Le coup de gueule d’un mangaka après Fukushima
Il y a cinq ans, le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9 provoquait un tsunami à l’origine de la disparition de 18 500 personnes et de l’accident nucléaire le plus grave depuis celui de Tchernobyl en 1986, à la centrale de Fukushima Daiichi. Dans les jours qui suivent, des explosions se succèdent. Cet accident entraîne une forte pollution, par la dispersion de gaz et particules radioactifs sur toute la région du Kantô, à laquelle sont venus s’ajouter de forts rejets en mer. Ce problème n’est toujours pas réglé, puisque le démantèlement du site est prévu sur une cinquantaine d’années, et l’eau contaminée continue à se déverser dans l’océan. C’est la préoccupation majeure à laquelle doit faire face la compagnie TEPCO, reconnue responsable de cette catastrophe.
Takashi Imashiro est un amoureux de la nature. Dans Colère nucléaire, il pousse un cri, un cri d’indignation, un cri de colère sain et légitime face à la gravité des événements. Rivé à son téléphone, à son ordinateur, il s’informe et s’insurge contre l’indifférence de ses concitoyens, doute de son gouvernement, des médias, des risques minimisés, du manque d’information, des faits. Satô est un citoyen ordinaire, il vit à Tokyo, et les mois qui suivent la catastrophe, il s’inquiète et assiste impuissant à une valse d’enjeux politiques, économiques et diplomatiques qui dépassent les intérêts de toute une population, pire, qui condamnent les générations futures. Plus il s’intéresse, plus il s’engage et manifeste contre le nucléaire, contre l’accord du TPP avec les États-Unis, qui imposerait également la réouverture des centrales. Dans les cases, les bulles font slogan. Le dessin allège un propos lourd d’une réalité angoissante et copieusement documentée par des annexes et des interviews. Ce premier tome laisse entrevoir une série exemplaire pour comprendre les débats qui entourent la question nucléaire au Japon, une question qui nous concerne également. D’autant qu’en 2015, le Japon signait finalement le partenariat transpacifique (TPP) et la centrale de Sendai a redémarré sous la pression économique et contre l’opinion. Cinq ans après les faits, ce manga porte une voix originale et sans concession. Une série à suivre.
Lucie Servin
- Colère Nucléaire, Tome 1. L’après catastrophe. Takashi Imashiro. Éditions Akata. Format 13 x 18 cm – 162 pages – 7,95 €
Retour au sommaire de Rebelle-Santé n° 183