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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

L’avortement

Ou le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes

Reconnu en France par la loi Veil de 1975, l’avortement n’a jamais cessé d’être pratiqué depuis l’Antiquité. Son histoire est directement liée à celle de l’accouchement, présentée dans le magazine du mois dernier, et à celle de la contraception, au menu du mois prochain.

Le 10 décembre 2013, le Parlement européen rejetait la proposition visant à uniformiser l’accès à la contraception et à l’avortement dans l’Union. Certains pays limitent ou interdisent encore l’accès à l’avortement (Malte, Chypre, Luxembourg, Irlande, Espagne, Pologne). En France, il se pratique en moyenne 200 000 IVG par an, un chiffre stable depuis 40 ans.

QU’EST-CE QUE L’AVORTEMENT ?

L’interruption de la grossesse peut se produire accidentellement ou délibérément. On parlera de « fausse couche », dans le premier cas, et d’IVG (d’interruption volontaire de grossesse) dans le second. Une maladie, une mauvaise hygiène de vie, des carences liées à la malnutrition de la mère suffisent à entraîner des complications lors de la grossesse, jusqu’à la mort du fœtus. La « fausse couche » n’est donc pas simplement un critère biologique de sélection, un moyen pour la nature d’évacuer « l’inadapté génétique ». Dans l’Antiquité, une grossesse sur quatre était ainsi interrompue.

De la mère à l’enfant

Les politiques de régulation et de contrôle des naissances, selon les contextes de dépopulation ou de surpopulation, ont conduit très tôt les sociétés à légiférer sur l’avortement, l’abandon ou l’infanticide. Le Code d’Hammourabi, daté d’environ 1750 av. J.-C., interdit l’avortement. Mais le plus ancien des traités de médecine égyptien, le papyrus Ebers (vers 1500 av. J.-C.) contient, quant à lui, des méthodes contraceptives et des prescriptions pour faire avorter les femmes. Hippocrate s’exprime moralement (1) contre l’avortement, mais prescrit l’avortement thérapeutique dans le cas d’un risque pour la mère lors de l’accouchement. La vie d’une femme adulte passe avant l’embryon. La tradition patriarcale gréco-romaine n’interdit pas l’avortement, mais la femme n’a pas le droit d’avorter à l’insu de son mari.

La criminalisation laïque de l’avortement au XIXe siècle

Malgré la sévérité de la législation, le XIXe siècle fait face à une augmentation considérable des avortements dans les villes, un phénomène complexe lié à l’exode rural, à la révolution industrielle et à la sociabilité urbaine. La pratique touche en grande majorité les milieux populaires et le plus souvent des femmes célibataires, mais la part des femmes mariées ne cesse de croître. En 1913, Madeleine Pelletier écrivait « l’avortement n’est plus comme autrefois un fait exceptionnel ; c’est, on peut le dire, la règle et dans toutes les classes de la société. »

En 1855, le médecin légiste Ambroise Tardieu, avec son Étude médico-légale sur l’avortement, ouvre le pas à la médecine légale, en répertoriant toutes les méthodes pour dépister les avortements clandestins. Violemment engagé dans la répression, Tardieu veut donner les moyens aux médecins « d’éclairer » la justice, mais il dresse aussi la liste des risques, et des statistiques qui démontrent les dangers de l’avortement tardif.

Le droit à l’avortement, une conquête féministe de l’après-guerre

Avant la guerre de 1939-45, toutes les militantes féministes n’adhèrent pas aux arguments du néomalthusianisme. Mais, dans les années 1950, avec le baby-boom, les naissances augmentent (plus de 800 000 par an), accompagnant la hausse proportionnelle des avortements clandestins (estimés à 350  000).

⇒ Sur le modèle anglais, né de la conférence de Stockholm, en 1956, est créé en France ce qui deviendra le Planning familial, militant pour la légalisation des moyens de contraception et l’abolition des lois de 1920-23.

En 1967, la loi Neuwirth sur la contraception est une première victoire, limitée et relative.

⇒ L’entêtement répressif du pouvoir politique conduit à l’expression d’une voix féministe unie en faveur de l’avortement, à travers la publication en 1971, dans le Nouvel Observateur, d’un Manifeste signé par 343 femmes, artistes et intellectuelles qui affirment avoir avorté et exigent l’avortement libre.

⇒Le retentissement du procès de Bobigny, la diffusion de la méthode Karman (avortement par aspiration) et la création du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC) conduisent à la loi Veil en 1975 (2).

⇒ En 1982, l’IVG est remboursée par la sécurité sociale. Un droit encore renforcé en 1993 par la loi Neiertz qui crée un délit d’entrave et supprime la pénalisation de l’auto-avortement.

⇒ En 1999, la « pilule du lendemain » est mise en vente libre.

En 2001, le délai légal pour l’avortement est allongé de 10 à 12 semaines.

⇒ L’avortement médicamenteux est autorisé en cabinet à partir de 2004.

En 2013-2014, les lois Vallaud-Belkacem suppriment la condition de « détresse avérée » inscrite dans la loi de 1975, en garantissant le remboursement à 100 % d’un acte médical revalorisé.

Et aujourd’hui…

Le droit à l’avortement s’affirme dans la loi, mais dans la pratique, le financement des structures chargées de prendre en charge les patientes diminue. Est-il concevable, que, malgré la légalisation, certains avortements restent clandestins ?

(1) Certains chercheurs comme Angus McLaren pensent que ce paragraphe (supprimé aujourd’hui) du Serment d’Hippocrate aurait été ajouté au Moyen Âge, conformément aux théories aristotéliciennes
(2) Sur cette période, une excellente bande dessinée documentaire, “Le Choix”, Désirée et Alain Frappier, aux éditions la ville brûle, 2015

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