La nature, martyre du langage
Le détail du monde, l’art perdu de la description de la nature
Romain Bertrand.
Éditions Seuil
280 pages
14,1 x 20,7 cm
22 €.
Pourquoi les mots ne suffisent-ils pas à décrire un paysage ? La nature est-elle devenue l’otage du jargon scientifique ? Dans cet essai singulier, l’historien Romain Bertrand, spécialiste de l’Indonésie et de la colonisation, s’interroge face au terrible constat de la destruction de l’environnement et à sa propre incapacité à trouver les mots pour décrire dans le détail ce qu’il voit. « Si nous ne savons plus aimer les êtres naturels, c’est que nous ne savons plus les nommer » écrit-il en enquêtant au cœur du langage sur les raisons de ce désamour. Cette « rêverie » passionnante chemine à travers l’histoire des sciences occidentales, depuis le projet d’ « histoire naturelle » des Lumières à la fin du XVIIIe siècle et la pensée de Goethe et de Humboldt, les premiers philosophes de la nature, jusqu’au triomphe de la théorie de l’évolution et aux conséquences du divorce entre les sciences et les arts.
En opposant le désir de comprendre les mécanismes universels et la volonté de rendre compte de l’infinie variété des choses liées à la surface de la terre, il dénonce la cruauté d’une recherche scientifique qui a sacrifié la vie au nom du savoir en peuplant de spécimens les collections des musées. La tendance à la théorisation générale, la catégorisation systématique et la tyrannie statistique empêchent-elles de célébrer les singularités ? En hommage à tous ceux qui ont pris conscience du détail du monde, philosophes, botanistes, entomologistes, ethnologues, ornithologues, peintres et poètes, le débat philosophique amène à considérer l’évolution de notre rapport au monde et le conditionnement anthropocentrique du langage. L’objectivation de la nature conduit à son exploitation et à notre indifférence. Cet appel à l’écologie poétique invite à trouver les mots pour prendre soin du monde.