En route vers le futur, sur la piste du projet d’enfouissement des déchets radioactifs à Bure
Quelques jours de marche avec Étienne Davodeau pour penser le nucléaire à l’échelle de l’histoire de l’humanité.

Que faire des déchets nucléaires qui s'accumulent et dont certains resteront actifs et dangereux pendant des milliers d'années ? L'ANDRA, l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, propose tout simplement de les enfouir. Bientôt, l'usine Orano de la Hague, dans le Cotentin, qui s'occupe des déchets les plus dangereux, arrivera à saturation. C'est pour trouver un autre débouché qu'est né le projet Cigéo (centre industriel de stockage géologique) à Bure, dans la Meuse, afin de les enterrer à 500 mètres de profondeur.
À 56 ans, Étienne Davodeau est un auteur réputé pour ses bandes dessinées documentaires. Il y a dix ans, il signait Les Ignorants, un chef-d’œuvre du genre, le récit d’une initiation croisée où il apprenait l’art de cultiver la vigne dans le respect de la terre auprès de Richard Leroy, un vigneron de l’Anjou. Notre rapport à la nature est aussi au cœur de Le Droit du sol*, ce nouvel album d’abord conçu comme le journal d’une marche, entreprise par l’artiste en juin 2019 pour relier les 800 kilomètres qui séparent la grotte de Pech Merle, dans le Lot, au projet de site d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure. Pas à pas, ce “journal d’un vertige” donne la mesure du temps qui nous lie, nous les Homo sapiens, depuis la préhistoire, avant que le sol ne se dérobe sous nos pieds, face au fardeau que nous nous apprêtons à léguer aux générations futures.
Rebelle-Santé : Le laboratoire de Bure est une drôle de destination pour une randonnée. Qu’est-ce qui vous a décidé à partir sur la piste des déchets nucléaires ?
Étienne Davodeau : On dit souvent que “l’industrie nucléaire, c’est un appartement sans toilettes”. La question des déchets conditionne l’existence même de cette industrie parce qu’on ne sait pas quoi en faire. En tant que citoyen, je me sens concerné par les problématiques écologiques que pose le nucléaire, et je soutiens le réseau “Sortir du nucléaire” depuis les années 1990. Et même si en Anjou, je vis dans une des rares régions françaises où il n’y a pas de centrale, les matins d’hiver quand il fait beau, je peux voir de la fenêtre de ma chambre les nuages de celle de Chinon qui se situe à 85 kilomètres de ma maison. Ces vapeurs sont comme une piqûre de rappel pour me dire que même si c’est loin, que je le veuille ou non, je profite aussi de cette énergie délirante. En France, 70 % de notre électricité provient des centrales nucléaires. Pourtant, à l’échelle de l’électricité produite dans le monde, la part du nucléaire est dérisoire.
À l’issue de la COP26, le nucléaire a connu un retour en grâce, apparaissant pour certains comme une solution décarbonnée pour la production d’énergie.
Oui, c’est comme si l’industrie nucléaire jouait là sa toute dernière carte. Depuis les catastrophes comme Tchernobyl et Fukushima, l’opinion est tout à fait consciente du danger et je crois que personne en France n’est totalement partisan du nucléaire.
En revanche, la grande majorité des gens veulent une électricité abondante et bon marché et, pour ça, ils sont prêts à oublier les inconvénients et les risques. On consomme le nucléaire un peu comme des toxicomanes, nous sommes en état de réelle dépendance. Nous vivons dans le pays de très loin le plus nucléarisé du monde. Tous les présidents de la Cinquième République depuis De Gaulle ont été des promoteurs zélés de cette industrie au point qu’elle nous paraît inévitable. Or, cette politique n’a jamais été l’objet du moindre débat, ni à l’échelle de la population, ni à l’Assemblée, ce qui me semble tout à fait scandaleux.
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