Les enfants prennent les rĂȘnes du cancer
En avril, douze jeunes atteints du cancer auront troquĂ© leur environnement mĂ©dicalisĂ© pour lâimmensitĂ© du paysage polaire. Cela, grĂące Ă lâassociation marseillaise Sourire Ă la Vie. Depuis 11 ans, elle aide 150 enfants Ă repousser leurs limites et Ćuvre pour leur reconstruction physique et mentale par le sport. Reportage Ă leur centre de formation, le Phare des Sourires.
Par Fanny Ohier et Marie-Alix DĂ©trie
LE PHARE DES SOURIRES
«NeĂŻla, câest trĂšs bien, ne lĂąche pas !» FrĂ©dĂ©ric Sotteau, coach et directeur du centre, dĂ©ambule parmi les enfants dispersĂ©s sur les tapis de la salle de sport pour rectifier leur position de gainage abdominal. «Cet exercice vous aidera Ă appuyer sur les freins de vos traĂźneaux, quand vous voudrez vous arrĂȘter alors que vos chiens seront en train de tirer !» Dernier stage avant le grand dĂ©part, les enfants sâentraĂźnent toute une semaine jusquâau 5 mars, au Phare des Sourires.
Ouvert par lâassociation Sourire Ă la Vie en 2013, le lieu est un centre dâhĂ©bergement des jeunes malades du cancer, installĂ© au bord de la MĂ©diterranĂ©e Ă lâEstaque, en banlieue de Marseille. Matin et soir, chaque jour depuis deux mois, Romane et ses onze camarades sâappliquent Ă faire une sĂ©rie dâexercices sportifs chez eux, destinĂ©e Ă les prĂ©parer Ă leur expĂ©dition en Laponie. PenchĂ©e sur le carnet qui comptabilise ses derniers scores, crayon en main, Romane note avec satisfaction sa progression : «Par rapport aux tests du dernier stage, on sâest quasiment tous amĂ©liorĂ©s, donc ça paie bien, les exercices Ă la maison !»
Le Phare, grand bĂątiment aux allures modernes dressĂ© face Ă la mer, nâa rien dâun hĂŽpital. Portes colorĂ©es, dessins aux murs, grandes ouvertures sur lâextĂ©rieur, tout est fait pour que les jeunes sây sentent bien. «Parmi les enfants qui partent, certains sont en cours de chimiothĂ©rapie, Ă trois mois de leur greffe de moelle… et ils font 5 minutes au test de gainage !» Pour FrĂ©dĂ©ric, la clef de la rĂ©ussite pour faire passer la pilule dâun entraĂźnement exigeant est la motivation que suscite chez les enfants la perspective de partir dans la taĂŻga finlandaise.
“MALADIE RARE”, MAIS EN PROGRESSION Dâune soixantaine de dĂ©clinaisons possibles, les cancers pĂ©diatriques reprĂ©sentent moins de 1% du total des cancers, ce qui fait dâeux des maladies rares, dĂ©laissĂ©es par la recherche. Selon le rapport Les cancers en France, Ă©tabli par lâINCa (Institut National du Cancer) en 2015, le cancer pĂ©diatrique est diagnostiquĂ©, en moyenne, chez 2550 enfants par an, pour un total de 385 000 nouveaux cas estimĂ©s de cancers en 2015 en France mĂ©tropolitaine. Pour autant, cette maladie constitue la 2e cause de mortalitĂ© entre 1 et 14 ans (aprĂšs les accidents) et la 3e cause pour les 15-18 ans. Plus alarmant encore, depuis 30 ans, elle progresserait chaque annĂ©e de 1 Ă 3 % en Europe. Aujourdâhui, les facteurs de risque, favorisant lâapparition des cancers chez les enfants, sont connus : une alimentation non Ă©quilibrĂ©e, un manque dâactivitĂ© physique, un environnement de vie nĂ©faste, entre autres. DâoĂč lâimportance, pour FrĂ©dĂ©ric Sotteau, dâorganiser une expĂ©dition en pleine nature, Ă mille lieux du monde urbain. |
PARCOURS MUSCLĂ TOUT SOURIRE
Les larges Ă©paules de FrĂ©dĂ©ric trahissent son passĂ© sportif. Jouant dâune main avec sa chaĂźne dorĂ©e, lâancien skipper professionnel plonge dans ses souvenirs. Lors de sa premiĂšre visite en hĂŽpital, il avait Ă©tĂ© frappĂ© par lâimmobilitĂ© des enfants sous traitement. «Je me suis alors demandĂ© si on pouvait les prĂ©parer physiquement et mentalement Ă leur parcours thĂ©rapeutique, comme les sportifs de haut niveau abordent des Ă©preuves de compĂ©tition, avec pour objectif que lâenfant ait le plus de ressources possible au moment oĂč il attaque la chirurgie.» Et il joint lâacte Ă la parole.
