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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Les sympathisants

Épisode 13

Résumé : Pierre Gassendi, intrigué par un conte paru dans une revue, décide d’en apprendre davantage sur la tribu des Kuryanahuas.
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Rio de Janeiro

Chapitre 2

Deux ans avant le recrutement de Fabrice Legrand chez AMM, le Boeing dans lequel se trouvait Pierre Gassendi venait de se poser sur le sol de Rio de Janeiro où, malgré l’heure matinale, régnait une bienfaisante chaleur humide.

Un taxi jaune déposa le professeur Gassendi dans le quartier de Flamengo, rua do Catete. Il donna soixante reals au chauffeur et descendit du taxi.

Plus tard, il était assis dans un petit salon très encombré de toutes sortes d’objets, face à un homme d’environ quarante ans, barbu et aux yeux rêveurs. L’éditeur parisien du poète Ricardo Reis lui avait annoncé la visite de Pierre Gassendi.

Le scientifique et le poète s’étaient tout de suite entendus à merveille. Ils communiquaient dans un mélange de portugais, de français et d’espagnol. C’était ardu mais, globalement, ils parvenaient à se comprendre.

Le professeur Gassendi expliqua au poète qu’il avait trouvé très intéressante sa légende sur les Kuryanahuas, et lui demanda s’il avait imaginé cette histoire, ou si on la lui avait contée.

Au plafond bas de la pièce, le ventilateur tournait inlassablement, brassant vainement l’air humide. Pierre Gassendi transpirait. Ricardo Reis retira ses lunettes embuées pour les essuyer à l’aide d’un torchon. Sourcils froncés, il regarda Gassendi avec étonnement :

– Por qué ?

Dans le visage de son interlocuteur, Gassendi ne lisait que loyauté, naïveté et rêverie. Se pouvait-il qu’il fût détenteur du secret ?

– Cachaça ? proposa Ricardo.

En sirotant son deuxième verre de cachaça, Ricardo expliqua au scientifique qu’il n’avait pas inventé l’histoire des flèches magiques, mais que des Indiens la lui avaient racontée au cours d’un voyage qu’il avait effectué récemment avec un ami explorateur nommé Dos Santos. Le poète dit à Gassendi qu’il avait transcrit d’autres légendes sur les Kuryanahuas, et qu’il les lui ferait lire s’il le voulait. Gassendi dit oui, bien sûr, puis il demanda au poète si, au cas où Dos Santos prévoyait de se rendre à nouveau chez les Kuryanahuas, il comptait se joindre à lui. Reis répondit vivement que non, une telle expédition est beaucoup trop difficile à vivre, et qu’il fallait être fou comme Dos Santos pour y retourner.

Durant l’unique voyage qu’ils avaient effectué ensemble, ils avaient rencontré plusieurs communautés indiennes, et avaient beaucoup échangé avec certaines d’entre elles. Ricardo Reis comprenait plusieurs dialectes amérindiens, et il avait recueilli les merveilleux mythes et légendes qu’on lui contait, tandis que Dos Santos s’était principalement intéressé aux remèdes encore inconnus utilisés depuis toujours par les Indiens pour se soigner.

Le poète semblait doté d’un cœur bon et sensible, et servait généreusement la cachaça. Il sera certainement un ami, pensa Gassendi. Cependant, l’alcool et la chaleur tropicale lui donnèrent l’envie d’aller se rafraîchir. La plage de Flamengo était à deux pas.

– Esta poluta, dit le poète. Na piscina, sera melhor.
[L’eau est polluée. Mieux vaut aller dans la piscine.]

Dans sa précipitation, Gassendi n’avait pas emporté de bagages. Reis lui prêta un maillot et tous deux prirent le chemin de la piscine tout en poursuivant leur discussion.

En route, le poète fouilla dans sa mémoire. Avec l’explorateur Dos Santos, dit-il, il avait rencontré plusieurs groupes d’indigènes et tous leurs récits fantasmagoriques se mélangeaient dans sa tête. Les Kuryanahuas sont, crut-il se souvenir, une petite communauté constituée de six villages, et dont les traditions, qu’ils protègent jalousement, sont très bien préservées : ils semblent avoir eu très peu de contacts avec notre civilisation. D’ailleurs, contrairement à la plupart des tribus indiennes, ils refusent tout échange matériel avec l’homme blanc.

