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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Ambiance Bois, le bien-être par l’autogestion

Dans cette scierie coopérative d’un genre particulier, le bien-être des salariés-actionnaires est une valeur fondamentale. Installée à Faux-la-Montagne, au cœur du plateau de Millevaches, dans la Creuse, Ambiance Bois est une des premières entreprises en France à avoir choisi ce statut. Claire Lestavel, qui a rejoint la scierie il y a près de 20 ans, nous présente de l’intérieur cette aventure professionnelle.

Faux-la-Montagne est un village qui a choisi, dès les années 1980, de tout faire pour accueillir les nouveaux habitants. Depuis lors, ce point névralgique du plateau de Millevaches (qui est quand même un des villages les moins peuplés de France) a le chic pour attirer les initiatives alternatives, basées sur le bien vivre et le plaisir de faire ensemble.

Le terreau des alternatives

Ici, la commune, qui a racheté le dernier restaurant du village, soutient une vie associative particulièrement dynamique. Le village de 400 habitants compte une crèche, une maison de santé, créée une dizaine d’années avant la généralisation du concept dans la région. Le coworking était présent avant que l’expression n’existe, grâce à l’association TAF (Travailler à Faux) qui propose ses bureaux à une brochette de travailleurs indépendants. Un écoquartier est sorti de terre récemment. Le village compte un journal associatif et a vu naître, il y a trente ans, Télé Millevaches : une télévision associative citoyenne qui fait circuler l’information entre les différentes communes du plateau et les habitants, en suscitant débats et réflexions.

Le projet d’une bande de copains


C’est dans ce contexte idéal que la scierie Ambiance Bois a vu le jour. Quelques copains motivés qui voulaient croire en une autre société ont commencé par inventer un autre monde professionnel : le leur. Tous ont quitté la région parisienne, en 1988, pour ouvrir à Faux-la-Montage la première scierie en société anonyme à participation ouvrière de France. Le but : privilégier dans le travail le plaisir, la confiance, l’égalité, pour un vrai projet collectif qui fait vivre aujourd’hui 27 personnes. La scierie produit des planches issues des arbres de la région, réalise des chantiers de construction ou d’aménagement, toujours en bois, et un peu de menuiserie.

Claire Lestavel est devenue salariée coopératrice en 1999. Après avoir travaillé dans la pub, chez un chasseur de tête et pour une marque de parfum, elle a choisi de tenter l’aventure avec son mari qui connaissait déjà Ambiance Bois. Pour rien au monde elle ne reviendrait en arrière.

Quelle est votre fonction à Ambiance Bois ?

Claire Lestavel : C’est un rôle de lien avec la clientèle. Je pourrais vous dire aussi que ma fonction, c’est de scier du bois, de livrer des clients ou d’être sur un chariot élévateur. Il n’y a pas de fonctions définies, chez nous. On peut tourner sur les postes, c’était une volonté dès le départ, car tout est lié dans une entreprise. Une personne dans les bureaux peut décider quelque chose et, le lendemain, le mettre en œuvre sur la machine et se rendre compte que, peut-être, des ajustements sont nécessaires. Il y a beaucoup plus de motivation quand on suit du début à la fin, sans forcément passer par toutes les étapes. C’est le point de départ d’une sensation de bien-être au travail : savoir pourquoi on fait quelque chose et pourquoi on le fait de telle façon. Cela donne du sens, c’est primordial.

Comment cela fonctionne-t-il ?

On établit un planning par semaine, en fonction des commandes des clients, des chantiers qui sont en cours, des absences des salariés. Certaines personnes travaillent trois jours cette semaine et deux jours la suivante. On en tient compte dans le planning, puis on adapte à la charge de travail. La première journée, on peut être au bureau, la deuxième, livrer un client, la troisième, aller parler d’Ambiance Bois sur un salon. Certaines personnes sont plus spécialisées dans l’entretien mécanique ou la comptabilité. Et puis, le pôle chantiers a un planning un peu à part, car il ne dépend pas de la clientèle qui vient acheter du bois.

C’est aussi de la souplesse dans l’emploi du temps ?

Oui, et c’est aussi du bien-être. On peut facilement choisir un temps partiel. Cela permet d’avoir des semaines moins fatigantes, notamment lorsqu’on est en production. Physiquement, on tient plus longtemps qu’un ouvrier lambda qui travaille du lundi au vendredi et qui se retrouve à la retraite un peu cassé.

À quoi voit-on que les gens sont plus heureux, ici ?

Il y a peu d’absentéisme, c’est un signe. S’il faut venir un jour où ce n’est pas prévu, on viendra plus facilement qu’ailleurs. On peut compter sur ses collègues, c’est important.

Quel est le statut particulier de cette entreprise ?