En 2004, il approche le docteur Jean-Claude Gentet, pĂ©diatre-oncologue au CHU La Timone de Marseille. Sur le moment, lâidĂ©e dâinciter les enfants malades Ă faire du sport apparaĂźt comme un vĂ©ritable dĂ©fi au scientifique : «Pendant trĂšs longtemps, les enfants atteints de cancer ou sous chimiothĂ©rapie passaient pour des enfants trĂšs fragiles, quâil fallait protĂ©ger de tout, y compris des activitĂ©s physiques.» Mais il mesure la potentialitĂ© du projet et dĂ©cide de rejoindre lâassociation. Petit Ă petit, Sourire Ă la Vie met en mouvement les enfants hospitalisĂ©s au service dâoncologie pĂ©diatrique de La Timone, Ă©paulĂ©e par lâĂ©quipe mĂ©dicale. Les rĂ©sultats sont positifs, lâopĂ©ration connaĂźt un certain succĂšs et 10 ans plus tard, lâassociation se dote de son propre lieu dâaccueil, le Phare des Sourires.
«Les outils du sport de haut niveau se sont rĂ©vĂ©lĂ©s dâemblĂ©e trĂšs utiles, remarque le Dr Gentet, ils ont permis dâaccompagner les enfants de façon adaptĂ©e et pertinente, en termes de prĂ©paration physique et psychologique, dâimagerie mentale et de rĂ©gime diĂ©tĂ©tique». En effet, Ă la perte dâappĂ©tit, la fatigue physique et la dĂ©pression de la chimiothĂ©rapie, le sport rĂ©pond faim, Ă©nergie et courage.
QUATRE MILLE LIEUES SOUS LES NEIGES
Pas Ă pas, les enfants laissent derriĂšre eux leur chambre stĂ©rile, puis lâunivers clos de lâhĂŽpital, pour finir par quitter la ville et la terre ferme. «Au dĂ©but, nous partions en sĂ©jour de ski ou en bateau, un jour ou deux, puis une semaine, se souvient Jean-Claude Gentet, et puis nous avons constatĂ© que les enfants tenaient le coup et mĂȘme progressaient, que les parents Ă©taient ravis et demandaient Ă nous accompagner. Donc on a continuĂ© !»
Cette annĂ©e, mĂȘme concept, seule la destination change. PlongĂ©s dans les tempĂ©ratures lapones avoisinant les moins 20 degrĂ©s, les enfants puisent dans leurs ressources, en connexion avec la nature environnante. Sur les 150 enfants que lâassociation prend en charge, 12 sont sĂ©lectionnĂ©s.
«Une aventure comme la Laponie transforme la vie et le quotidien de lâenfant, explique FrĂ©dĂ©ric. Donc on les choisit en se demandant pour qui ce levier sera le plus bĂ©nĂ©fique.»
«Un enfant malade, on lâimagine dans un lit dâhĂŽpital, pas sur un bateau ou sur un traĂźneau», lance FrĂ©dĂ©ric Sotteau. Plus encore que la reprĂ©sentation que lâentourage se fait des capacitĂ©s physiques du malade, ce qui importe pour lâassociation, câest de changer la perception que lâenfant a de lui-mĂȘme. Leur bien-ĂȘtre est au cĆur de la prĂ©occupation de FrĂ©dĂ©ric : «On peut passer 50 ans de sa vie Ă sâennuyer, ou deux Ă sâĂ©clater. Pour des enfants dont le pronostic vital est engagĂ©, on a envie de leur faire vivre deux annĂ©es ou six mois fous. » Une action dâautant plus importante que ces petits, souvent isolĂ©s dans leur chambre dâhĂŽpital, ont tendance Ă ĂȘtre oubliĂ©s de la sociĂ©tĂ©.
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