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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Les sympathisants

Épisode 12

Résumé : Les Sympathisants peuvent prendre une partie de la douleur d’autrui. Mais cette faculté commence à susciter beaucoup de questionnements…
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Deuxième partie : “Mon mal vient de plus loin…” Racine, Phèdre

Chapitre 1

Il y a deux ans, le professeur Gassendi prenait le soleil guadeloupéen dans son hamac, dans son petit jardin, tout en feuilletant une revue de voyage qu’il venait de recevoir de métropole.

Âgé de soixante-seize ans, Pierre Gassendi n’en paraissait pas moins. Le soleil tropical avait marqué implacablement son visage. Mais il ne s’agissait que de rides gaies, pattes-d’oie facétieuses autour des yeux, sillons espiègles sur les joues, témoignant d’une vie passée à sourire et à rire.

Le scientifique, achevant presque sa lecture, arriva à la partie récréative de la fin du mensuel, là où l’on trouvait parfois des jeux, parfois des recettes de cuisine ou des contes et légendes du monde. Cette fois, c’était une légende d’Amazonie. Le professeur Gassendi ajusta ses lunettes pour parcourir le texte.

Mais, comme c’était étrange…

– Pas possible, dit-il à haute voix…

Pierre Gassendi, pris d’un étourdissement, se secoua bien vite, referma son magazine, puis sa maison et, laissant le hamac se balancer sans lui, sauta immédiatement sur son scooter et rejoignit Pointe-à-Pitre où il prit un avion en partance pour Paris-Orly.

Arrivé à Paris le lendemain matin, il prit un TGV pour Saint-Pierre-des-Corps, puis un train régional pour Savigneaux-le-Rocher. De là, il se rendit à pied au petit village de Montluc-sur-Breuse, où il alla rendre visite à sa vieille amie Olivia de Sainte-Victoire qui vivait au domaine de Montgéry.

Ils ne s’étaient pas revus depuis près de vingt ans. Ils discutèrent longuement dans le salon, tandis que la vieille Solange leur servait du thé dans une théière anglaise très ancienne. Olivia posa sur la table un joli petit ordinateur miniature et ils firent ensemble quelques recherches, qui ne les menèrent nulle part. Tous deux échangèrent alors pendant une heure ou deux, puis Gassendi prit congé de son amie.

Près de la croisée dont la vitre déformait légèrement le paysage, Olivia resta longuement immobile, à contempler la silhouette qui s’éloignait d’un pas décidé. Il était venu la consulter. Elle lui avait dit que ce n’était pas la peine de se précipiter car il ne s’agissait pour l’instant que de soupçons. Il lui avait répondu que si, justement, il fallait se dépêcher, et qu’il était peut- être même déjà trop tard : durant toutes ces années, il avait eu le temps de réfléchir et d’anticiper les conséquences que pourrait avoir cette révélation pour l’humanité. Il n’y a, disait-il, pas une minute à perdre.

C’était donc pour ne pas perdre une minute qu’il marchait si vite en direction de Savigneaux-le-Rocher afin de reprendre le train régional, puis le TGV pour Paris, où il devait passer dans une maison d’édition parisienne qui publiait une revue de voyage.

Longtemps après que le professeur Gassendi eut disparu, Olivia posa une main sur son cœur, puis quitta lentement la fenêtre et décrocha du mur le combiné du vieux téléphone noir à cadran pour appeler le docteur Rousselle.

Installé dans le train en route vers Paris, Gassendi restait immobile sur son siège. Les yeux ouverts il ne regardait rien. Il essayait de remettre de l’ordre dans ses pensées et dans les émotions qu’il ressentait depuis la veille.

Son dernier séjour en métropole remontait à presque vingt ans et, depuis bien longtemps, il projetait d’y retourner. La découverte de cette fable dans la revue avait déclenché ce voyage improvisé en un temps record. Il avait besoin de savoir, et d’agir peut-être.

Retourner à Montluc-sur-Breuse avait réveillé en lui des souvenirs lointains : ses années d’étudiant en sciences à l’université d’Orléans, ses vacances en Touraine en compagnie du professeur Gordon Kind, mais aussi, Olivia de Sainte-Victoire.

Olivia qui, depuis toutes ces années, vivait loin de lui à Montluc. Elle avait pris de l’âge, comme lui, c’était normal. Mais dans le fond, elle n’avait pas changé. Il lui avait expliqué la situation en quelques mots. Elle l’avait invité à s’asseoir. Elle avait lu attentivement l’histoire qu’il avait apportée, puis avait recherché sur internet le mot “Kuryanahua”, avec plusieurs orthographes différentes, mais il n’existait nulle part. Elle était restée calme tout le temps.

– Je pense que nous ne sommes que deux à savoir. Il faut préserver la source, avait-elle simplement dit.

Elle avait réagi comme il se l’était imaginé. C’était comme s’il la connaissait depuis toujours. D’ailleurs, il la connaissait depuis toujours. Il lui semblait la revoir encore à la veille de ses vingt ans, belle et fière, avec ses boucles blondes soyeuses, tenant la main de son frère Hubert.

