Les carnets de Jil Silberstein

L’île où les hommes implorent - Chronique d’un désastre amorcé
De Jil Silberstein
Éditions Noir Sur Blanc
480 pages
15 x 23 cm
24 €.
Poète et anthropologue, reporter et philosophe, à 70 ans, Jil Siberstein a mené une vie de voyageur chercheur, engagé auprès des peuples indigènes de tous les continents, côtoyant notamment les Innus du Canada ou encore les Kali’nas de Guyane. D’origine parisienne, il s’installe en Suisse au milieu des années 1990. La disparition, en 2006, de sa femme atteinte d’un cancer crée un vide. Il chante son deuil dans Une vie sans toi en 2009, puis lui rend toujours hommage en 2012 dans La Terre est l’oreille de l’ours : livre mixte où l’auteur, confronté à la douleur, fait revivre les souvenirs, et trouve dans la forêt une source d’émerveillement face à la beauté de l’impermanence. La célébration du vivant sème les germes d’une renaissance dans « une tentative d’ “auto-abrasement“ au contact du monde naturel ». L’île où les hommes implorent s’inscrit dans cette continuité, en affrontant cette fois, avec le dérèglement climatique et les héritages du colonialisme, le deuil cosmique de la planète, le lien détruit de l’humain à la nature, à l’animal. Si la forme en écritures fragmentaires peut déconcerter au départ, on s’attache vite à suivre cette sorte de journal où l’auteur juxtapose observations du quotidien et comptes rendus de lecture, poésies et descriptions scientifiques, carnets de rêve et récits de voyage.
Le butinage convoque, pêle-mêle, le Tao et Joachim Du Bellay, Monet et Moby Dick, Homère et Kerouac, écrivains, scientifiques et philosophes. Ces mines d’informations naturalistes ou bibliographiques construisent peu à peu une pensée multiple, et livre surtout la méthode qui structure ce patchwork de considérations sur une année découpée où les quatre saisons dirigent le regard vers les quatre points cardinaux en allant du Canada au Canton de Vaux, en passant par la Nouvelle-Zélande et la Grèce. Il y a dans ces pages comme la promesse d’une pêche miraculeuse, malgré la tragédie amorcée, avec l’espoir, comme dans la légende maorie, que les hameçons magiques tirent de l’eau « l’île où les hommes implorent ».