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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Les dessous du textile

Nos vêtements ont-ils un impact sur notre santé?

Comment choisir les meilleurs tissus pour notre santé? Le coton est-il plus écologique que des fibres synthétiques? Le chanvre est-il encore attractif? Les fibres de bambou viennent-elles vraiment d’un bambou? Les importations de mauvaise qualité représentent-elles une menace seulement pour notre économie? Que de questions que vous ne vous êtes peut-être jamais posées… Pourtant, les réponses sont édifiantes! Le point avec 2 spécialistes (1).

En hiver, nous nous habillons plus chaudement pour éviter de tomber malade. Mais, en dehors de cette protection climatique, avez-vous déjà pensé à l’impact santé de ce que vous portez? Les colorants, les tissus de plus en plus «techniques», de plus en plus doux (pourquoi, comment?), qui éliminent l’humidité du corps sans laisser entrer celle de la pluie, les draps qui veillent sur votre sommeil, les torchons qui sèchent la vaisselle dans laquelle vous mangez, la barboteuse que vous offrez à un nouveau-né… Tous ces textiles accompagnent notre quotidien, nuit et jour, 365 jours par an!

QUELS SONT LES DIFFÉRENTS TYPES DE FIBRES DANS LES TEXTILES?
On en distingue 3 grandes familles :
1) Les fibres naturelles végétales (coton, chanvre, lin) plus ou moins polluantes, ou animales (laine, soie).
2) Les fibres chimiques, semi-artificielles : on récupère et on modifie la cellulose du bois ou du bambou pour en faire des vêtements.
3) Les fibres 100 % synthétiques, issues du pétrole. C’est l’acrylique, typique des années 70, mais aussi les très récentes micro-fibres.

QU’Y-A-T-IL DANS NOS VÊTEMENTS?
Aujourd’hui, plus personne ne le sait vraiment. Alors que c’est un matériau en contact avec la peau 24 h/24! Avant, il y avait le tissu et la teinture, point. Maintenant, il y a tous les additifs pour améliorer le toucher (doux…), les «anti» (bactériens, UV…), les «pro» (gestion de l’humidité, produits pour sportifs…), les capsules cosmétiques intégrées au tissu… Certains ont tous les défauts, ils cumulent allergènes, additifs douteux, etc. Mais mieux vaut un textile «technique» bien maîtrisé qu’un textile «naturel» avec un mauvais colorant allergisant.

COLORANTS : POUR LA PETITE  HISTOIRE
– Jusqu’en 1856, on utilisait exclusivement des colorants naturels (végétaux ou animaux).
– En 1856, Perkin découvre la mauvéine, 1er colorant synthétique.
– Jusqu’en 1950, nos vêtements sont imprégnés de colorants azoïques à base de benzidine et dérivés.
– Années 50 : la benzidine est déclarée hautement toxique (risque de cancer de la vessie).
– 2002 : une loi limite le seuil de colorant «à risque» à 30 ppm (parties par million) pour les vêtements textiles ou en cuir.
– 2008 : les colorants interdits chez nous sont désormais utilisés par les pays en voie de développement (Chine, Inde, Corée, Taïwan, Brésil, Mexique…). Leurs vêtements trop bon marché peuvent dépasser facilement le seuil des 30 ppm.

Y A-T-IL UN RISQUE À PORTER DES VÊTEMENTS BON MARCHÉ EN PROVENANCE DES PAYS ASIATIQUES?
Oui, en tout cas un risque potentiel (voir encadré «colorants»). Prenons un article de mauvaise qualité, dont le colorant est mal fixé. La transpiration de la peau réagit avec le colorant, nos enzymes cutanées (azoréductases) le dégradent et l’assimilent.
Or, les amines ainsi produites se concentrent dans la vessie, et y augmentent le risque de cancer. Évidemment, il s’agit d’un scénario catastrophe, mais des tests récents menés sur 198 vêtements ont montré que 7 % d’entre eux (soit 14) n’étaient pas conformes. Une précédente étude, menée en 2004, montrait que 20 % des articles n’étaient pas conformes, y compris des vêtements ou peluches pour bébé! Ce risque va s’accroître puisque nous achetons de plus en plus des articles en provenance de ces pays. Aujourd’hui, 2 vêtements sur 3 peuvent contenir des produits «douteux». Sans céder à la psychose, il faut comprendre que c’est plus important qu’on ne le croit souvent.

