Une BD sur la mémoire et l’identité
Dans un élégant format à l’italienne, une énigme en bande dessinée avec, pour indice, une citation de Spinoza : « Les hommes se trompent en ce qu’ils se croient libres ; et cette opinion consiste en cela seul qu’ils ont conscience de leurs actions et sont ignorants des causes par où ils sont déterminés. » Cette bande dessinée, dans la lignée philosophique de la série Julius Corentin Acquefacques, prisonnier des rêves, met en scène Otto Spiegel, un artiste contemporain au sommet de sa gloire, qui n’a eu de cesse de s’inspirer de lui-même pour créer son art, mais qui, à force de puiser dans les profondeurs narcissiques, a révélé le vide. Son reflet se brouille dans le miroir et provoque le vertige, quand il reçoit en héritage une malle, qui contient en photographies, enregistrements ou vidéos, toute la mémoire des sept premières années de sa vie. Télescopant du passé au présent les quelque milliers d’heures de souvenirs, l’homme se réapprend sur la base de cette mémoire qui l’a fait et se réécrit dans la mise en abyme des cases. Une fable métaphysique et poétique, magistralement orchestrée par un maître du paradoxe graphique, dessinateur de la conscience, qui rend visibles les chemins de l’exploration mémorielle à la redécouverte de soi-même. Sublime.
- Otto, l’homme réécrit, Marc-Antoine Mathieu. Éditions Delcourt – 72 pages – 31 x 20 cm – 19,50 €
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