Le prince charmant et la pelleteuse délicate

Crapaud vert © Nicolas Gilsoul

La fin de l’hiver chante la saison des amours au Royaume des crapauds.
Ils sifflent, croassent, stridulent et râlent de plaisir.

rainette verte

Pour les crapauds communs et les crapauds épineux, fidèles à leurs lieux de naissance, le voyage est difficile. Entre la forêt et l’étang de leur cœur, nos routes transforment leurs migrations saisonnières en trails de l’extrême. Quand ils traversent par milliers, on risque le crapauplaning, version bestiale du dérapage incontrôlé de nos bolides sur surface glissante. Chaque année, de bonnes âmes se relaient pour aider les crapauds amoureux à traverser en douceur. Les crapauducs prescrits sous la chaussée ne suffisent pas. Les amphibiens, qui comptent aussi de faux crapauds, de belles rainettes, des tritons et autres sonneurs, sont particulièrement menacés par la crise de la biodiversité.

Près d’un tiers de ce petit peuple de la pluie est en voie d’extinction. La loi les protège tous comme elle peut, de la grenouille rieuse à la salamandre noire. Même les affreux crapauds, pustuleux et grognons, dont l’image change enfin après des siècles d’injustice. La culture chrétienne avait associé la crapaud au vice et à la luxure. Parce qu’il vit la nuit, le Pape Grégoire IX le décrit comme l’animal du Diable. L’argument est un peu léger, mais au XVIe siècle, lors des sabbats de sorcières, les crapauds passent un sale quart d’heure. Épluchés, dévorés et réduits en philtres magiques, c’est surtout leur peau qui plaît aux enchanteurs. Elle contient plus d’une centaine de principes bioactifs dont plusieurs hallucinogènes. Que ne ferions-nous pas subir au vivant pour un bon remède ? Et quand nous ne le jugeons pas pour son allure, ce sont ses manières qui nous dégoûtent. Avez-vous déjà regardé un crapaud manger un millepatte frétillant ? Sans dents pour le croquer, le crapaud a trouvé une parade aussi efficace qu’inattendue. Il utilise ses globes oculaires pour broyer ses proies. C’est une affaire délicate. Imaginez le prince charmant qui rentre ses gros yeux dans le fond de sa gueule en contractant ses muscles. Une fois arrivé là, il les pousse l’un contre l’autre, marteau et enclume, et écrase la chenille, la sauterelle ou le coléoptère délicieux. Et toujours avec ses beaux yeux au fond de la gorge, il pousse sa purée d’insecte dans son oesophage. Les yeux remontent. Le prince est prêt pour un clin d’oeil.

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« Voir un lien entre la pollution de l’air, la biodiversité et la Covid-19 relève du surréalisme, pas de la science », déclarait Luc Ferry dans L’Express du 30 mars 2020, contredisant ce qu’affirme pourtant la soixantaine de scientifiques du monde entier que Marie-Monique Robin a pu interroger pendant le premier confinement. Son livre La Fabrique des pandémies réunit ces entretiens dans une enquête passionnante qui explique comment la déforestation, l’extension des monocultures, l’élevage industriel et la globalisation favorisent l’émergence et la propagation de nouvelles maladies. Non seulement la pandémie de Sars-CoV-2 était prévisible, mais elle en annonce d’autres.

Tous dehors !

Éveiller les sens et les consciences, c’est l’objectif des livres de Patrick Luneau, dans la collection « Tous dehors » éditée par La Salamandre, qui passe en revue différentes activités simples et ludiques à réaliser avec les enfants de 0 à 12 ans dans la nature. Au jardin et en forêt, deux tomes sont déjà sortis, un volume sur le littoral sera disponible au printemps prochain.