sortant de la voix, ô combien émouvante, du chanteur Léonard Cohen. Certains ont même dansé corps contre corps sur les volutes musicales du souffle d’or de l’artiste et bien des histoires d’amour se sont enlacées au gré des notes passionnées. Comme nous tous, lui aussi cherchait le bonheur mais, à la différence de tant d’autres, il semblerait qu’il l’ait trouvé. Alors vite, le secret ! Est-ce le fait de l’âge (Léonard Cohen est né en 1934) ou celui de s’être fait moine en renonçant au faste de sa popularité ?

Cette personnalité hors du commun étonne par la diversité et les provocations de son comportement. Chanteur-compositeur mondialement connu et apprécié, écrivain et poète à succès, l’homme a choisi l’espace libre d’une retraite où il n’y a de place pour aucun compromis autre que ses propres contradictions. Jikan, le silencieux, alias Léonard Cohen, témoigne de sa passion de vivre ce qui lui plaît, dégagé des contraintes mondaines d’un monde dont il a su se retirer tout en restant présent.

« Rester assis pour méditer sans bouger, reste le divertissement le plus réellement profond découvert au cours de toute mon existence. Un divertissement profond et voluptueux, se plaît-il à dire, le véritable délice de cette activité.« 

L’artiste est réputé pour son humour à froid et à chaud mais, en disant cela, il ne plaisantait pas. « Que faire d’autre, cela me paraît la réponse la plus riche et la plus somptueuse au vide de mon existence. » Venant d’un homme ayant approché les plaisirs les plus fous, on ne peut que donner du crédit à ces propos. Il témoigne de son recueillement isolé sans regret et sans amertume, rien ne l’y a poussé à part le désir de se trouver en toute vérité. « Cela n’a rien à voir avec la piété ou la pureté, car il n’existe rien de comparable à l’immobilité« , assure-t-il.

On veut bien le croire, mais s’agit-il vraiment de ne plus bouger pour trouver la sérénité ?

N’aller nulle part

Comme il ferait bon se lever un matin avec l’idée que tout est accompli et qu’il n’y a plus à combattre et plus à se débattre. Juste savourer ce qui est sans en être gavé et sans vouloir à tout prix en rajouter. Parce que le « nulle part » débouche sur le « partout », renoncer à s’approprier quoi que ce soit est certainement la voie la plus sûre pour entrer dans la liberté. Quand on arrête de s’agripper, on vole ! Les formules et les mots qui expliquent le silence parlent bien trop fort pour laisser passer le mouvement souple du souffle de vie sans le contraindre. Le simple fait de rabâcher qu’il faille méditer, se poser, lâcher-prise et d’autres choses encore, finit par encombrer l’espace.

N’aller nulle part, c’est demeurer dans l’immobilité sans immobilisme. Plus facilement, on pourrait dire qu’il est juste question d’exister au-delà de tous ces efforts pour ce pas grand-chose qui nous fait tant souffrir et qu’on appelle un résultat. Pourquoi chercher ce qui est déjà là ? Pourquoi aller là-bas alors que c’est ici ? Partir à la conquête du sens est une telle perte de temps puisque nous incarnons le sens !
L’art d’être immobile nous ramène au plus près de la réalité infaillible de l’être parfait dont chacun rêve sous forme d’un ange, d’un esprit pur, d’une déesse ou d’un dieu, sans savoir qu’à cet instant, c’est de nous et seulement de nous que sont faits nos rêves.

Se souvenir de soi

Remonter le courant est loin d’être facile, les flots sont arrogants, coléreux, impatients. Ils se heurtent aux roches acérées de l’esprit endurci par ses doutes et par ses rebellions. Les déçus de la vie n’ont pas encore osé franchir le barrage d’un moi amoureux de ses propres limites. Un jour, ils tourneront le dos aux certitudes qui les étouffent, mais en attendant ils souffrent. Pourquoi tant de rigidité ? Pourquoi attendre que les barreaux de prison érigés par l’orgueil se soient rouillés jusqu’à être friables pour les abattre ? Revenir à soi-même, c’est se souvenir du temps où la rivière coulait comme un ruban de soie autour de la cheville d’une danseuse. Le fluide était cette eau pure et simple qui pouvait s’amuser à devenir ruban et se laisser couler dans le tourbillon chorégraphique de la vie.

Se souvenir de soi est ne jamais perdre de vue le point de départ, l’origine, tout en acceptant de jouer le jeu effronté des multiples mouvements de l’existence, sans s’y laisser piéger. Seule l’immobilité le permet.

Je pars, tu pars…

Destination mieux-être ! Retraite spirituelle, trekking en Himalaya, immersion dans le désert ? Ou plus modestement mini-croisière, semaine de balnéo ou bien encore le dépaysement d’un cours de danse africaine ? Cela peut bien aller jusqu’à carrément changer d’activité, voire de pays : mais rien ne changera vraiment, puisque c’est notre esprit que l’on retrouve à tous les carrefours des activités de la vie.

N’est-il pas préférable de n’aller nulle part et s’employer là où nous sommes à lever le voile des nuages sur la vastitude d’un horizon sans limitations ? On pourrait dire que pour changer les couleurs du temps, il suffit de changer celles de notre esprit. Inutile de se démener ou de s’accrocher à quoi que ce soit pour ce faire, il est juste question de lâcher-prise. C’est ce qu’on appelle l’immobilité. Et maintenant, si vous le voulez, nous allons ensemble nous y exercer ou plus exactement nous y plonger et nous laisser flotter.