Leur langue, ajouta-t-il, est facile à apprendre car très imagée. Par exemple, monter dans un arbre se dit “faire comme le singe”, chasser se dit “faire comme le jaguar”. Il suffit de connaître les noms des animaux, conclut-il en riant.

Au bord de la piscine où ils arrivèrent bientôt, se prélassaient trois jolies Brésiliennes en bikinis cariocas, et Pierre Gassendi rentra le ventre. Il plongea et, au mépris de ses soixante-seize ans, nagea six longueurs soit trois cents mètres en crawl presque sans s’arrêter, puis ressortit de l’eau en secouant ses cheveux blancs, pour constater que les trois Brésiliennes étaient parties.

Pierre Gassendi fit un petit détour par le bar où il prit deux caïpirinhas, puis il rejoignit Reis qui somnolait sur une chaise longue. Sirotant la boisson, le poète poursuivit le récit de son escapade dans la forêt amazonienne et de sa rencontre avec les Kuryanahuas.

Le cacique, avec qui les deux voyageurs avaient beaucoup discuté, régnait sur les six villages situés au nord de la forêt amazonienne, dans sa partie brésilienne, au bord d’une petite rivière qui se jette dans un affluent du Rio Negro.

Deux Indiens taciturnes engagés par Dos Santos leur servaient de guides et ne cherchaient pratiquement jamais à communiquer avec les autres communautés indiennes. Le poète et son ami explorateur estimaient être pratiquement les seuls actuellement à connaître les Kuryanahuas.

Depuis leur retour, chaque fois que Ricardo voyait Dos Santos, l’explorateur lui reparlait de ce peuple et affirmait que beaucoup de choses l’intriguaient encore. Si Reis ne se trompait pas, il lui semblait bien que son compagnon de voyage préparerait bientôt une nouvelle expédition au sein de cette tribu, afin de la connaître davantage.

Gassendi n’avait plus de doute. Les Kuryanahuas dont il était question étaient bien les mêmes que ceux dont lui avait parlé Gordon Kind.

Le médiocre petit déjeuner pris dans l’avion était loin maintenant et Pierre Gassendi avait bien envie de goûter à la cuisine locale. Les deux hommes allèrent joyeusement déjeuner non loin de là, dans un petit restaurant “por kilo”.

Dos Santos était un grand scientifique qui avait déjà effectué plusieurs voyages et découvert des plantes médicinales encore inconnues, racontait le poète admiratif, en ajoutant que c’était lui qui détenait tel et tel brevet. Gassendi fut pris d’une inquiétude croissante. Il lui fallait absolument rencontrer Dos Santos pour savoir quelles étaient ses intentions avec les Kuryanahuas.

Il essaya de poser au poète une question importante : lui et Dos Santos avaient-ils remarqué que les Kuryanahuas semblaient avoir des facultés que nous n’avons pas… Des choses magiques, par exemple ?

Convaincu, Reis affirma que les Kuryanahuas étaient un peuple magique.

Gassendi essaya de mimer le geste de partager la douleur. Reis répondit, passionné, que c’était un peuple fascinant.

Gassendi ne savait pas si l’homme comprenait vraiment. Connaissait-il l’étrange pouvoir des Kuryanahuas, ou le pouvoir décrit dans sa légende n’était pour lui qu’une métaphore de l’empathie, du partage ? Gassendi avait l’impression que cet homme vivait dans un autre monde. Après le déjeuner, Reis indiqua au professeur Gassendi l’adresse de l’explorateur Dos Santos, non sans l’inviter à revenir chez lui pour y passer la nuit s’il n’avait pas encore réservé d’hôtel.

Gassendi prit alors un taxi pour le quartier de Lapa. L’édifice devant lequel il se trouvait à présent était vraiment très haut. Se penchant en arrière pour le contempler, Gassendi épongea son front dégarni avec son mouchoir.

Quand il pénétra dans le hall d’entrée, cinquante personnes patientaient déjà devant trois ascenseurs. Gassendi se rangea derrière eux.

Chapitre 3

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