C’est une société à participation ouvrière (SAPO). Quand on distribue les dividendes en fin d’année, donc les bénéfices, on distribue pour moitié aux actionnaires du capital – qui ont apporté de l’argent au départ, pour créer l’entreprise – et aux actionnaires de travail que sont les salariés. Ils n’ont pas acheté d’actions mais, au bout d’un an d’entreprise, deviennent salariés coopérateurs et perçoivent collectivement la moitié des bénéfices. Il n’y a pas de raison que seuls les gens qui apportent des fonds récupèrent de l’argent.

Les salariés sont donc actionnaires ?

Ils sont actionnaires de travail, et possèdent des actions du travail, mais comme ils ne les ont pas achetées, lorsqu’ils s’en vont, ils ne les récupèrent pas. Ils n’ont pas besoin d’apporter des parts en argent pour être actionnaires. Parallèlement, ils peuvent aussi acheter des actions du capital. Mais c’est autre chose.

Comment est gérée l’entreprise ?

En autogestion. Le PDG est tiré au sort parmi tous les salariés qui ont plus d’un an d’entreprise. On ne peut pas être une deuxième fois PDG avant que tout le monde soit passé. On peut ou non mettre son nom dans le chapeau. On n’est pas obligé. Moi, j’ai été PDG il y a deux ans.

Et pour les salaires ?

On est tous au même salaire horaire. Quels que soient l’ancienneté, le diplôme ou le métier. C’est un sacré parti pris mais ça annihile beaucoup de souci, de querelles de pouvoir. Une heure vaut une heure, pour tout le monde. Cela fait partie intégrante du concept et n’a jamais été remis en cause. J’ai vu des entreprises où l’on se battait plus pour savoir qui avait le pouvoir plutôt que comment travailler. Au bout d’un moment, ça provoque des tensions, des jalousies.

Cela veut dire qu’il n’y a pas de hiérarchie ?

La hiérarchie se fait quand même, naturellement, par le caractère de chacun. Tout le monde peut donner son avis. Certains ne le feront jamais, parce qu’ils n’ont pas la verve ou l’assurance nécessaire. Il y a des autorités un peu naturelles qui se dessinent. On écoute davantage un des créateurs d’Ambiance Bois, surtout s’il a du bagout et des idées. Et puis, il y a des salariés en qui on a une confiance absolue parce qu’ils sont très pointus dans certains domaines.

Comment sont prises les décisions ?

Tous les jours, on a une pause d’une demi-heure, qui nous permet de parler des choses courantes. Une fois par mois, une réunion permet de traiter des thèmes plus globaux comme les investissements à venir, les chiffres, la stratégie… Si une décision n’a pas obtenu l’aval de tous, elle est reportée jusqu’à ce que tout le monde soit d’accord.

Il faut la majorité absolue ?

Oui. Si une décision est prise trop rapidement, ou n’a pas été intégrée par tous les salariés, cela ne sert à rien. Car c’est difficile de mettre en œuvre quelque chose à contrecœur. Parfois cela nous fait perdre du temps, mais les décisions que nous prenons de cette façon ont été travaillées en amont. De plus, celui qui n’est pas d’accord ne peut pas juste dire “non”, il doit travailler la question et donner des idées constructives. Il y a toujours une logique de consensus. Et puis, à partir du moment où l’on participe tous aux décisions, on ne peut pas dire que c’est de la faute du chef. S’il y a un problème, il faut le traiter et en parler à ses collègues, on est tous partie prenante.

Que représentent les dividendes que vous recevez en tant que salarié ?

Certaines années nous n’en avons pas, cela dépend du chiffre d’affaires. Les dividendes peuvent représenter jusqu’à un mois de salaire. C’est une sorte de 13e mois, quand l’activité marche bien.

Quel est votre taux horaire ?

Au final, on doit gagner à peu près le SMIC horaire plus 20 %. La plupart des gens, ici, ne sont pas à plein temps. On est tous d’accord que si on gagnait un peu mieux notre vie, ce ne serait pas plus mal. Mais si on augmente les salaires, c’est autre chose que de payer des dividendes. Car si le chiffre d’affaires baisse l’année suivante, on ne peut pas baisser les salaires. On préfère donc que ce soit sous forme de prime d’activité. D’autant que notre chiffre d’affaires a tout de même baissé.

Quelles sont les valeurs de l’entreprise ?

Il y a le respect, la confiance. Et puis, on ne considère pas les clients juste comme des porte-monnaie. On ne va pas proposer du bois à quelqu’un si l’on sait que cela ne correspond pas à son projet. Il aurait l’impression de s’être fait berner et ne reviendra pas. C’est une évidence pour nous : respecter la personne qui est en face.

Que tirez-vous de cette expérience ?

Je suis contente d’y être toujours, même si parfois c’est un peu dur. Ça peut sembler être en circuit fermé, comme un clan ou une famille, mais on s’y sent bien, c’est un cocon.
On a la possibilité de faire autre chose. Et puis, le temps partiel permet de mieux supporter le travail. Moi, je m’y retrouve, alors que j’ai souffert ailleurs. Ici, il y a la confiance. Ça vaut tout l’or du monde.

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