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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

De l’eau et des plantes, la médecine des Druides

Il y a 2000 ans, être druide ne s’improvisait pas. Un long apprentissage permettait aux postulants d’exercer une excellente médecine.
Grâce à l’archéologie, nous en savons un peu plus aujourd’hui…

« La dame au torque » sculpture en bois du Ier siècle après J.-C. découverte à la source des Roches à Chamalières (63).

La médecine de nos ancêtres celtes était, semble-t-il, très avancée. Ils avaient un savoir comparable à celui des Égyptiens. À l’époque, les druides utilisaient la phytothérapie et profitaient des bienfaits des eaux thermales. Excellents chirurgiens et prothésistes, ils étaient également des oculistes réputés ! Allons voir cela de plus près avec l’archéologue Myriam Philibert…

Madame Philibert, pouvez-vous nous dire comment l’on devenait druide, il y a 2000 ans ?

Myriam Philibert : Être druide ne s’improvisait pas, loin de là… À l’âge de 7 ans, les enfants (garçons et filles) qui se destinaient à cette lourde responsabilité entraient dans une École à mystères. Leur cursus durait 20 ans !

Ils apprenaient à lire, à écrire le grec et le latin, à compter puis apprenaient, par cœur, des épopées.
On leur enseignait aussi à reconnaître les plantes ainsi que leur utilisation qu’ils devaient mémoriser, faute d’écrits à ce sujet. Les futurs druides développaient des moyens mnémotechniques, comme l’association de plantes : ASV pour camomille (anthemis), sauge (salvia), verveine (verbena)…
Précisons que ces noms latins, encore utilisés de nos jours, sont issus du gaulois. 

Et s’ils échouaient avant le terme de ce long apprentissage ?

Les apprentis-druides qui arrêtaient leur cursus avant la fin trouvaient une autre vocation. Les jeunes filles devenaient souvent des sorcières – au bon sens du terme, bien sûr. Ce titre leur permettait d’accomplir une thérapie magique (précisons que la magie intervient lorsque “l’âme agit”) en utilisant des incantations, des talismans qu’elles confectionnaient, telles ces lamelles de métal – sortes de plaques de 10 à 30 cm de long, en argent, gravées d’une formule du genre : “Enlève le mal à l’estomac de…” La personne la portait sur elle… et guérissait selon la dose de foi qu’elle y mettait. Ces femmes se servaient aussi de pierres sacrées (les fameux oghams dont nous parlions le mois dernier), de cristaux tels que le quartz blanc ou des pierres vertes comme la serpentine, la variolite, etc. Il existait des Collèges de druidesses répartis sur tout le territoire gaulois.


Plaquette votive en plomb (site de Chamalières – Source des Roches)

Ceux qui arrivaient au bout du cursus devenaient donc médecins ?

Oui ! Et des médecins réputés qui plus est. On sait, par exemple, qu’au fil des années, leurs études très poussées les menaient à la découverte du corps humain et à sa réparation. Dans les sources de la Seine, on a retrouvé des planches d’anatomie interne et des statues en bois représentant des druides. On sait aussi, d’après une légende irlandaise, que le roi Conchobar s’était fracturé le crâne en tombant de cheval ; condamné à ne plus bouger, c’est un druide-médecin qui l’a sauvé en lui confectionnant un serre-tête. Le druide d’un autre roi irlandais, Nuada, lui avait confectionné un bras d’argent pour qu’il puisse continuer de régner.

Ces mêmes médecins apprenaient la chirurgie et savaient réduire les fractures. Ils étaient capables de faire des prothèses de bras, de jambes et connaissaient, évidemment, l’anesthésie et l’antisepsie grâce aux plantes. C’étaient des phytothérapeutes hors-pair ! Nous savons, par exemple, que Marcellus, médecin de l’empereur Théodose Ier, recense 2500 préparations médicales gauloises dans un recueil de remèdes intitulé De medicamentis… Le Vidal avant l’heure !

Mais encore ?

Nous savons, grâce aux écrits de Pline l’Ancien, botaniste latin d’origine gauloise, comment certaines plantes (il en mentionne près d’un millier dans la pharmacopée) étaient utilisées. La camomille (anthemis) servait à guérir des morsures de serpent ; on tressait des couronnes avec les fleurs ; l’armoise (artemisia) et la sauge (salvia) soignaient la fatigue, tandis que le chiendent (gramen) préservait des inflammations.

