“Qu’elle est belle ma laitue !”
C’était un des cris de Paris
Bondissant par delà les fenêtres des cuisines bourgeoises, il retentissait joyeusement aux oreilles des ménagères. Je vous parle du temps lointain où le bonhomme Crainquebille poussait sa charrette à bras dans la rue Montmartre. Parce qu’aujourd’hui, dans la plupart des rues de nos grandes villes, même en dressant l’oreille, ça m’étonnerait qu’on entende barrir un éléphant. Ce qui n’est pas absolument regrettable, puisque l’agent 64 ne pourrait pas faire croire au juge qu’il a entendu Jérome Crainquebille lui crier “mort aux vaches”…
C’est encore un peu tôt pour la Romaine et la grosse blonde paresseuse, mais la laitue de printemps, pas trop grosse et bien pommée, délicieusement tendre, comme elle porte bien son nom de “reine de Mai”. Elle a fait sa première apparition sur nos tables au déjeuner de Pâques, toute luisante d’huile d’olive et ornée de rondelles d’oeufs durs. Nous ne nous en lasserons pas de si tôt, même si certains jours, elle cède la place aux radis roses si appétissants.
La laitue est connue depuis la plus haute antiquité
Elle a d’abord été utilisée pour ses vertus médicinales. Les Egyptiens croyaient fermement en ses qualités aphrodisiaques. Ils en avaient fait un légume sacré qu’ils présentaient en offrande à la déesse de la fertilité. Les Grecs, eux, voyaient en la laitue une médecine apaisante. Galien, le grand médecin, recommandait sa consommation, tant en salade qu’en décoction, pour combattre l’insomnie.
Cette propriété lui est aujourd’hui officiellement reconnue, puisqu’on a décelé dans sa composition, à très faible dose, il est vrai, un produit calmant, doucement somnifère, le lactucarium. D’où la coutume de joindre les grosses feuilles de la laitue aux légumes de la soupe du soir.
Composée de 94,5 % d’eau, il ne faut pas compter sur la laitue comme source d’énergie. C’est avant tout un aliment rafraîchissant qui nous apporte une très faible quantité de protides, de glucides et quelques traces de matière minérale. Il ne faut pas oublier toutefois qu’elle nous apporte aussi de la cellulose bien utile pour réguler le transit intestinal et de la vitamine E.
C’est sans doute la raison pour laquelle le gros du bataillon des 758 millions de pieds de salade, dont plus de la moitié est composée de laitues, produites dans l’hexagone durant la saison 2000-2001, a fini sa courte vie dans le saladier. Et il n’y a rien de plus simple que de préparer une salade verte. La seule erreur à ne pas commettre serait de la laisser tremper dans l’eau après l’avoir nettoyée. Elle y laisserait ses vitamines.
Pour avoir un résultat impeccable, il faut seulement prendre le temps de mettre au point une formule personnelle d’assaisonnement et de s’y tenir. Moi, Anaïs Dufourneau, pour une petite laitue, je mélange bien une cuillerée à soupe de vinaigre avec 1/2 cuillerée à café de sel, puis j’ajoute 5 cuillerées à soupe d’huile d’olive, un nuage de poivre et un soupçon de muscade.
Mais n’hésitez pas à préparer la laitue de bien d’autres façons. Trois ou quatre coeurs de laitue braisés avec des petits pois seront succulents et donneront un goût très fin à votre plat. Après l’avoir détaillée en chiffonnade, vous en ferez des beignets, enrichie de viande hachée, vous en garnirez des chaussons. Par temps d’abondance, vous farcirez des coeurs de laitue, comme on farcit des oignons, ou vous en ferez un accompagnement pour un plat de poisson, en la faisant simplement fondre dans du beurre. Prévoyez une quantité 2 fois et demi supérieure à celle que vous utiliseriez pour une salade (soit 250 g par personne au lieu de 100 g).
Anaïs Dufourneau