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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Un chercheur attaqué par l’industrie du sel

Pierre Meneton, chargé de recherche à l’Inserm, est attaqué en diffamation par le Comité des Salines de France qui lui reproche une phrase publiée dans un article intitulé « Sel, le vice caché », paru dans le numéro de mars 2006 du magazine TOC. L’audience se tiendra le 31 janvier 2008 à Paris.

Par Thierry Souccar

C’est toute l’industrie du sel qui est à l’origine de cette plainte ?
C’est le Comité des Salines de France, c’est-à-dire essentiellement les Salins du Midi et les Salines de l’Est. Les producteurs de sel de l’Atlantique ne sont pas impliqués, ils ne se sont pas associés à ce lobbying actif. J’ai même des rapports cordiaux avec eux.

Qui vous défend ?
On a un bon avocat, Maître Bernard Fau et j’ai la chance que l’association Mieux Prescrire m’ait proposé de prendre en charge les frais, sinon j’aurais eu beaucoup de mal à assurer seul le coût de ce procès.

Quel est exactement le point de départ ?
Il s’agit d’un article publié dans la revue TOC. Mais cet article me semble un prétexte, et je me demande pour quelle raison véritable le lobby du sel attaque en justice. Cela dit, il y a une certaine logique dans tout ça. Le lobby international du sel suit cette stratégie depuis 2002. Cette année-là, ils ont attaqué l’Institut National de la Santé des Etats-Unis (NIH) au sujet de la publication d’une étude très impor- tante qui s’appelle DASH-sodium. Dans cette étude très bien conduite, le NIH avait trouvé que lorsqu’on mange moins de sel, la pression artérielle diminue en conséquence. L’étude DASH confirmait beaucoup d’études antérieures. Une partie des données a été publiée en 2001, mais en 2002, le lobby du sel a donc attaqué le NIH en prétextant que cette institution faisait de la rétention des données brutes de l’étude. Ils demandaient à avoir un accès direct à ces données. Évidemment, le NIH a refusé en expliquant, comme c’est le cas pour toutes les études de ce genre, qu’il faut un peu de temps pour analyser et publier les résultats bruts. Le lobby du sel a perdu ce procès.

Tu parlais de stratégie. Il y a d’autres exemples de cette offensive ?
Oui, en Grande-Bretagne. La Food Standards Agency (FSA), qui est un peu l’équivalent de notre Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et de notre Programme national nutrition santé (PNNS) réunis, est très active depuis 2005 sur le rôle du sel sur la santé. À la fin de l’année 2005, courant 2006 et au printemps 2007, la FSA a conduit des campagnes nationales de grande envergure pour sensibiliser la population aux effets de l’excès de sel. Le slogan, c’est Too much salt is bad for your heart (Trop de sel nuit à la santé cardiovasculaire). Eh bien, le lobby du sel a attaqué la FSA pour diffamation envers le produit après la première campagne. Bien sûr, les autorités de santé britanniques sont montées au créneau et le lobby a perdu son procès.

Et pourquoi à ton avis maintenant en France ?
Dans le PNNS 2, il est prévu une campagne nationale sur les dangers de l’excès de sel, courant 2008 ou 2009. Peut-être le lobby du sel veut-il créer un préalable, obtenir une décision qui leur permettrait de neutraliser cette campagne. Ils ont poursuivi le magazine TOC et m’ont poursuivi non pas sur le fond du dossier qui est la nocivité du sel en excès, mais pour cette phrase : « Le lobby des producteurs de sel et du secteur agroalimentaire industriel est très actif. Il désinforme les professionnels de la santé et les médias. »

Comment le lobby du sel désinforme-t-il en France ?
Le lobby du sel s’appuie depuis 15 ans sur les déclarations d’un tout petit nombre de scientifiques en ignorant les quelque 40 expertises collectives nationales ou internationales qui, depuis 40 ans, disent toutes la même chose, à savoir que le sel en excès est un facteur de risque de l’hypertension et des maladies cardiovasculaires. L’objectif est de maintenir l’illusion qu’il existe un débat scientifique et qu’il n’y a pas de consensus sur le sujet.

Nous savons toi et moi que la force des lobbies est de s’appuyer sur des experts.
Oui, on a connu cela pour le plomb, le tabac ou l’amiante, mais ça a toujours été un petit nombre d’experts délibérément mis en avant au détriment des expertises collectives. C’est aussi vrai pour le sucre, le lait, mais, pour le sel, c’est vraiment caricatural au vu de l’évidence scientifique disponible. Que des scientifiques arrivent encore à nier le problème posé par l’excès de sel, c’est inacceptable. Cela remet en question la finalité même de la recherche dans notre société. Si plus de 40 expertises collectives, auxquelles ont participé des centaines d’experts qui ont compilé le travail de milliers de chercheurs, ne sont pas prises en compte et peuvent être ignorées aussi facilement par quelques experts et que cela aboutit à entretenir un flou artistique, on peut se poser la question de savoir à quoi sert toute cette recherche.

Le grand public a du mal à mesurer la puissance de ces lobbies.
C’est simple. Au cours des 5 dernières années, trois commissions de l’Afssa ont émis des avis sur les problèmes posés par le sucre, le sel et les acides gras trans. Et qu’est- ce qui s’est passé ? Rien : aucune réglementation, aucune mesure d’étiquetage, les pouvoirs publics ne bougent pas.

Que peuvent faire les consommateurs ?
Quand on voit un lobby comme celui du sel, on se dit que les associations de consommateurs ou de malades sont bien faibles. Aux Etats-Unis, une association qui s’appelle Center for Science in the Public Interest (CSPI) expérimente une approche originale. Dans ce pays, la consommation de sel a augmenté de 30 % depuis 1970. Alors, en 2006, le CSPI a attaqué la Food and Drug Administration pour n’avoir rien fait contre la surconsommation de sel alors qu’elle aurait pu agir depuis au moins 20 ans. Autre piste, il existe un délit en droit français qui s’appelle la tromperie aggravée : c’est le fait d’exposer quelqu’un à un risque avéré à son insu. Ça semble être le cas pour tous les produits alimentaires surchargés en sel, sucre ou acides gras trans sans aucun étiquetage prévenant les consommateurs des dangers encourus en cas de surconsommation chronique.

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