Le lierre terrestre (hedera helix) était le remède de la rate ; ses feuilles étaient utilisées pour les brûlures. Le millepertuis (hypericum perforatum) était, bien sûr, la plus recherchée des plantes de la Saint-Jean (ramassées au solstice d’été) !

Le gui (uisucos), plante emblématique des Gaulois, a remplacé la loranthe, disparue d’Europe et qui nous vient désormais de Chine ; elle soignait le cœur, tout comme notre viscum album…

Et les oculistes, alors ?

Ces druides étaient excessivement doués dans la médecine des yeux : leur réputation d’oculistes était reconnue dans le monde entier de cette époque celtique. Des petites trousses d’instruments de chirurgie contenant scalpel, trépan, tarière, forceps, sondes, canules, scies, curette, aiguilles et crochets (agrafes) ont été retrouvées sur différents sites archéologiques pour en attester. On peut à présent les voir dans certains musées, notamment dans celui de Strasbourg.

Parlez-nous des eaux thermales…

Leur grand domaine, c’était l’hydrothérapie, en effet ! Ils connaissaient fort bien les bienfaits des eaux thermales, très nombreuses à cette époque. Les villes d’eau telles Aix-les-Bains, Rennes-les-Bains, La Bourboule étaient très prisées. Les eaux bienfaitrices étaient souvent consacrées à Apollon, le dieu guérisseur des Grecs et des Romains. On a aussi retrouvé des petits autels ou oratoires consacrés aux déesses des eaux – Divona, par exemple, qui a donné son nom à Divonne-les-Bains.

À Gréoux-les-Bains, en Haute-Provence, où les curistes affluent toujours pour soigner leur arthrose et les voies respiratoires, Gaulois et Romains venaient “prendre les eaux” – de nombreux vestiges en attestent. Ces eaux étaient déjà renommées à l’époque celtique – d’où le nom de Gresilium (eau de la douleur)


Thermes de Gréoux-les-Bains, troisième station thermale en France, renommée du temps des Celtes. Les Romains utilisèrent les eaux jaillies des rochers en aménageant conduites et puits.

Et, qu’en est-il de nos jours ? Trouve-t-on toujours des druides ?!

Oui ! Un mouvement néo-druidique existe toujours bel et bien. C’est un peu secret et ne rentre pas qui veut dans ces assemblées. C’est au XVIIe siècle qu’un engouement pour le celtisme a vu le jour, notamment avec la redécouverte de Stonehenge, et se sont alors constitués des “bosquets”, en parallèle aux loges maçonniques. Deux cent ans plus tard, les Bretons ont repris le flambeau et le druidisme s’est développé en France.

Il avait été occulté entre les XIIe et XVIIe siècles – années durant lesquelles il ne s’était rien passé. Il y avait des sorcières, surtout dans les campagnes, mais pas de mouvement organisé. Elles ont vite disparu à l’arrivée de l’Ordre des médecins. Mais les rebouteux existent toujours ; ils sont eux aussi issus de la même tradition populaire. Le néo-druidisme est savant et technique, et toujours actif.


Stonehenge, cercles de pierres dans le sud de l’Angleterre

UN PEU de lecture
Nos ancêtres les Gaulois, de Renée Grimaud (Éditions Ouest-France). 18,50 €.
Druides, de Georges Bertin et Paul Verdier (Éditions de l’Apart). D’occasion sur internet à partir de 6,40 €.
Les druides, les sociétés initiatiques celtiques contemporaines, de Michel Raoult (Éditions du Rocher). D’occasion sur internet à partir de 8 €.

CONTACT :
Myriam Philibert – 16, rue Genty – 84240 La Motte- d’Aigues.
Originaire d’Auvergne, Myriam Philibert fut archéologue au Puy-en-Velay durant de nombreuses années avant de travailler pour la direction des Antiquités (recherches archéologiques) à Aix-en-Provence. Auteur de nombreux ouvrages, elle écrit des articles et donne des conférences dans la France entière.

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Coline Serreau

La réalisatrice multi talents revient sur le devant de la scène avec un livre très personnel : #colineserreau*. Elle évoque ses combats, son passé, ses passions, ses convictions. Elle y partage son insatiable curiosité et son regard affûté sur notre société. Rencontre.