LE COTON EST-IL LE CHOIX LE PLUS ÉCOLOGIQUE?
Non ! C’est l’une des cultures les plus polluantes du monde ! Le coton conventionnel engloutit 25 % de la totalité des pesticides, alors qu’il ne représente que 2,4 % de la surface cultivée ! En plus, il assèche tout, il détruit tout écosystème, pollue sols et rivières, est hyper gourmand en eau (2 000 litres d’eau par hectare + 3 000 litres encore pour nettoyer la zone des pesticides!).
Quant aux cultivateurs, ils reçoivent beaucoup de subventions, mais sont totalement dépendants du «système». Et, surtout, l’OMS – Organisation Mondiale de la Santé – affirme que 1 million d’entre eux sont intoxiqués par les pesticides ; 22 000 en meurent chaque année! C’est inadmissible.
Le coton bio est donc une évidence : moins gourmand, moins polluant, il respecte les sols et les cultivateurs car il sort de la logique de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Les femmes africaines peuvent enfin retravailler sur les terres sans risquer leur vie et celle de leur bébé. Hélas, son avenir est incertain, vu le poids des OGM.

COMMENT FAIT-ON DES VÊTEMENTS EN BAMBOU?
On récupère la cellulose du bambou, sa pulpe est douce. Le résultat est un toucher entre soie et coton, comme le fil d’Écosse de nos grand-mères. En plus, le bambou est antibactérien et «boit» 2,5 fois plus d’eau que le coton, ce qui explique toutes les lignes de bain à base de bambou. Les résultats préliminaires d’une étude sur les fibres menée avec l’ADEME (2) indiquent que le bambou est l’un des meilleurs choix pour le consommateur et l’environnement. Aujourd’hui, on est forcé d’utiliser des acides. Mais demain, on peut imaginer des méthodes de transformation avec des énergies renouvelables.
Cette fibre semi-chimique est plus propre et économiquement plus réaliste que le coton, son impact environnemental est bien plus faible.

ET LE LIN, C’EST BIEN?
Génial! Il absorbe et évacue l’humidité naturelle, ce qui explique les draps en lin de nos grand-mères car, la nuit, notre corps rejette 1 litre de transpiration! En plus, il est non polluant. Hélas, au lieu de le promouvoir, les Français ont vendu leurs semences aux Chinois. Dès lors, comment s’étonner que le marché soit inondé de vêtements en lin made in China? Dans 5 ans, nous n’aurons plus de lin en France, et les Chinois auront tout copié.
Déjà, 80 % de notre lin part en Chine pour y être transformé. Nous sommes 100 % fautifs!

ET LE CHANVRE?
Le consommateur ne veut plus de ce qui «gratte». Or, il faut souvent trop traiter le chanvre pour le rendre doux. À grande échelle, il n’est plus utilisé dans les vêtements, mais remplace les fibres de verre. Ses débouchés : l’habillage intérieur des voitures (notamment portières), à la place du plastique.
Il pèse moins lourd, donc l’auto consomme moins de carburant, et en plus, c’est recyclable!

LES TEINTURES VÉGÉTALES SONT-ELLES ENCORE EMPLOYÉES?
Non, pas vraiment, sauf cas particuliers. Aujourd’hui, la demande est trop importante pour pouvoir y répondre avec les plantes tinctoriales. Faire pousser des champs entiers de fleurs rien que pour teindre nos habits, au détriment de cultures alimentaires, est-ce raisonnable? Si tous nos jeans étaient teints «au naturel», les 2/3 des surfaces cultivables mondiales seraient consacrées seulement à ça! En outre, les produits pour fixer ces colorants dans le vêtement sont hyper toxiques.
Heureusement que la chimie tinctorielle s’est développée. On garde encore quelques filières naturelles (garance, réséda…) mais ce retour en arrière ne marche pas pour tout, notamment pas pour le fushia ou le turquoise! Le bilan «santé et pollution» est parfois négatif, comparé à celui des colorants chimiques.

