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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Tous dehors !

Un credo pour donner le goût de la nature aux enfants

Éveiller les sens et les consciences, c’est l’objectif des livres de Patrick Luneau, dans la collection « Tous dehors » éditée par La Salamandre, qui passe en revue différentes activités simples et ludiques à réaliser avec les enfants de 0 à 12 ans dans la nature. Au jardin et en forêt, deux tomes sont déjà sortis, un volume sur le littoral sera disponible au printemps prochain.

L’attraction des écrans détourne les plus jeunes des activités de plein air et alimente les craintes les plus justifiées sur les conséquences dans leur développement. Et si notre propre relation à la nature empêchait l’enfant d’y focaliser son intérêt ? En guidant à l’extérieur l’enfant et sa famille dans la découverte et l’exploration de la nature, les livres de Patrick Luneau offrent une mine d’informations et d’idées pratiques pour les enfants et leurs parents.

À 62 ans, cet ancien instituteur, amoureux des petites bêtes, engagé pour la protection de l’environnement, est à la fois cinéaste animalier, écrivain pour la jeunesse et guide nature dans la Brenne, la région aux mille étangs où il vit. Il nous explique sa philosophie.

Lucie Servin : Comment en êtes-vous venu à imaginer ces activités avec les enfants ?

Patrick Luneau : J’ai grandi à la campagne dans une famille de chasseurs, mes oncles étaient gardes-chasse. À l’époque, on envoyait les enfants s’occuper dehors. J’ai moi-même chassé vers 18-19 ans pour faire comme tout le monde au village, puis j’ai rapidement arrêté. J’ai toujours été attiré par la nature, mais c’est en voyant des documentaires animaliers que j’ai appris à aimer les animaux, que j’ai mis un genou à terre pour observer toute la petite faune de proximité, les mammifères comme les insectes, et que j’ai coupé les ponts avec le monde de la chasse. J’ai commencé à travailler comme instituteur dans un très petit village de l’Indre, près d’une grande forêt. Puis, j’ai rencontré le cinéaste animalier Laurent Charbonnier et j’ai travaillé avec lui pendant 6 ans. Une association pour la protection de la nature dans l’Indre m’a permis de réaliser mon premier film. On l’a projeté près de 110 fois dans le département pour sensibiliser la population. J’ai ensuite été directeur d’un CPE (Centre Permanent d’initiative pour l’Environnement) dans la Brenne où j’habite. J’ai finalement arrêté pour me consacrer à l’écriture. Tous mes romans pour la jeunesse racontent le rapport à la nature, et transmettent un message de protection qui me tient à cœur. C’est dans cet esprit que j’ai commencé à collaborer avec Julien Perrot, le rédacteur en chef de La Salamandre, que je connaissais et dont j’ai toujours admiré la démarche. Aujourd’hui, j’ai trois activités. En plus de l’écriture, je suis guide nature et formateur en cinéma animalier auprès d’étudiants, à Ménigoute, dans les Deux-Sèvres où, il y a 15 ans, en marge du célèbre festival de films animaliers, a été créé un institut de formation au cinéma animalier.

Vous dites : « À l’instar de celles des arbres, les racines de nos enfants sont en train de pousser. À nous d’accompagner leur développement avec créativité, plaisir et astuce ». Les activités que vous proposez dans vos livres sont-elles celles que vous avez pratiquées avec les enfants ?

Le plus souvent oui, j’invente toutes les activités à partir de mon expérience et j’en imagine d’autres facilement. Au fur et à mesure de la rédaction, quand le livre se structure, j’essaye de prendre du recul en triant les différentes activités afin de balayer toutes les choses à faire, observer, goûter, entendre, deviner, fabriquer dans un jardin ou dans une forêt… C’est avant tout un état d’esprit. Ce qui me chagrine, c’est de ne plus voir d’enfants sur les chemins. Quand j’ai commencé à écrire des romans, je voulais d’abord redonner envie aux enfants de traîner dehors, « traîner » comme quand j’étais gamin et qu’on enfourchait nos vélos pour partir dans la campagne. Avec mes livres, je veux montrer aux enfants que « dehors » est le plus grand terrain de jeu du monde. Le but est de leur donner le goût de la nature en suggérant le plus d’idées possible aux parents, à eux d’être ensuite réactifs et inventifs à leur tour, en discutant avec leurs enfants.

« Tous dehors », derrière cet appel, il y a comme une injonction ?

C’est comme un manifeste pour donner une impulsion, un élan positif vers l’extérieur. Il s’agit toujours d’inciter sans rien imposer. Mon objectif est de porter à la connaissance des enfants de manière ludique toute la richesse de la nature de proximité, toutes les petites choses passionnantes qui se déroulent sans qu’on y prête attention au premier abord. Pousser la porte, se baisser et partir à la découverte : c’est gratuit ! Petits et grands moments de plaisir garantis ! Mon credo, c’est apprendre à mettre un genou à terre.

Quels sont les conseils que vous donnez aux parents ?

