communauteSans
Communauté
boutiqueSans
Boutique
Image décorative. En cliquant dessus, on découvre les différents abonnements proposés par Rebelle-Santé
S’ABONNER

La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Vandana Shiva au Pérou

Vandana Shiva, en Inde, se bat depuis 25 ans pour préserver les semences et lutter contre les multinationales qui tentent de s’en emparer en brevetant le vivant. Invitée cet été par l’association Kokopelli pour le festival Kokopelli-PachaMama, elle a donné une conférence le premier jour, le 1er août, pour expliquer son combat.

« Je suis heureuse d’être là avec vous aujourd’hui, dans ce paysage magnifique de montagnes. J’ai la chance et l’honneur d’être accompagnée ici par mon fils Kota, dont le nom signifie dans ma langue “le dieu des guerriers” et qui voyage très rarement avec moi.
Depuis que mon fils est entré dans ma vie, j’ai compris une leçon fondamentale : l’amour le plus profond permet de mener les batailles les plus féroces.
C’est parce que nous aimons profondément notre terre que nous nous battons pour la défendre et défendre la vie.
La semence est à l’origine de la vie. Or, la semence est actuellement menacée par la colonisation.
Nous devons défendre la semence libre pour rester libres nous-mêmes.
Deux éléments ont déclenché ma prise de conscience de cette colonisation de la semence.

C’ÉTAIT EN 1984
Le premier élément fut la catastrophe de Bhopal
, en Inde, un accident dans une usine chimique qui a fait 3000 morts au moment de l’explosion et qui continue à tuer depuis. 30 000 personnes sont encore en train de mourir des suites de cette catastrophe et des enfants mal formés continuent à naître.
Les violences dans le Penjab, une province indienne, furent le second élément déclencheur. C’est dans cet “état des 5 rivières” qu’a eu lieu la grande “révolution verte” récompensée par un prix Nobel de la Paix en 1970 : cette “révolution verte” a consisté en l’introduction massive d’intrants chimiques et de semences “modernes” et a finalement été responsable, en 1984 aussi, année de la catastrophe de Bhopal, d’une véritable guerre responsable de 30 000 morts.

On a voulu nous faire croire que les semences modernes étaient “magiques”. Or, ces 25 dernières années, nous nous sommes rendu compte qu’au contraire, ce sont nos semences ancestrales, traditionnelles, indigènes qui produisent le plus, avec la meilleure qualité nutritionnelle et qui sont génératrices de plus de revenus pour les agriculteurs. Seules ces semences peuvent être à la base d’une agriculture responsable et durable. J’ai toute la documentation prouvant que la biodiversité de nos semences anciennes permet de produire plus et mieux que leurs semences modernes.

ON ASSISTE ACTUELLEMENT À DEUX GRANDS MENSONGES :
1/ Les graines industrielles sont censées être supérieures aux autres. Elles ne le sont que parce qu’elles donnent plus de pouvoir aux industries chimiques (qui sont les anciennes industries de l’armement reconverties) ; mais elles sont responsables de maladies et détruisent la planète. Ce ne sont pas des semences du futur, mais d’un passé que l’on voudrait voir derrière nous.
2/ Cette industrie de guerre qui fabrique les semences modernes distille un second mensonge : elle aurait “créé” et “inventé” des semences. Et elle utilise comme outil le dépôt de brevet qui la rend propriétaire du début de la chaîne alimentaire. C’est ce sur quoi nous devons lutter.

Les semences ne sont pas l’invention de Monsanto. La seule chose que Monsanto a inventé, c’est un gène de toxicité ; cette entreprise devrait être punie pour ça au lieu d’être récompensée.
Il faut être un véritable psychopathe pour prétendre être l’inventeur des semences, introduire la toxicité et s’ériger au-dessus de tous. À tous les niveaux, Monsanto a déclaré la guerre à la vie.

Heureusement, depuis 25 ans, des paysans ont préservé les semences, les ont conservées. Ces semences renferment des millénaires d’Histoire paysanne, agricole et culturelle.
Regardez autour de vous, ici, en Amérique Latine, la biodiversité a été préservée et on trouve des centaines de variétés de maïs, de pommes de terre, de tomates…
Regardez ce qu’ont fait en Inde les propriétaires des semences brevetées : ils ont répandu partout 4 semences seulement (maïs, soja, colza, coton) dans lesquelles ils ont introduit deux gènes de toxicité. Ils ont réussi à nous voler nos semences, notre propriété. C’est de la biopiraterie.

Chez nous, nombre de variétés ont ainsi été “déposées”, nous nous sommes battus pendant 11 ans contre les brevets que le gouvernement américain et des entreprises américaines voulaient déposer sur le neem, un de nos arbres dont ma grand-mère déjà connaissait les propriétés insecticides. Nous nous battons pour “sauver” notre riz basmati de cette emprise. Plus de 1500 brevets ont déjà été déposés sur des espèces agricoles. Ils vont jusqu’à breveter certaines de nos plantes sacrées, comme l’ayawaska.
Vous avez sans doute entendu parler du sommet de Rio : l’économie verte dont on a débattu là-bas consiste simplement à se rendre propriétaire de tout ce qui a été créé sur la planète par la Pacha-Mama (Terre-mère NDLR).
Imaginez les profits réalisés avec les royalties de cette appropriation des semences.