Impact écologique d’un jean sur la planète (3)
– 5 % = transport
– 45 % = fabrication
– 50 % = utilisation

LES VÊTEMENTS BIO PEUVENT-ILS ÊTRE DOUX?
Bien sûr! On croit encore que le bio c’est pas beau, ça gratte, c’est ringard. C’est tout le contraire : les vêtements bio, aujourd’hui, doivent avant tout être jolis et confortables, et tant mieux s’ils sont bio. Les clients veulent bien faire un effort pour la planète, mais pas au détriment du confort, et c’est normal. L’innovation est sans aucun doute la clé du développement durable et les professionnels que Murielle a rencontrés montrent bien que, dans le domaine de l’habillement, on peut être à la mode et bien dans la bio!

COMMENT ÊTRE SÛRS D’ACHETER DES “BONS” VÊTEMENTS?
Théoriquement, vous ne trouverez pas de textiles non conformes dans les circuits traditionnels ni dans les supermarchés (Carrefour, Monoprix…) : en 15 ans de tests, l’industrie du textile a trouvé zéro cas d’amine cancérigène dans les vêtements européens. Le problème vient des enseignes spécialistes du très bas prix (hard discount) ou des arrivages non contrôlés (marchés, solderies…). Méfiez-vous particulièrement des coloris noir, orange et rouge. Et, pour aller encore plus loin, faites confiance aux logos de qualité supérieure tels qu’Ecolabel, Oekotex, Contact peau… sans vous noyer dans les 145 labels existants ; il va heureusement y avoir du ménage dans tout cela!

JE SUIS CONSOMMATEUR, JE FAIS QUOI?
Ne soyez pas passif, et ne focalisez pas seulement sur la marque et le confort. Dix conseils :
– Ne paniquez pas : il ne s’agit pas de se méfier de tout, mais d’ouvrir les yeux. On se préoccupe de l’alimentation, des cosmétiques, de l’air qu’on respire… il est normal de s’interroger sur nos textiles!
– Revoyez vos propres réflexes. C’est en lavant, séchant, repassant que l’on pollue le plus ! Soit en raison d’utilisation de produits chimiques (lessive), soit parce qu’on grille de l’énergie (240 kilowattheures/an pour UN jean, simplement pour son lavage!).
– Lavez toujours un vêtement avant de le porter. Pour minimiser les risques d’allergie, et pour de simples raisons d’hygiène : d’autres clients l’ont touché avant vous, ce vêtement!
– Si vos vêtements démangent, donnent des «plaques», interrogez-vous. N’attendez pas d’avoir une vraie maladie! Et écrivez au fabricant : la nouvelle réglementation Reach(*) lui impose de vous répondre sur les matières premières utilisées dans ses produits. Par exemple, certains textiles «sans repassage» renferment des résines inertes (sans danger), d’autres des résines très allergisantes : renseignez-vous!
– Préférez les tissus clairs, les foncés nécessitent encore plus de produits chimiques lors du processus de fabrication.
– Achetez une machine à laver de classe «A», lavez le plus possible à froid (ou tiède).
– Ne doublez pas les doses de lessive, au contraire… on peut souvent les diviser par 2! Et NON au sèche-linge! Un vêtement sèche très bien tout seul et s’abîme beaucoup moins vite sur un séchoir!
– Évitez les textiles qui se lavent au pressing. Paillettes, dentelles, tissus peints… il n’y a pas pire.
– Lavez vos pantalons toutes les 5 fois (et pas quand vous l’avez porté 1 seule fois).
– Ne repassez pas ce qui n’en a pas besoin, notamment les jeans, linge de bain and co.

(1) Yann Balguerie, co-animateur du projet REACH (filière textile et habillement), président de la commission technique et scientifique de l’IFTH, président de la fédération de l’ennoblissement textile Blondel, et Nathalie Lebas, ingénieur textile et fondatrice de la marque Ekyog, précurseur dans le domaine du coton bio.
(2) ADEME, Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie.
(3) ND Nadia Boeglin, auteur de l’étude Ademe «impact écologique d’un jean, des champs de coton jusqu’à la poubelle».
(*) Reach vient de l’acronyme anglais qui désigne «l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des produits chimiques».

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