À la mort de la pauvre mère d’Olivia, c’est le professeur Gordon Kind, en vieil ami de la famille, qui était allé voir Catherine, la tante d’Olivia, pour lui parler de Pierre Gassendi, qui était alors un jeune Guadeloupéen venu étudier en métropole. Catherine, dans un doux sourire triste, lui avait répondu qu’il était préférable de parler à sa nièce.

C’est encore Gordon Kind qui était ensuite allé voir Olivia. Il avait fait comprendre à la jeune fille que son élève en était épris et rêvait de l’épouser.

Elle lui répondit que, si elle avait beaucoup d’estime pour le jeune chercheur, elle ne souhaitait pas se marier.

L’optimiste Kind, mettant cela sur le compte d’un enfantillage, gardait tous les espoirs de la faire changer d’avis. Aussi encouragea-t-il son jeune élève à faire la cour à Olivia.

Une cour qui dura deux années au terme desquelles, découragé, Gassendi se décida à abandonner.

Entre-temps, il était devenu un grand ami de la famille de Sainte-Victoire, et le demeura après le décès, un an plus tard, du professeur Kind.

Mais l’amour qu’il vouait toujours à la belle Olivia ne s’était pas éteint. Il venait souvent la voir à Montluc. La côtoyer était à la fois délicieux et tellement douloureux que, deux ans après sa demande en mariage, Pierre Gassendi décida que, son maître disparu, son amour impossible, plus rien ne le retenait en métropole. Il préféra retrouver sa famille en Guadeloupe.

Revenu à sa terre natale, il finit par rencontrer une jeune et très jolie femme qu’il épousa. Ils eurent trois enfants et achetèrent une maison ancienne qu’il rénova lui-même.

Sa femme était une excellente cuisinière et lui s’y mettait souvent aussi. Ils recevaient fréquemment des amis ; leur maison était toujours ouverte.

Il avait rapporté de métropole le pouvoir de Sympathie du professeur Gordon Kind. Il usait parfois de ce pouvoir au sein de sa famille, mais en secret, bien sûr, conformément à la volonté de son regretté maître.

Puis, les enfants partirent, sa femme aussi, pas très loin, à quelques maisons de là. Ils restèrent même très bons amis. On peut très bien s’aimer sans vivre ensemble. Ils vendirent la maison et il en acheta une plus petite. Dans le jardin, il y avait de nombreux bananiers ainsi que de grands palmiers. Entre deux d’entre eux, il installa son hamac. C’est là qu’il trouvait l’inspiration pour les articles qu’il écrivait dans diverses revues scientifiques, mais aussi pour d’autres publications, car le professeur Gassendi était aussi poète et philosophe.

S’il écrivait moins qu’auparavant, il gagnait bien assez pour vivre, car il n’avait pas besoin de beaucoup de choses pour être heureux. Juste les gens qu’il aimait, le soleil, la mer et son hamac.

Fabrice Legrand est heureux. Il possède un grand espace de travail en partie refait suite aux “événements”. Il travaille sur un ordinateur flambant neuf du dernier modèle, son siège tourne, son bureau est en L. Fabrice Legrand a sous ses ordres une secrétaire, mais il pense que ce n’est qu’un début ; bientôt, il dirigera plusieurs personnes.

Grande est sa fierté, d’autant plus que le chemin fut laborieux, les entreprises qui choisissent de faire confiance à un jeune débutant pour occuper un poste à responsabilités étant rares.

Pour l’heure, il est chargé de coordonner une campagne nationale d’information. Sur son bureau neuf, il a posé un épais dossier qui rend compte des dernières avancées scientifiques concernant la Sympathie. Il a longuement étudié son fonctionnement et son mode de contamination, et pense avoir tout compris. Il vient également d’apprendre que des scientifiques ont enfin pu mettre en évidence les conséquences à long terme du virus, et que le ministère de la Santé finance une importante recherche visant à l’isoler et à le neutraliser, ainsi qu’à le modifier pour le réintroduire de façon contrôlée. Le but est de devancer des laboratoires américains qui, paraît-il, inquiets du développement incontrôlable de la Sympathie, travaillent à la recherche d’un remède, d’un antivirus, déjà nommé dans le milieu médical français le “vaccin antipathique”.

Comment sensibiliser l’opinion publique à la nécessité d’introduire un virus de Sympathie modifié, et de contrôler désormais l’utilisation du virus d’origine ?

Fabrice Legrand pense à Marie, son ex-petite amie, et à ces gens, à tous ces gens en province, car ici on dit province quelle que soit la région, qui se mobilisent pour la Sympathie. Quelque chose lui dit que les gens comme eux risquent d’être difficiles à convaincre.

Mais il trouvera forcément un moyen de leur faire avaler la pilule. Il suffit de trouver une corde sensible.

À suivre…

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