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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Vagineering un contraceptif dans la flore vaginale ?

La pilule reste le moyen de contraception le plus utilisé en France malgré des effets secondaires conséquents. C’est dans ce contexte qu’une équipe d’étudiants de Montpellier a décidé de lancer le projet Vagineering, qui se concentre sur une bactérie de la flore vaginale avec pour ambition de la transformer en contraceptif viable. 

Et si la flore vaginale produisait son propre contraceptif ? Neuf étudiants montpelliérains ont émis l’hypothèse que oui. Avec leur projet Vagineering, ils ont choisi d’étudier la bactérie Lactobacillus jensenii. Celle-ci fait partie des bactéries les plus représentées dans le microbiote vaginal (23 %) et possède le plus d’atouts pour devenir, après modifications, un spermicide naturel.

« Nous sommes des étudiants en bio­- technologie, biophysique, science du médicament, ingénierie de l’environnement et génie génétique », raconte Léo, membre de l’équipe Vagineering.

Avec ses camarades, il a passé tout l’été au Centre de Biochimie Structurale, à Montpellier. Dans leur laboratoire, ils ont « caractérisé » la bactérie : « Cela veut dire savoir dans quelles conditions elle peut être cultivée, quel protocole, quelle méthode peuvent être utilisés pour injecter des séquences ADN », explique Léo. « Toutes les bactéries ont des sortes de légos différents. Le but, c’est d’insérer des gènes, des séquences d’ADN dans des organismes (ici la bactérie) pour qu’elles puissent coder ce dont on a envie. »

Allier enjeu scientifique et social

L’équipe d’étudiants prépare le concours IGEM (International Genetically Engineered Machine), organisé par le MIT à Boston. Cette organisation récompense des projets scientifiques du monde entier et cette année, 9 équipes françaises sont en compétition dans différentes catégories.

Travailler sur la contraception s’est rapidement imposé à eux, comme le souligne Tamara, autre membre du projet : « On s’est d’abord penchés sur le microbiote vaginal pour voir toutes les applications qu’on pouvait y faire. On a pensé à la contraception par rapport à l’impact de la contraception hormonale sur l’environnement. On voulait choisir pour le concours un thème dont les gens pourraient se souvenir et où il y aurait un vrai impact social, tout en faisant de la vulgarisation scientifique. »

En France, le nombre de femmes qui prennent la pilule comme moyen de contraception tend à baisser.

Selon les chiffres du barème de la santé 2017, 33,2 % des Françaises utilisaient la pilule en 2016, contre 45 % en 2010. Ce phénomène est lié aux effets secondaires de la prise de contraception hormonale sur la santé des femmes. En 2017, une étude néerlandaise démontrait que la prise de contraception hormonale augmentait le risque de dépression de presque 35 %.

Malgré tout, de nombreuses personnes sont mal informées sur les moyens contraceptifs : « On a fait un sondage et les femmes sont globalement satisfaites de leur contraception sans connaître les conséquences qu’elle a sur leur corps, et elles ne connaissent pas bien les autres contraceptifs », affirme Tamara.

Peu de recherches sur le sujet

Malgré un travail de recherches en amont, les étudiants ne sont pas parvenus à trouver énormément de matière. Ainsi, ils doivent faire une sorte de « défrichage » pour obtenir un socle de travail soigneux : « On a passé une grande partie du mois de juin à désigner ces séquences ADN, en regardant ce qui avait déjà été fait », souligne Léo. « Une grosse partie du projet consiste à déblayer le travail, pour faire quelque chose de carré avec de bons résultats que les équipes suivantes pourront utiliser. »

Si ces étudiants sont réalistes sur le temps de travail et de recherches que demande un tel projet, ils imaginent déjà des solutions d’administration de la bactérie : « Ce serait plutôt une pilule qui aiderait la bactérie à coloniser la flore vaginale à assez long terme et, si la femme le souhaite, il pourrait y avoir une réversibilité. Il y aurait une seule prise ou quelques prises par an ou par mois, et une autre prise pour détruire les bactéries et l’effet contraceptif », affirme Léo.

Ils ont déjà questionné des gynécologues sur cette possibilité de prise de la bactérie. À leur échelle, ils ne sont pas encore capables de déterminer si ce moyen serait le plus efficace car « il faut avoir du recul pour imaginer insérer des bactéries modifiées dans un corps humain ».

Zoom sur le slip contraceptif

À Toulouse, le docteur Mieusset a développé un drôle de sous-vêtement masculin : le slip chauffant. En réchauffant la température des testicules de deux degrés, le slip permet d’empêcher la production de spermatozoïdes. Pour qu’il soit efficace, il faut le porter environ 15 heures par jour. Une méthode originale, qui permet aux hommes de s’impliquer dans le processus contraceptif mais qui reste peu développée, puisque le slip est accessible uniquement sur demande directe au docteur Mieusset au CHU de Toulouse.

Un enjeu économique

Le projet touche le grand public et l’équipe montpelliéraine a récolté plus de 3000 euros lors de sa campagne de crowdfunding.

Mais les scientifiques restent cons­cients que l’enjeu économique des ventes d’autres contraceptifs comme la pilule (qui génèrent chaque année des millions d’euros), pourrait freiner les recherches sur la bactérie Lactobacillus jensenii. Ils soulignent néanmoins qu’un contraceptif issu de cette bactérie pourrait changer la vie des femmes partout dans le monde.

Elodie Potente

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