Inspirez… Expirez… et laissez faire…

L’existence de chacun d’entre nous est inscrite dans la routine qu’il a installée. Aujourd’hui, un souffle de conscience vient traverser la froideur mécanique des comportements bien ancrés. À peine réveillé le matin au lever, je me souviens de qui tu es, toi en moi qui m’habites et que je ne veux plus ignorer. Je te nomme mon âme, mon soi, mon tout (ou ce que vous voulez), mais je prends bien le temps de chercher le nom qui pour moi te correspond le mieux. Cela va me permettre de ne plus t’oublier. Le Petit Prince l’appelle « ma rose » qui, sur sa planète solitude, lui offre une présence d’amour et de grâce. Les exemples nous aident à comprendre.

Pour commencer, si vous voulez, nous lui donnerons le nom de « Bien »

J’inspire le « Bien« , et pendant que vous le dites en pensée, inspirez et gardez les poumons pleins sans respirer le temps de penser : qui dans son courant me repose… puis expirez. Soit : inspirez le « Bien » et laissez-vous reposer.
Ce « Bien » en question doit avoir la saveur d’une douceur dont tout votre être se délecte, une sensation seulement identifiée par le passage de votre souffle et du nom dont il est porteur, c’est tout. À faire une dizaine de fois, puis se lever et commencer la journée.
Les temps qui suivent le cours de la matinée resteront sous cette imprégnation et il n’y aura rien d’autre à chercher ni à faire. La mission de « Bien » est de vous accompagner sans jamais vous quitter.

La pause de midi

On ne se nourrit pas uniquement de ce qu’il y a dans son assiette : les pensées y sont associées. Prenez soin de vos pensées en mangeant et donnez le nom de « Santé » à tous les aliments que vous ingérez. D’abord, je contemple les mets qui me sont présentés, je les sais être des éléments porteurs de bonne santé. Je les accueille avec gratitude.

J’inspire la « Santé » en mâchant correctement et sans précipitation cette santé toute fraîche qui sous forme de salade, de légume ou de fruit entre dans mon corps et ravive ma vie. Et pendant que j’expire, je pense de cette manière à chaque bouchée pendant que tout mon être se délecte en conscience de l’apport de santé qu’il m’est donné d’intégrer. À poursuivre tout au long du repas.
Les temps qui suivent resteront dans l’agrément d’une parfaite assimilation si vous prenez soin de ne pas laisser entrer en vous quelque interférence du style agitation, revendication ou insatisfaction qui aurait pour effet de perturber le processus de bonne digestion.

L’après-midi

Pour que la journée fasse son plein d’énergie harmonieuse, elle doit s’inscrire dans le sourire de ses mouvements. Chaque geste peut être une offrande à l’énergie de la vie, comme une réponse heureuse à son déroulement. Vivre ses mouvements en conscience, c’est tendre tout son être à produire de jolis gestes sans précipitation, sans brusquerie, tout en délicatesse et en finesse. Aussi je baptise du nom de « Sourire » chaque geste et chaque comportement de ma journée.

J’inspire le « Sourire » à chaque instant en bougeant, en parlant, en écrivant et en travaillant, et je prolonge ce sourire en expirant.
Les temps qui suivent, je ne suis que sourire intérieur et, lorsque je souris extérieurement, je rends grâce à la vie, aux autres et à moi-même pour tout ce qui est tel que c’est.

La soirée

Remplis d’énergie, passionnés par la vie, celles et ceux qui suivent ce programme n’en restent pas moins calmes, détendus et confiants. La soirée favorise la reconnaissance de ces trois en un que je nomme « Sérénité ».

J’inspire la « Sérénité » dans tout ce qui compose ma soirée, quoi que je fasse, je l’accomplis en état de détente et de paix joyeuse. J’expire sans rien avoir à demander de mieux.
Les temps qui suivent m’amènent vers le sommeil et c’est avec « Sérénité » que je vais me reposer.

Avant de s’endormir

Ayant placé la journée dans la perspective des étapes qui lui sont habituelles, vous n’êtes allé nulle part ailleurs qu’en restant en vous-même. Et pourtant, en modifiant votre état d’être, vous avez tout changé. C’est le moment de rire de vos difficultés, vos dérapages et de vous réjouir de vos progrès. Le temps de la réflexion est arrivé qui vous place chaque soir sous le sceau de la vérité. Vous ne pouvez rien vous cacher et vous avez le droit de vous pardonner et de vous encourager. Le sommeil vient pour prendre en charge le passé et le diluer dans les songes. C’est le moment du devenir et, pour qu’il s’accomplisse dans la correspondance du bien, de la santé, du sourire et de la sérénité et pour que l’équilibre perdure, le sommeil doit s’appeler « Gratitude ».

J’inspire et j’expire la « Gratitude » sans fin, le cœur heureux de ce que je rencontre dans ma vie qui me donne les moyens d’en comprendre le sens.
Et dans les temps qui suivent, je me suis endormi. Demain est un autre merveilleux jour où il n’y a nulle part ailleurs où aller…

À LIRE
L’art d’être immobile, de Pico lyer aux éditions Marabout. 9,90 €

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