Depuis l’introduction du coton BT en Inde, un quart des paysans indiens s’est suicidé à cause de l’endettement incontournable pour se procurer des semences transgéniques et pouvoir simplement planter.
Ce que veulent les psychopathes qui mettent en place ce système, c’est qu’il n’y ait plus aucune semence libre, c’est être propriétaires de toutes les semences disponibles pour obliger les paysans à les leur acheter. Et pour cela, ils ont deux armes :
1/ Ils polluent les semences traditionnelles avec les OGM.
2/ Ils rendent l’usage des semences traditionnelles illégal.
En d’autres temps, nous avons connu d’autres psychopathes qui pensaient qu’on pouvait rendre d’autres personnes esclaves ou bien supprimer des communautés.
Mais, heureusement, il y avait de petits groupes, des groupes comme le nôtre aujourd’hui, qui pensaient que les noirs et les indigènes étaient aussi des êtres humains et que l’esclavage devait être aboli.
Et l’esclavage a été aboli.
Aujourd’hui, le mouvement d’abolition doit être celui de l’abolition du droit de breveter la vie et les semences.

COMMENT LIBÉRER LES SEMENCES ? COMMENT LIBÉRER LA VIE ?
1/ En sauvant les semences, en les conservant, en les gardant précieusement, sinon nous n’aurons plus aucune maîtrise sur les productions futures.
2/ En suivant le chemin de Gandhi qui voyait deux facettes à un mouvement guerrier de résistance : la créativité, c’est-à-dire le “sauvetage” des semences, mais aussi la résistance à l’oppression. Et la meilleure manière de stopper les psychopathes consiste à les priver d’oxygène. Cet oxygène qui les fait vivre, ce sont nos croyances en la validité de leurs lois.
Gandhi disait : “L’esclavage existera tant que la superstition des peuples les fera obéir à des lois injustes”.

NOUS N’OBÉIRONS PAS AUX LOIS INJUSTES
Aujourd’hui, nous savons qu’il est possible de remporter la guerre contre les psychopathes ; les psychopathes le savent aussi.
Alors ils mettent les bouchées doubles pour faire passer des lois dans le monde entier et sont capables, comme ils l’ont fait dernièrement au Paraguay, de renverser un gouvernement si ce dernier veut faire passer des lois contre les OGM.
Récemment, selon WikiLeaks, l’ambassadeur des États-Unis a déclaré que, comme la France résistait aux OGM, les États-Unis devraient rentrer en guerre contre la France puisqu’ils ont décidé de répandre des OGM sur toute la planète.
Nous sommes à un moment historique unique. Nous devons nous donner la main pour sauver les semences, pour lutter contre cet objectif d’appropriation et défendre la vie sur la planète.
Quelques psychopathes contre des dizaines de milliers de semences et des milliards d’humains : on ne peut pas imaginer ne pas gagner la bataille !

Cela fait des années que nous souhaitons créer une alliance mondiale de sauvetage des semences et de la liberté.
Quand Dominique (Dominique Guillet, Président-fondateur de l’association Kokopelli, NDLR) m’a invitée ici, je suis venue sans hésiter malgré les milliers de kilomètres à parcourir, car je pense que le continent latino-américain doit occuper une place importante dans ce mouvement mondial.
Nous avons commencé à nous organiser et il nous faut amplifier le mouvement.

JE PROPOSE DE FAIRE AINSI :
1/ Nous devons créer une alliance qui rassemble, dans les 3 ans qui viennent, plus d’un million de signatures contre l’appropriation et le brevetage des semences. Vous pouvez trouver la pétition à signer sur www.seedfreedom.in

2/ Nous sommes nombreux et dispersés et nous ne connaissons pas les multiples initiatives de lutte pour la préservation des semences. Nous devons recueillir et rassembler ces informations pour rédiger un grand rapport sur ces actions.
Le 2 octobre, c’est l’anniversaire de Gandhi, de la non-coopération et de la résistance à l’oppression. Tous, ce jour-là, rassemblons-nous pour dire non à l’injustice, non aux OGM, non à l’appropriation du vivant.
Nous sommes régis par les lois de la Pacha-Mama, pas par leurs lois.
La nuit du 2 octobre, nous réaffirmerons que tant qu’il n’y a pas de souveraineté sur les semences, il n’y aura pas de souveraineté alimentaire.
J’ai hâte de célébrer cette journée. »

Pour lire la suite

Déjà abonné·e, connectez-vous !

Magazine

À lire aussi

Oui, les herbicides sans glyphosate sont aussi des poisons !

Les débats sur l’interdiction du glyphosate seraient-ils un leurre ? La molécule n’est sans doute pas la plus toxique parmi les produits qui composent le Roundup de Monsanto, mais c’est le seul déclaré. C’était déjà une des conclusions des recherches du Pr Gilles-Éric Séralini et de son équipe en 2005. À la suite d’une de ses nouvelles études sur les produits cachés dans les herbicides nouvelle génération commercialisés sans glyphosate, neuf associations de défense de l’environnement ont porté plainte le 1er décembre dernier auprès des autorités sanitaires.

Inscrivez-vous à
Pour ne rien rater
Notre lettre info
1 à 2 envois par mois