Clémence et Saturnin, transmetteurs de savoirs locaux
Clémence et Saturnin sont installés avec leurs trois enfants dans un petit village de Seine-et-Marne. Après un long parcours dans une école alternative, ils ont décidé en 2018 de se diriger vers une nouvelle voie professionnelle. Leur envie : se construire un nouveau métier, qui ait du sens pour eux. Depuis, ils interviennent principalement auprès d’écoles, de collectivités ou d’entreprises pour expliquer, montrer,
raconter les liens entre l’agriculture, l’alimentation et la santé.
Leur fille aînée, Georgia, qui a 15 ans, est venue faire un petit stage dans les bureaux de Rebelle-Santé. Pour nous, elle a posé des questions à ses parents sur leur nouveau métier.
Georgia : Comment en êtes-vous arrivés à faire ce métier ?
Saturnin : C’est en grande partie dans la suite de ce que nous avons découvert avec notre AMAP (voir encadré ci-dessous), la Courgette rieuse, depuis 15 ans. Cette façon de produire et de manger autrement grâce à une agriculture paysanne qui s’appuie sur l’engagement des consommateurs nous a inspirés.
Clémence : De mon côté, le fait d’avoir grandi en ville loin du monde agricole fait que j’ai moi-même vécu la découverte de ces liens. Mais c’est aussi mon expérience en école alternative et, avant cela, dans une compagnie de théâtre de rue, qui m’a donné envie de travailler à transmettre un savoir de manière ludique, artistique, différente.
G : Travaillez-vous dans une structure ou de manière indépendante ?
S : Il existe, près de chez nous, une coopĂ©rative, Les champs des possibles (voir aussi l’article dans le N° 223 de mars 2020, NDLR), qui permet Ă des gens de crĂ©er leur propre activitĂ©, notamment agricole. Nous sommes entrepreneurs salariĂ©s de la coopĂ©rative. C’est-Ă -dire que nous bĂ©nĂ©ficions du statut de salariĂ© tout en Ă©tant entrepreneurs (responsables) de notre activitĂ©, libres, car c’est nous qui trouvons notre public, autrement dit nos clients. Ensuite, dans la coopĂ©rative, nous donnons tous une petite partie de ce que nous gagnons pour payer quelqu’un qui fait notre comptabilitĂ©, nos fiches de paye… Ce que nous ne pourrions pas faire tout seuls dans notre coin. L’idĂ©e, c’est de trouver suffisamment de clients pour avoir un chiffre d’affaires nous permettant de payer nos frais (dĂ©placements, matĂ©riels, etc.), notre contribution Ă la coopĂ©rative, et d’avoir un salaire rĂ©gulier. Pour ça, on fait un budget prĂ©visionnel avec les contrats futurs, les missions Ă venir. Chacun d’entre nous est responsable et libre de ce qu’il fait, mais ĂŞtre en coopĂ©rative, outre l’aspect matĂ©riel, permet de parler Ă d’autres personnes de nos projets, et rĂ©ciproquement, comme des collègues mĂŞme si nous n’avons pas forcĂ©ment d’activitĂ©s communes.
C : Au sein de cette coopĂ©rative, nous nous sommes tous les deux associĂ©s en crĂ©ant “1001 sillons”. Une façon pour nous d’intervenir non pas en tant que Saturnin et ClĂ©mence mais en tant que “1001 sillons”. Bien sĂ»r, le nom porte avec lui les contes, les histoires et les 1001 façons d’y arriver et de les raconter. De plus, la coopĂ©rative, outre le fait de permettre un statut d’entrepreneur salariĂ©, nous donne la possibilitĂ© d’échanger avec des personnes dont les paysans et paysannes, qui ont les mĂŞmes valeurs, qui partagent une mĂŞme envie de transformation agricole et alimentaire, avec qui l’on peut mener des projets communs, Ă©changer, partager des idĂ©es. C’est un rĂ©seau, des individus, du temps de rĂ©flexion, une communautĂ© politique. C’est un modèle de travail très diffĂ©rent de celui des structures classiques.
L’éducation nationale fonctionne sur un modèle hiérarchique où l’élève est le dernier maillon et nous avons tous grandi sur ce principe.
Dans une coopérative, le fonctionnement est très différent, alors c’est parfois compliqué, mais vraiment très intéressant.
G : Comment avez-vous fait pour trouver vos premiers contacts ? Avec l’aide de la coopérative ? De votre réseau local ?
S : Pendant deux ou trois ans, nous avons expliquĂ© notre projet autour de nous, au fil des rencontres, Ă des personnes de notre entourage. Nous avons rencontrĂ© des paysannes et des paysans, des enseignants et des enseignantes, des responsables de projets dans des collectivitĂ©s… Aujourd’hui, cela fonctionne beaucoup par bouche-Ă -oreille, grâce Ă des rencontres, mais aussi avec des sollicitations directes auprès de la coopĂ©rative. Nous avons mis en place des formes d’interventions, en particulier des visites de lieux de production. Et nous continuons Ă envisager de nouveaux projets. Par exemple, nous aimerions organiser des rendez-vous contes et visite de ferme. Nous prĂ©senterions le fonctionnement de la ferme, les lĂ©gumes qu’on voit pousser, le moulin pour la farine… et au cours de la mĂŞme intervention, des conteurs ou conteuses raconteraient des histoires.
C : Moi je travaille aussi avec une amie, Clarisse, qui intervient avec une approche pĂ©dagogique proche, sur le plateau de Saclay (dans le nord de l’Essonne et dans le sud-est des Yvelines, Ă une vingtaine de kilomètres au sud de Paris, NDLR) et qui m’a invitĂ©e Ă la rejoindre. La ville de Fontainebleau a alors entendu parler de notre travail et aujourd’hui, Ă sa demande, je mets en place un projet intitulĂ© “Quand les enfants se rĂ©alisent”, que nous avions dĂ©veloppĂ© sur le plateau de Saclay. L’agglomĂ©ration de Fontainebleau a ensuite parlĂ© de moi Ă la mairie de Moret-sur-Loing… Et de bouche-Ă -oreille, de fil en aiguille, j’interviens de ville en ville.
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