Le meilleur conseil que je puisse donner aux parents, c’est de réfléchir à la relation qu’eux-mêmes entretiennent avec la nature et à la façon dont ils considèrent la sortie. Pour explorer une forêt et entendre les bruits des animaux, il faut prendre le temps, ne pas faire de bruit et écouter. Souvent les gens marchent trop vite, discutent sans être attentifs et passent à côté du principal. Selon qu’on sort le matin ou le soir, les horaires de la balade déterminent ce qu’on va voir. L’idée est d’abord d’organiser son emploi du temps en donnant la priorité à la sortie. Même si, avec les différents impératifs horaires et le rythme de travail, ce n’est pas évident pour tout le monde. J’ai entendu un jour un philosophe dire que le calme et la lenteur seraient le luxe de demain, et je suis assez d’accord avec ça. Trouver le temps peut être compliqué, mais c’est toute une attitude à changer. Les gens ont tendance à sortir seulement s’il fait beau. Or, il faut au contraire sortir aussi quand il pleut ou quand il fait froid pour observer la nature dans tous ses états : sauter dans les flaques, manger la neige, se salir. À trop couver les enfants, on les ferme comme des boîtes. Pour le reste, plus vous passez de temps dehors, plus vous verrez d’espèces et saurez reconnaître les indices. À force de fréquenter les mêmes endroits, on apprend à les connaître, à voir la vie qui s’y développe et à prendre rendez-vous avec les animaux. Le secret est de ne rien imposer, ni aux parents ni aux enfants. Toutes les activités sont adaptables à l’expérimentation. Quand je conseille, par exemple, au début du livre, de préparer un sac d’explorateur, à chacun de composer le sien. Tout ne sert pas forcément, mais les enfants adorent préparer leurs affaires pour partir en exploration. La démarche leur donne confiance. Il faut ainsi savoir jouer à l’aventurier, se faire des films.

Comment apprendre aux enfants le respect du vivant et les amener à une conduite responsable vis-à-vis de la nature ?

Bien sûr, il faut protéger la nature. En tant qu’observateur direct, je peux témoigner qu’il y a moins d’insectes, c’est une évidence, et ça s’accélère ces dernières années. C’est un cercle vicieux car, comme de plus en plus d’espèces sont menacées et disparaissent, on en voit aussi beaucoup moins ; les interdictions empêchent également d’y avoir accès. Tous les batraciens sont protégés. Sur certaines plages, il est défendu de prendre des galets ou de ramener du sable. C’est paradoxal, car il faut veiller à ne pas mettre trop de filtres aux enfants. Aujourd’hui, on n’a plus le droit de toucher un triton. Pourtant, sans tenir une fois dans sa vie un triton qui frétille au creux de sa main, l’enfant passe à côté d’un grand évènement. Il a besoin d’être en contact avec la nature pour apprendre à l’aimer et à la protéger. De même, il faut absolument laisser un enfant toucher une ortie, c’est le seul moyen pour qu’il apprenne à les reconnaître et ne pas y toucher. Pour les bébés, il faut commencer très tôt à faire travailler les sens, sentir la pluie, entendre un ruisseau, écouter les oiseaux. En réalité, pour adopter une conduite responsable, il ne faut surtout pas isoler l’enfant de la nature. En bricolant un objet à partir d’un galet, qu’il gardera sous les yeux toute l’année, ne prend-il pas conscience de sa beauté sur la durée ? Il ne s’agit pas de laisser les enfants sans surveillance, mais pragmatiquement, si dehors il n’y a que des interdits, aucun ne voudra plus sortir.

Joyeux anniversaire
la revue La Salamandre à 35 ans !

Quel amoureux de la nature ne connaît pas aujourd’hui la revue La Salamandre ? Pour celui qui n’a pas l’occasion de traîner en nature, reportages et belles images ouvrent sur le monde extraordinaire et fascinant du vivant.

Tout commence en 1983. Julien Perrot a onze ans. Surnommé « le Mozart naturaliste », l’enfant passionné invente le premier numéro de son journal dédié à la nature. Un projet qui ne l’a plus quitté ensuite. Après des études de biologie, il devient le plus jeune rédacteur en chef de la Suisse romande en 1997, en fondant officiellement La Salamandre, « la revue des curieux de la nature ». Aujourd’hui, ce magazine de référence connu pour ses engagements éthiques et la qualité de son contenu paraît tous les deux mois et compte près de 26 000 abonnés en Suisse, en France et en Belgique. Deux autres revues s’adressent aussi plus spécialement aux enfants, Petite Salamandre pour les 4-7 ans et Salamandre Junior pour les 8-12 ans. En parallèle, une maison d’édition indépendante et sans but lucratif s’est développée en éditant guides, beaux livres et films documentaires toujours fidèles aux objectifs premiers : faire connaître, aimer et respecter la nature. En 2003, le premier festival Salamandre était organisé à l’automne au bord du lac Léman. Infatigable, Julien Perrot n’a de cesse d’user de tous les moyens pour raconter et montrer la nature dans tous ses états et transmettre son goût du sauvage et de la découverte, et réconcilier l’humain avec son environnement. Un engagement impératif. Dans l’éditorial de la revue qui célèbre les 35 ans de sa structure, il lance cette alerte « Pourquoi, alors que des pans entiers de la biodiversité s’effondrent sous nos yeux, le respect de la planète n’est-il toujours pas en tête des agendas de tous les pays ? Car c’est l’avenir de l’humanité qui est en jeu. Pas sur Mars ni dans le Cloud, mais bien ici, sur Terre ».

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